Interrogé par « The Guardian », un linguiste appelle à modérer l’usage des mots anglais pour éviter de fragiliser l’une des plus vieilles langues du monde.
La pandémie de Covid-19 a aussi un impact sur l'une des plus vieilles langues du monde… Dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian, un linguiste tire la sonnette d'alarme : les Grecs ont adopté trop de mots anglais. En l'espace d'un an, des termes comme « lockdown » (confinement, en français), « curfew » (couvre-feu) ou encore « click and collect » semblent déjà appartenir au langage courant dans le pays d'Europe du Sud. « Beaucoup de ces mots sont entrés dans le grec parlé et écrit. À la télévision, on entend des expressions comme "les tests rapides se font en drive-through", et presque tous les mots sont anglais. C'est comme si, tout à coup, j'entendais du créole », déplore le professeur Georgios Babiniotis, auteur de dictionnaires et ancien ministre de l'Éducation.
L'éminent linguiste, qui regrette aussi que le gouvernement participe à la tendance en multipliant les anglicismes dans ses annonces, estime qu'une « certaine modération » doit être faite pour ne pas fragiliser la langue grecque, qui a su résister aux affres du temps. « Nous avons une langue très riche. […] “Lockdown” (confinement) pourrait, par exemple, être parfaitement facile à traduire », soutient-il. Outre l'émergence des mots anglais liés à la pandémie, le professeur dénonce les magasins qui s'adonnent aux anglicismes pour « accroître leurs ventes ». « Au lieu d'“artopoieio” (le mot grec pour boulangerie), on voit fleurir des commerces qui se font appeler “bread factories”, tandis que les barbiers sont maintenant des “hairdressers”. On aura ensuite des “hairstylists”. Cela ne s'arrêtera pas. [...] Pourquoi les Grecs devraient comprendre l'anglais pour aller dans les magasins ? », s'interroge-t-il.
Toujours selon The Guardian, le cri d'alarme de Georgios Babiniotis a alimenté de nombreux débats dans le pays. Comme l'explique le linguiste, « la langue a toujours été un sujet sensible pour les Grecs ». Avec l'arrivée d'Internet, beaucoup s'étaient déjà inquiétés en constatant une tendance à écrire le grec avec des lettres anglaises. Interrogée par le quotidien britannique, la directrice d'une librairie située dans le centre d'Athènes explique que « l'orthographe est plus facile de cette façon, car il n'y a pas à utiliser les accents requis en grec ». « Mais, au bout du compte, ce sera la perte de notre langue », conclut-elle.