A propos de votre prose
« JE SUIS MARTINIQUAIS »
{Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres, vous
n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot
« sot »}
Edmond Rostand
« Je suis martiniquais » m’a choqué, même si j’attribue certains de vos propos à des dérives d’ivrognes, des provocations insultantes que vous qualifiez d’analyses et ce au prétexte que vous prenez votre inspiration dans les vapeurs de l’alcool. A la Martinique nous sommes habitués aux aigreurs de «soûlards, chargés par le rhum, non celui décrit par nos auteurs comme un spiritueux rare, mais plutôt celui avec lequel on soigne les mulets.
Ce « soûlà » comme nous le dénommons, déverse certes son trop-plein de bile en paroles, là où il se trouve, mais se sert rarement, sinon jamais d’une tribune propre et intègre pour vomir sa haine de cet autre qui n’est pas lui. Pour ma part, j’ai trop d’amitié et de respect pour le travail de Raphael Confiant, directeur de la publication de Montray Kréyol, pour vous laisser, ni délirer ni éructer votre haine de l’Antillais, en démonstration que vous avez une plume et, que ce faisant on doit vous pardonner vos gasconnades.
Moi aussi Monsieur, j’étais à Berlin en 74, j’avais 22 ans. Tout comme vous j’ai vu le mur et en dépit de mes origines d’esclaves, une telle barbarie m’a heurtée. Lorsqu’en novembre 1989, j’étais alors en Guyane, l’intelligence a gagné sur la bêtise et la méchanceté, la chute du mur de Berlin a été l’occasion d’une belle fête de la liberté gagnée, entre amis, fils et filles d’esclaves, noirs et blancs confondus. Ceci pour vous dire Monsieur Caille, que les Martiniquais n’ont que faire de vos bons sentiments mouillés d’eau-de-vie. Tant d’autres, avant vous, ont rêvé d’espoir pour nous.
Merci, monsieur Caille, mais assez gémir sur notre sort et, paraphrasant Edmond Rostand, je vais me permettre d’adapter ma réponse à la jolie réplique de Cyrano de Bergerac
« Pour nous servir toutes ces folles plaisanteries, que vous n'en eussiez pas articulé le quart de la moitié du commencement d'une, car nous nous les servons nous-mêmes, avec assez de verve, mais ne permettons qu'un autre nous les serve ».
Gardez donc vos ambitions pour ces jeunes gascons désœuvrés, face à une Europe qui se délite et dont les découvertes vont de la drogue du violeur à celles du blé transgénique. Alors Monsieur, vous qui dites connaître la Martinique, ne faites pas de vœux de papayers mâles, car, même dans vos rêves les plus éthyliques, vous ne serez jamais un Martiniquais.
Tentez donc aussi les résultats de vos études chorématiques pour les banlieues des grandes villes européennes où la stratégie des nouveaux bâtisseurs, n’a pas évolué depuis la racine du terme. Car de vous à moi, que produisent vos banlieues, sinon une société abêtie par la monstruosité de son urbanisation féodale.
J’ai vécu 28 ans en France continentale, j’ai même épousé en première noce, non un gascon, mais un morvandiau, qui m’a donné deux garçons dont je suis assez fière. C’est vous dire comment je les ai fréquentés tous ces fils de serf, ignares ou imbécilement contents d’eux et se contemplant volontiers le nombril en pensant qu’ils sont les meilleurs parce qu’ils se supposent les plus astucieux.
Certes, ceux que j’ai connus étaient plus polis que vous, même s’ils avaient toujours quelque chose à dire sur n’importe quel sujet touchant les affaires du monde, de l’ail au zinc en passant par les importations de carbone de la République Populaire de Chine. Un Français, même boulé, se doit de prendre la parole pour déclamer de grands principes et faire la leçon au monde entier. Où qu’il soit, un Français persiste à se croire le centre du monde…
Aussi, je peux vous l’avouer, ce n’est pas l’envie qui m’a manquée de dire à tous ces hâbleurs lucides ou inconscients tout le mal que je pensais d’eux, mais je n’ai jamais trouvé de grands blancs pour m’offrir une tribune. Je comprends que vous n’aimiez pas le bonheur monsieur Caille, et que de passage chez nous l’on ai eu à vous rapatrier vers vos pénates. En dépit de ce processus d’abrutissement dont vous parlez comme si vous en avez été l’auteur, ce pays est un lieu de bonheur. Sans vous, il viendra un jour où ses véritables propriétaires trouveront en eux la force de regarder demain*.
Nous autres antillais, bien que nous soyons criblés de tares, un sentiment intrinsèque nous a été transmis par notre mère l’Afrique et nous anime jusqu’à ce jour et parfois malgré nous, il s’agit de cette sensation, la bienséance, que nous tentons de conserver autant que faire se peut face à nos visiteurs de tout poils. C’est probablement cette conduite généreuse qui défend à notre directeur de vous envoyer vous faire f..
Je ne vous salue pas monsieur Caille
La Carbetienne
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