J'adresse cette pensée en ce quarantième anniversaire de la mort d'Ernesto GUEVARA, dit « El Commandante ». Le visage de ce guerillero a toujours à mes yeux quelque chose d'insolent et de défiant, même si, plastiquement, on le consomme à toutes les sauces. Il est vrai que l'on tente encore aujourd'hui de le tuer une deuxième fois en rappelant son intransigeance révolutionnaire, ses « échecs » au Congo et en Bolivie et le fait qu'on assimile sa personne aux difficultés économique actuelles de Cuba. J'ai grandi au cours de ma première jeunesse dans l'ombre du CHE et de la révolution cubaine. En classe de philosophie, nous en discutions avec fièvre car des professeurs, Messieurs Pierre-Justin , Leborgne et Letourneur nous permettaient de libres débats sur l'actualité internationale et nationale . C'était également le temps de la guerre d'Algérie où nous craignions d'en être des appelés. Ce fut aussi l'instant du départ pour la France car contraints d'y aller faire des études universitaires. Je me souviens d'un certain soir de vacances de Noël 1961, rue Amiral-Mouchez, à Paris, où Sony surgit parmi nous en ayant empilé sur son torse cinq ou six pull-overs. Aussi vite disparut-il pour un inconnu-bien-connu, parce que mon frère y était déjà, là-bas, à Prague, à Bucarest ou à Alger. Tout cela dit, après l'AGEG et le retour au pays, des évènements nombreux qui se succèdent nous replongèrent bien vite dans ce que nous appelions le colonialisme mais dont nous n'avions jamais affronté, concrètement, le hideux visage C'est ainsi que, le 9 octobre 1967, je me trouvais avec huit autres grévistes de la faim dans l'infâme mais vaste cellule de Saint-Hyacinthe, à Basse-Terre, après que l'on eût tenté de nous diviser en envoyant, pour un temps, les « meneurs » à l'Hôpital du Camp-Jacob. Tomiche et Courbain doivent se souvenir de cet « intermède » ! Le lendemain 10 octobre, par le judas de la porte blindée, nous aperçûmes des journaux parisiens manifestement bien étalés pour nos yeux, et sur lesquels on y voyait la photo du CHE avec la légende de sa mort. Cette photo d'un corps allongé, avec des yeux glauques, m'attrista beaucoup, mais n'entama en rien notre détermination. Nous nous dîmes alors que les autorités judiciaires avaient fait diligence pour nous jeter en pâture cette icône du CHE. Car, quoi qu'on puisse dire, cette photo n'avait rien finalement de décourageant. Nous connaissions le parcours du Commandante, à moto, depuis l'Argentine jusqu'au Mexique, là où il put mesurer l'arrière-cour misérable de l'impérialisme yankee. « Patria o muerte ! » Quel révolutionnaire, quel combattant internationaliste, haïtien ou colombien du temps de BOLIVAR, bolchevique ou chinois du XXe siècle n'a pas cru que l'on pouvait exporter la révolution ? L'impérialisme, lui, n'exporte-t-il pas sa force immonde si l'on compte la centaine d'interventions militaires que firent directement l'US Army et, indirectement, la CIA sur le continent américain ? Non, le CHE a bien essayé, car il « s'embourgeoisait » (disait-il lui-même) à La Havane. Lumumba aussi a essayé. Des milliers de Chiliens, d'Argentins et de Brésiliens ont également essayé. Beaucoup ont échoué et ont été assassinés. Aujourd'hui, comme une graine qui a mis du temps pour pousser, les Boliviens tentent de se libérer de l'oppression impérialiste, tout comme Hugo CHAVEZ au Vénézuela. Alors, en quoi le CHE est-il mort, à l'échelle du temps ? En Guadeloupe, on tente aussi de nous faire croire qu'il n'y a plus rien à faire. Le colonialisme français tolère les grèves ou disqualifie tout mouvement de protestation. On nous dit d'attendre les prochaines élections pour « sanctionner » ceux qui, au fond, n'ont jamais trahi personne, sinon eux-mêmes. Ainsi, entre la grève forcément corporatiste et l'urne électoraliste, point de salut. Une idée me dit qu'il y a entre ces deux voies traditionnelles des choses à défaire et à faire. Il n'y a pas de « moyens exclusifs » sauf si l'on refuse de réfléchir et d'agir. Voilà, en termes de souvenir, ce que je voulais dire à propos du CHE. TITOR
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