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A propos d’une levée de boucliers anti-fiscale

Michel BRANCHI
A propos d’une levée de boucliers anti-fiscale

Fiscalité locale : Un  débat symbolique de la volonté réelle d’aller à l’Autonomie politique

Les six propositions présentées le 29 mars 2017 à Paris au siège de l’Association des Régions de France par Alfred Marie-Jeanne au nom des présidents des Régions et Collectivités uniques d’Outre-mer aux candidats à l’élection présidentielle en matière fiscale et financière ne sont pas passées inaperçues (voir présentation dans Justice n° 16 du 20/04/2017).

Des propositions « assassines » ?

Par exemple, le site d’information Carib Créole News(CCN) animé par Danik Zandronis publie le 13/04/2017 une vive réaction d’Alain Plaisir, animateur du CIPPA (Comité d'initiative pour un projet politique alternatif) et ancien du GRS, formation politique guadeloupéenne qui se revendique de l’Autonomie. Il est présenté comme un « spécialiste reconnu des questions  de fiscalité ».  L’article est titré : « Guadeloupe/Martinique. Fiscalité : Alfred Marie Jeanne propose d’augmenter lourdement les taxes dans les « dernières colonies françaises ».

Une étrange coalition Fedom- GRS

Fait éclairant : l’article est repris intégralement et complaisamment par la lettre n° 247 du 18/04/2017 de la Fedom, lobby du grand patronat des pays d’outre-mer. Et RCI, toujours à la pointe contre la majorité de la CTM, le 20 avril annonce un « doublement » de l’octroi de mer qui va augmenter les prix.

Le relais est pris dans France-Antilles du 26/04/2017 par Marcel Sellaye du GRS qui dénonce un « projet maléfique » et le « matraquage » de la population parce que « le président et les catéchumènes ont tardivement constaté que leur assemblée unique était privée de moyens financiers ». Et il annonce « un nouveau 2009 contre la cherté de vie ».

 Le néo-PPM n’est pas en reste et fourbit les armes de la démagogie anti-fiscale (cf « Le Progressiste » du 26/04/2017) en accusant les présidents ultra marins de vouloir « à la fois le beurre et l’argent du beurre, en prenant le risque de faire grimacer la crémière sur leurs territoires respectifs ».

Alain Plaisir, par conséquent, dénonce pour commencer que « c’est dans la plus grande opacité que les  présidents des Régions d’outre-mer, à l’initiative d’Alfred  Marie-Jeanne, en sa qualité de président de la commission des Outre-mer au sein des Régions de France,  ont  formulé six propositions fiscales et financières, à destination des candidats à l’élection présidentielle ». Or ces propositions ont été faites lors d’une réunion publique le 29 mars 2017 à Paris de l’Association des Régions de France et avec l’accord des autres présidents de Régions et Collectivités d’Outre-mer et singulièrement d’Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe.

Il affirme ensuite  péremptoirement que « on peut affirmer,  sans l’ombre d’un doute, qu’au moins deux de ces propositions  sont assassines pour le consommateur et  l’économie de nos pays ».

 

Un prétexte ? Non une nécessité

 

Il écrit, s’agissant de la première : « En effet, sous prétexte d‘augmenter les ressources financières des régions, les présidents des régions d’outre-mer proposent de doubler le taux plafond de l’octroi de mer régional  pour le faire passer de 2,5% à 5%, soit le doublement de cet impôt indirect ».

Augmenter les ressources financières des régions et collectivités d’outre-mer n’est pas un « prétexte » mais une nécessité au vu des énormes défis du développement qu’elles doivent affronter, de la faiblesse de leurs ressources fiscales propres, de leur situation financière difficile et compte tenu de surcroît de la baisse continue des dotations de l’Etat français. Peut-être que notre éminent spécialiste fiscal ignore-t-il ces données du sous et mal-développement de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion.

 Cela rapporterait par territoire environ 72 millions d’euros.

Le leader du CIPPA  poursuit : « La troisième proposition est aussi assassine que la précédente pour les consommateurs. En effet, monsieur Marie-Jeanne et ses acolytes proposent d’étendre l’octroi de mer régional aux SERVICES ». Il explique : « Si cette proposition était acceptée, dorénavant  nous paierons, à titre d’exemple, 5% au restaurant  sur l’addition  présentée par le restaurateur. Ce sera également le cas,  sur les travaux effectués à notre domicile. Tout cela en plus de la TVA que nous continuerons à payer ».

 

Et de conclure : « Ces mesures, si elles étaient appliquées, seraient un nouveau coup dur porté aux guadeloupéens et particulièrement aux plus modestes. Elles seraient facteurs de vie chère, car en définitive  ces taxes sont répercutées   uniquement sur le consommateur final. Le CIPPA fera tout pour que ces nouveaux impôts ne soient jamais appliqués »

En réalité, il est envisagé de fixer le taux de cet octroi de mer régional sur les services entre 0,75 % et 2,5 % et non de 5 % comme indiqué. Le produit par Région serait environ, selon les taux adoptés, de 21,5  millions d’euros (0,75 %) à 72 millions d’euros (2,5 %). Indiquons que le secteur des services représente 84 % du PIB en Martinique et 85 % du PIB en Guadeloupe et 90/92 % de la valeur ajoutée produite et des établissements.  

Un prélèvement faible et destiné au développement économique

Donc ces deux impôts - déplafonnement de l’octroi de mer régional et extension de l’octroi de mer aux services- prélèveraient pour chaque territoire aux alentours de 93,5 à 144 millions d’euros au maximum.

De plus, ces ressources permettront de baisser l’octroi de mer général  qui pèse  sur les produits importés en moyenne de 7 % de leur valeur d’importation alors que la TVA pèse elle 8,5 %. Ce qui devrait diminuer les prix de certaines marchandises importées et/ou compenser les hausses de l’octroi de mer régional  demandées pour protéger les productions locales. Si des mesures réglementaires de contrôle des prix d’accompagnement sont prises…

Indiquons, à titre de comparaison, que le seul chiffre d’affaires des hypermarchés en Martinique est de 575 millions d’euros et que le montant des importations de véhicules a été de 378 millions d’euros en 2015. La consommation des ménages martiniquais est de l’ordre de 5 500 millions d’euros en 2015. Elle est sensiblement équivalente pour les ménages guadeloupéens à 4 849 millions d’euros en 2015. Et la richesse globale (produit intérieur brut) est de 8 800 millions d’euros en Martinique (2015) et 8 300 millions d’ »euros en Guadeloupe (2015)

Donc les prélèvements envisagés sont faibles. De l’ordre de 1,6/1,7 % du PIB (Richesse globale) pour chacun des deux territoires.

Il faut rappeler que ces propositions de renforcement des capacités financières et fiscales des Régions et territoires d’outre-mer sont motivées par un triple constat :

  • Une fiscalité économique faible, reflet du sous et mal-développement ;
  • Des besoins d’investissement massifs dans les 20 ans à venir ;
  • Les Collectivités unique dans une « impasse financière » du fait des dettes et engagements financiers trouvées le 1er janvier 2017 et de la baisse des dotations de l’Etat depuis 2013 ;
  •  

Question de responsabilité

Plus fondamentalement, qui dit Autonomie dit fiscalité propre, c’est-à dire capacité d’agir. Sinon c’est accepter de dépendre éternellement du bon vouloir de l’Etat français central. C’est une question de responsabilité et de citoyenneté. Mais surtout l’important est de savoir quel usage sera fait des ressources nouvelles collectées. Veut-on vraiment qu’une part de la consommation aille par l’action de la Collectivité à l’investissement, à la construction de l’économie et à l’emploi, à répondre à la demande sociale qui monte, notamment avec le vieillissement accéléré et l’extension de la pauvreté ?

Une autre étape pourrait être la dévolution par l’Etat central d’une part de l’impôt sur le revenu (215,1 M€ en 2015 en Martinique)- ou d’une part de la TVA (185 M€ en 2015 en Martinique) avec possibilité d’en fixer les taux.

C’est le problème qu’affrontent l’Ecosse avec la Grande-Bretagne ou la Catalogne avec l’Espagne.

Quant à la question de la justice fiscale elle dépasse celle de la fiscalité locale et veut que plus on a de revenus plus on contribue aux besoins de la collectivité. Elle touche l’ensemble de la fiscalité d’Etat et locale, directe et indirecte. La vraie question est : les mesures de défiscalisation tout azimut accordées depuis au moins 1986 (Loi PONS) et prolongées avec le crédit d’impôt sur la compétitivité et l’emploi (Cice) majoré outre-mer  ont-elles développé l’économie, la production et l’emploi ?

 Il s’agit d’une contradiction importante dans la marche vers l’autonomie politique et le développement authentique. N’oublions pas que la guerre d’indépendance des Etats-Unis au 18ème  siècle à l’égard de l’Angleterre a commencé par un question fiscale sur l’industrie textile.

C’est le même débat que nous avons eu avec le néo-PPM à propos de l’augmentation de la taxe spéciale de consommation (TSC) sur les carburants qui va aux transports et à l’investissement routier. Le réflexe de ce parti a été de tenter de provoquer une fronde fiscale.  Sur la base d’arguments populistes type poujadistes. Le même néo-PPM dont le député Serge Letchimy a voté à l’Assemblée nationale des baisses de dotations budgétaires aux collectivités pour redresser les finances de la France  et qui les étranglent financièrement : par exemple, près de moins 10 millions d’euros pour la CTM en 2017 et moins 26,2 millions d’euros en cumulé depuis 2013.   

Avant d’être consommateur le citoyen doit être producteur, salarié ou indépendant dans le pays nouveau que nous voulons construire.

Cela ne veut pas dire, comme l’ont déclaré les présidents des Régions et Collectivités d’outre-mer,  qu’il ne faut pas continuer à  exiger de l’Etat français qu’il accomplisse ses devoirs à l’égard des peuples des pays d’outre-mer en finançant correctement leurs collectivités locales et les services publics. C’est ce que les Guyanais ont réalisé de manière spectaculaire en obtenant, entre autres, des compléments de financement pour la CTG et les services publics.

                                                                               Michel Branchi

                                                                              Economiste (28/04/2017)

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