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Art et détournement

Art et détournement

   Dans le domaine artistique, le détournement concerne généralement les images, les œuvres, les objets, les matériaux industriels et naturels quelles que soient leur taille et leur matière. Le détournement consiste alors en une modification du sens de l’image ou de la fonction de l’objet. Le contexte et le lieu peuvent également jouer un rôle dans le détournement. Celui-ci modifie donc ce qui existait antérieurement.

     Le détournement est une modalité de l’appropriation qui consiste à utiliser une source, un référent déjà existant dans la réalisation d’une œuvre nouvelle. En l’occurrence, il s’agit là d’une appropriation productrice d’un écart plus ou moins significatif, débouchant sur une transformation. Le détournement consiste à transformer l’usage d’un objet, ou l’apparence d’une œuvre, connue de préférence. Dans une certaine mesure, le détournement est une affaire de connaisseurs qui sont en mesure de saisir ce en quoi il y a détournement, d’en mesurer l’importance et la portée. Le détournement aussi est parfois motivé par une volonté de désacralisation.

   Les exemples de détournements sont nombreux dans l’art moderne et dans l’art contemporain. Si l’on remonte à la fin du XIXe siècle, différents mouvements artistiques ont réalisé des ruptures déterminantes vis-à-vis de l’art classique, s’autorisant des innovations, évidemment incomprises et décriées sur le moment. Le détournement dans l’art s’inscrit dans le prolongement des innovations de ces mouvements qui ont contribué à rompre avec l’art et les canons artistiques du passé. Ils ont, précisément, détourné le cours de l’art, l’entraînant dans de nouvelles et multiples directions, toutes imprévisibles et insolites qui, pour certaines, constituent de véritables révolutions artistiques.

    Depuis Picasso s’appropriant un morceau de toile cirée et un fragment de corde qu’il insère dans sa Nature morte à la chaise cannée en 1912, ou l’année suivante, Marcel Duchamp réalisant avec une roue de vélo et un tabouret son ready-made intitulé Roue de bicyclette, jusqu’au recyclage récent de déchets provenant de décharges publiques du Brésil permettant à Vik Muniz de reconstituer des œuvres célèbres, les détournements artistiques d’objets sont nombreux et variés. Un changement d’utilisation ou de contexte permet de donner à l’objet une autre fonction et un sens nouveau. L’objet du quotidien est hissé au rang d’œuvre d’art. Le rebut, l’insignifiant changent de statut.

   Les œuvres elles-mêmes peuvent faire l’objet de détournement comme la Joconde détournée par Marcel Duchamp, puis par Daniel Spoerri, Robert Filliou, Robert Rauschenberg pour ne citer qu’eux. L’irrévérence est ici souvent au cœur de cette démarche.

   Dans la Caraïbe, nombreux sont les artistes qui, eux aussi, fondent leur travail sur l’appropriation et le détournement d’éléments issus de leur environnement ou de provenances diverses.

     Le domaine des arts plastiques n’est pas le seul à être concerné par ce procédé. D’autres arts comme la musique, la poésie, le cinéma, la photographie, etc., témoignent également d’une pratique du détournement.

    Ce 24e numéro de Recherches en Esthétique, comme à l’accoutumée, débute par une série d’articles abordant la notion de détournement d’un point de vue théorique afin d’en dégager les enjeux et les implications. Deux textes traitent ensuite du détournement dans le domaine cinématographique. La notion est également traitée au travers d’exemples puisés dans l’art moderne au travers du Cubisme, du Surréalisme, de la relation art et politique. D’autres exemples sont issus aussi d’une période plus récente au travers d’un collectif d’artistes qui eut ses heures de gloire dans les années 1970-1980, de la culture urbaine, ou encore au travers de la cartographie réalisée par des artistes issus des quatre coins du monde. D’autres textes ciblent un artiste en particulier dont la pratique relève de la peinture, de la vidéo, de l’installation et de la photographie. Là aussi, les références artistiques touchent aussi bien l’Amérique latine, l’Europe que l’Afrique. Enfin, pour clore ce volume, comme cela est la tradition dans cette revue, un gros plan est fait sur des artistes de la Caraïbe et plus précisément issus d’Haïti, Martinique et Guadeloupe.

    Ce volume offre une grande diversité d’approches et d’exemples sur lesquels s’appuyer pour saisir tout l’intérêt de cette notion. Le détournement permet d’introduire de l’humour, de la surprise, du trouble. Il s’agit parfois d’un positionnement critique vis-à-vis du réel, de la société, d’un art officiel, de normes, de règles esthétiques et artistiques, de stéréotypes. Les situationnistes, et en particulier Guy Debord et Gil Wolman, l’ont présenté quant à eux comme une arme politique.

 

 

Dominique Berthet

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