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ARCHIVES : MARIE-JEANNE ET LA RECHERCHE (2006)

ARCHIVES : MARIE-JEANNE ET LA RECHERCHE (2006)

Pour de petits pays, moyennement pourvus en ressources naturelles, tels que les nôtres, la recherche constitue un enjeu fondamental. Nous présentons ici une intervention, très importante sur le sujet, prononcée en 2006 à l'Assemblée Nationale française par Alfred MARIE-JEANNE, député de la Martinique et président du Conseil Régional de ce pays.

DISCOURS D’Alfred MARIE-JEANNE SUR LA RECHERCHE (2006)

{{M. le président.}} La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

{{M. Alfred Marie-Jeanne}}. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de programme pour la recherche arrive à point nommé.
Il sous-tend une ambition. Quoique contrariée, cette ambition est liée à la stratégie de Lisbonne qui recommande de manière pressante aux partenaires européens de s'orienter vers l'économie de la connaissance la plus compétitive.
Pour atteindre cet objectif, le nouveau cadre prévoit : la restructuration du paysage institutionnel ; le renforcement de moyens financiers dédiés ; le développement d'interfaces et de coopération entre acteurs publics et entreprises.
Ces nouvelles perspectives s'inscrivent également dans une dimension territoriale.
En effet, la politique de recherche est annoncée comme devant être intensifiée par le biais de pôles de compétitivité, dans lesquels les régions peuvent être associées.
À ce propos, il est opportun, légitime et vital d'instaurer un pôle de compétitivité endogène couvrant l'ensemble Guadeloupe, Guyane et Martinique, à travers l'université Antilles-Guyane à qui serait assigné le rôle de fédérateur.

{{M. Roger-Gérard Schwartzenberg}}. Très bien !

{{M. Alfred Marie-Jeanne.}} L'objectif étant aussi de corréler la recherche au développement.
En effet, les caractéristiques géographiques et climatiques de ces pays en font des laboratoires naturels avec des créneaux diversifiés, tels que la biodiversité, le milieu marin, les énergies alternatives, l'agronomie, ainsi que la gestion des risques allant du cyclonique à l'environnemental, en passant par le sismique, le phytosanitaire et l'épidémiologique.

{{M. Roger-Gérard Schwartzenberg.}} Très juste !

{{M. Alfred Marie-Jeanne.}} L'épidémie de chikungunya, en cours dans l'île de La Réunion, témoigne de la nécessité de domicilier et d'adapter la politique de recherche dans les pays dits « d'outre-mer ».
À situations particulières, préoccupations particulières, décisions particulières, messieurs les ministres.
Les diverses potentialités que je viens d'énumérer sont d'autant plus stratégiques que les bouleversements sociétaux, économiques et environnementaux en font des spécialisations incontournables.
D'ailleurs, il serait inexact de croire que la recherche en Martinique, par exemple, ne soit restée qu'au stade embryonnaire ou du balbutiement.
Disons, pour expliciter, que la Martinique a plutôt servi de cobaye, de champ d'expérimentation dans maints et maints domaines, et que les résultats ont été dissipés et utilisés ailleurs, sans retombées positives pour elle-même. Un exemple, un seul : le vitro-plant banane dont le brevet a été acheté par un pays étranger qui, ensuite, nous revend le produit.

{{M. Jean-Yves Le Déaut.}} Eh oui !

{{M. Alfred Marie-Jeanne.}} Aujourd'hui, c'est d'une réelle politique scientifique dont nous avons besoin pour accroître l'attractivité et assurer, de façon pérenne, l'adéquation entre recherche, poursuite des études et vocations scientifiques.
Messieurs les ministres, le constat est là : les orientations prises ne répondent pas tout à fait aux enjeux de la recherche pour la Martinique.
Évitons de faire sombrer l'université Antilles-Guyane dans le bas de gamme, alors que les atouts existent.
Évitons de la confiner dans un rôle de formation primaire, avec les conséquences inéluctables de voir les cerveaux s'en aller, ce qui contribuerait d'autant au déclin de l'enseignement supérieur et, partant, de la recherche.

{{M. Yves Durand.}} Très juste !

{{M. Alfred Marie-Jeanne.}} Ce n'est pas ce que vous souhaitez, je l'espère. Mais nous en prenons le chemin.
Rappelons que, pour se positionner comme un des acteurs majeurs de la construction de l'Europe de la recherche et de la connaissance, la France propose, à l'horizon 2010, de consacrer 3 % au moins de son PIB aux dépenses de recherche et de développement.
Dans le même temps, l'ordre de grandeur des crédits d'État contractualisés dans l'actuel contrat de Plan État-région Martinique n'atteint même pas les 4 millions d'euros étalés sur sept ans.
De tels chiffres confirment l'effacement irréversible du pôle de recherche en Martinique.
La plus grande partie des aides ira donc vers les grands pôles de compétitivité, là où se trouve déjà presque tout : grands laboratoires, grandes universités, grandes entreprises.
Je peux comprendre cette stratégie, sans pour autant aller jusqu'à soumettre la recherche à l'économique.
Tenant compte de notre contexte, la démarche préconisée ne doit pas s'opérer au détriment de la Martinique qui doit jouer le rôle qui lui revient. Car cela se peut, car cela se veut, car cela se justifie au regard de ses atouts, tant naturels qu'intellectuels, et de ses résultats.
Messieurs les ministres, j'espère avoir capté positivement votre attention, c'est-à-dire vous avoir convaincus du bien-fondé de la revendication martiniquaise en ce domaine.
N'oubliez surtout pas que la recherche d'aujourd'hui augmentera le savoir de demain, lui-même étant à la base du savoir-faire du surlendemain.
Mon intervention est loin d'être une accusation. Elle se veut avant tout une démonstration et un plaidoyer.
Je me demande si, à ma place, vous n'auriez pas agi de même et avec plus de persuasion encore que moi-même.
À votre place, par contre, vous pouvez réagir favorablement en rendant un verdict positif, pas forcément hâtif, car il y va de l'intérêt général et supérieur bien compris.
Il n'est jamais trop tard pour mieux faire, messieurs les ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

{{M. Roger-Gérard Schwartzenberg.}} Bravo !

Alfred MARIE-JEANNE soutenant l’amendement

{{M. Alfred Marie-Jeanne.}} L'amendement n° 107 vise à compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :
« Le Gouvernement déposera également, dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, un rapport visant à déterminer les conditions du développement de la recherche en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, à en définir les objectifs et, le cas échéant, à proposer de nouvelles dispositions tenant compte de leurs situations particulières. »
Cet amendement vise à prendre en compte la position des chercheurs qui exercent leurs activités dans les régions que je viens de citer. Leurs revendications se fondent notamment sur une menace de réduction de l'offre de formation universitaire ; sur l'aspiration des cerveaux vers - sinon par - les pôles de compétitivité, qui menace l'articulation entre la formation des élites de ces régions et la recherche scientifique sur place ; sur le risque de voir les étudiants se détourner de l'université des Antilles et de la Guyane compte tenu de l'amenuisement de l'offre en perspective ; sur une réflexion relative aux conditions adaptées d'instauration d'un pôle de compétitivité, notamment en considération de la structure du tissu économique et industriel de ces régions - car il n'y a chez nous, je le rappelle, ni grandes entreprises, ni mécénat, ni fondations - ; enfin, sur le fonctionnement particulier de l'université des Antilles et de la Guyane, dont l'éclatement entre les trois régions m'a fait proposer, dans mon intervention, que l'on puisse voir cette université jouer un rôle de fédérateur.
Devant l'importance de ces revendications, il convient qu'un rapport puisse établir les conditions du développement de la recherche dans ces régions, en redéfinir les objectifs et déterminer, le cas échéant, de nouvelles dispositions particulières. Tels sont l'objet et le sens de cet amendement.
{{Mme la présidente.}} Quel est l'avis de la commission ?

{{M. Jean-Michel Dubernard,}} président de la commission, rapporteur.

L'amendement n° 107 a beaucoup intéressé la commission, qui a émis un avis favorable.
Je formulerai toutefois deux remarques. Tout d'abord, je tiens à souligner que ce qui m'a convaincu de voter votre amendement est que j'ai eu l'occasion d'observer à la Réunion, au début du mois de janvier, les relations établies entre l'université et des organismes de recherche de grande qualité, tels que l'INRA et l'ORSTOM : on a trop tendance, en métropole, à oublier ce qui se passe à la Réunion, à la Guadeloupe, en Guyane et en Martinique. Toutefois, monsieur Marie-Jeanne, j'observe que la Réunion n'est pas mentionnée dans votre amendement et je suggère qu'elle le soit.
Il conviendrait, ensuite, de supprimer de l'alinéa que vous proposez le mot « également », qui n'a pas grand sens.
Sous réserve donc de cette double rectification, l'avis de la commission est favorable.

{{Mme la présidente.}} Monsieur Marie-Jeanne, acceptez-vous la double rectification proposée par le rapporteur ?

{{M. Alfred Marie-Jeanne.}} Je l'accepte bien volontiers, madame la présidente.

{{Mme la présidente.}} Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 107 rectifié ?

{{M. le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.}} Si je souscris pleinement à l'objectif que poursuit M. Marie-Jeanne, je ne sais, en revanche, si cela doit figurer dans la loi. Mais, après l'avis favorable de la commission, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

{{Mme la présidente.}} Je mets aux voix l'amendement n° 107 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

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