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BALLADE DES PENDUS

BALLADE DES PENDUS




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Aux Etarras 

Izaskun LESACA ARGUELLES,

Iratxe SORZABAL DIAZ

Garikoitz ASPIAZU RUBINA,

Aitzol RIONDO YARZA,

Asier ECEIZA AYERRA,

Iurgi MENDINUETA MINTEGUI,

 

 

...............Le plus âgé d'entre eux n'a pas 38 ans. Qui sont-elles ? Qui sont-ils ? Allez savoir ! Eux le savent ! Et d'autres aussi qui les cherchent, qui les traquent ! Qu'ont-ils fait ? Du mal ! beaucoup de mal ! Mais pour eux du bien, rien que du bien, fidèles à leur idéal non celui de faire du mal mais l'idéal, le rêve impossible d'habiter simplement leur terre, une terre libre : Euskadi !

 

...............Leurs aînés furent garrottés sous l'Espagne franquiste, 13 d'un coup. Leurs frères sont emprisonnés sous l'Espagne démocratique. Ils avaient tous du sang sur les mains. Eux aussi en ont et ont eu pour projet d'en avoir davantage, même du sang royal.

...............Ceux-là sont perdus, ne reviendront jamais à la raison, la libertad o la muerte , ils iront au bout de leur logique comme dans une tragédie antique. Leur vie est déjà fauchée par les exigences de leur idéal fou. Ils ne renonceront jamais. Cette race ne renonce jamais ! Ils sont prêts à mourir, si jeunes et si indifférents à la mort, la leur et donc celle des autres, qu'on ne sait s'ils sont héros pour leur patrie ou sanguinaires tueurs !

...............Qui le dira ? Qui se permettra de le dire ? Qui les jugera, vous, moi ? Ils savent comment tout cela finira. Ils tomberont sous les balles ou dans les filets de ceux qui les recherchent. Alors ils se cachent et savent déjà que leur « vraie liberté » n'est plus de ce monde ! Mais ils ne renoncent pas pour autant, éblouis par leur idéal.

 

...............Sont-ils des femmes et des hommes d'honneur ? Où s'arrête l'honneur, où commence la félonie ? A partir de quand l'honneur se perd-il en barbarie ? C'est le débat inlassable, insoluble de la non-violence ! J'ai sur ce point une conviction inébranlable mais je ne me permettrai pas de juger ceux qui ont choisi la violence, le loi du Talion ou simplement la violence aveugle et désespérée.

 

...............Je ne le ferai pas car ce sont des êtres humains dans toute la complexité de l'Homme. Ce sont des êtres humains que je ne peux qualifier de lâches même si parfois les buts de leur violence leur échappent. Pour moi les vrais lâches en ce monde sont les femmes et les hommes qui dorment tranquilles. Eux, non, ne dorment jamais tranquilles. Ils ont du sang sur les mains et ne dorment pas tranquilles non parce qu'ils portent le deuil de leurs victimes mais parce que ce sang est une tache indélébile sur leurs mains et les poussent moralement vers une spirale infernale, un point de non-retour. Ce sang leur empêche tout compromis, eux le savent, ceux qui les traquent aussi ! Ce sont des femmes et des hommes jeunes qui auraient pu aspirer à une vie très simple, d'amitiés, d'amour, de petits plaisirs et de petits labeurs, une vie de famille ordinaire comme la nôtre.

 

...............La véritable question est de s'interroger comment ces femmes et ces hommes ordinaires ont à 20 ans environ choisi de vivre comme des bêtes traquées, semant le mal, la terreur et récoltant la haine, une vie honteuse dans l'ombre. A 20 ans on n'est pas capable d'apprécier la valeur de la vie à sa pleine mesure mais à 20 ans on est souvent héroïque et on a toujours soif de liberté pas celle qu'ils ont décidé de choisir, ceux-là.

 

...............Je n'ai pas de réponse à cette interrogation mais, aussi choquant que cela paraisse, le simple énoncé de cette question m'inspire au delà, des réponses faciles, un je-ne-sais-quoi de respect envers eux. Sans cautionner leurs actes, je ne permettrais pas de les juger. Cela viendra un jour, ils le savent, ils s'y attendent. S'ils ne tombent pas sous les balles d'un FAMAS, ils seront jugés. Individuellement pour leurs actes car on ne fait jamais le procès de l'histoire. Certains avocats s'y sont essayé, et parmi les plus grand, sans résultat.

 

...............Je voudrais que le jour de leur procès cette question soit posée. Par leurs avocats. On ne naît pas terroriste un pain de plastic ficelé au cordon ombilical. Faudra-t-il analyser leurs vies à ce moment-là ou s'en tenir à leurs crimes comme le fera le Procureur. Un crime est un crime. Le crime d'un seul vaut le crime de milliers. Un crime n'est jamais réparé et jamais expié. Rien ne justifie aussi un crime, aucun idéal. On peut manier les symboles par le crime, nul n'a le droit de toucher à la vie fût-ce celle d'un Roi ou celle d'un manant pas même celle du flic qui vous met en joue. En matière criminelle le mot justice n'a pas de sens sauf s'il s'agit de crimes crapuleux. Or ceux-là ne sont pas des crapules. Au terme de leur vie traquée, quand ils seront pris et ils le seront un jour ou l'autre, c'est le procès de l'histoire qu'il faudrait tenir.

 

...............Pourquoi un peuple qui a une culture, une langue, une identité indiscutablement différentes de celles des deux Etats qui se partagent leurs 5 provinces, ne peut-il être simplement libre de son destin. Les causes basque, tchétchène, canaque, corse, tibétaine, antillaise, palestinienne et j'en oublie sont rigoureusement identiques : une identité ,un peuple, une terre, spoliés, par des Etats supranationaux.

 

...............« Pour cette cause », ceux-là ont choisi la terreur comme ce fut souvent le cas dans l'histoire. C'est leur choix. Ils ne méritent pas un procès tronqué qui exclue qu'on juge pleinement le bien-fondé de l'histoire ou alors ce serait rendre une justice expéditive. Il leur faut les assises de l'histoire et non une juridiction d'exception ou un tribunal militaire.

 

...............« Il n'y a pas de juste cause » disait Sartre et pourtant sa vie, il l'a passé à se battre pour les causes qu'il croyait justes , en philosophe engagé comme devrait l'être tout philosophe car la morale, couronnement de toute philosophie ne doit pas être une seulement une vertu intellectuelle mais doit pousser à l'engagement.

 

...............Ce mot de « terrorisme » me gêne. Il est souvent dans la bouche de ceux qui l'ont engendré. Il me gêne aussi car il est bien souvent la dernière balle de ceux qui ont tout essayé  « avant le terrorisme » . Le terrorisme, n'est que l'image réfléchie dans un miroir d'une politique intransigeante. Qui engendre la terreur ? Ce ne sont pas les terroristes, qui ne sont ni mercenaires, ni mafieux. Charles Pasqua a eu cette pagnolade célèbre en 1988 « nous allons terroriser les terroristes » . Il était bien plus proche de la réalité qu'il ne le pensait. Un terroriste un jour ou l'autre a été terrifié.

 

...............Je ne suis pas en train de faire l'apologie du terrorisme ni l'éloge de la violence mais comprenez que les pacifistes, les non-violents, les dialoguistes de la paix ont le beau rôle même si la non-violence n'est pas lâcheté et souvent est courageuse. Le Pasteur Martin Luther King, sans doute le plus grand homme du siècle dernier, a dû se la poser quelquefois la question de la non-violence sauf qu'il croyait en Dieu. Les terroristes dont je parle ne croient plus en çà.

 

...............Tout ceci m'amène à beaucoup de prudence à l'égard de ces six Etarras dont la photo est placardée dans tous les commissariats de police française et espagnole. S'ils doivent être jugés qu'on leur donne la pire des sentences, l'exil. Car la réclusion criminelle à perpétuité dans une prison française ou espagnole est déjà pour eux, la proximité de leur pays.

 

...............Prudent, je le serai, prudent et fraternel, ce ne sont pas des bêtes mais des femmes et des hommes. Mais pour eux, je voudrais tout de même et pour cela, leur dédier « l'épitaphe Villon » ou cette « ballade des pendus » de notre poète-truand, François Villon qui a échappé au gibet et a disparu après 1463.

 

Simplement comme çà !

Frères humains, qui après nous vivez,

N'ayez les coeurs contre nous endurcis,

Car, si pitié de nous pauvres avez,

Dieu en aura plus tôt de vous mercis.

Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :

Quant à la chair, que trop avons nourrie,

Elle est piéça dévorée et pourrie,

Et nous, les os, devenons cendre et poudre.

De notre mal personne ne s'en rie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !



Se frères vous clamons, pas n'en devez

Avoir dédain, quoique fûmes occis

Par justice. Toutefois, vous savez

Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.

Excusez-nous, puisque sommes transis,

Envers le fils de la Vierge Marie,

Que sa grâce ne soit pour nous tarie,

Nous préservant de l'infernale foudre.

Nous sommes morts, âme ne nous harie,

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !



La pluie nous a débués et lavés,

Et le soleil desséchés et noircis.

Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,

Et arraché la barbe et les sourcils.

Jamais nul temps nous ne sommes assis

Puis çà, puis là, comme le vent varie,

A son plaisir sans cesser nous charrie,

Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.

Ne soyez donc de notre confrérie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !



Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,

Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :

A lui n'ayons que faire ne que soudre.

Hommes, ici n'a point de moquerie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

François Villon

Voilà, simplement comme çà !

Thierry Caille

 


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