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BARACK OBAMA EN AFRIQUE NOIRE, UNE VISITE TRÈS ATTENDUE

Philippe Bernard
BARACK OBAMA EN AFRIQUE NOIRE, UNE VISITE TRÈS ATTENDUE

Barack Obama n'est pas africain. Pourtant, jamais aucun président américain n'a personnifié à ce point la fierté et l'espoir d'un renouveau sur le continent noir. " Bienvenue à l'éminent fils de l'Afrique ! Bienvenue à la maison ! ", proclame une commentatrice de la télévision du Ghana, où il doit prononcer, samedi 11 juillet, un discours sur l'Afrique.

Sur aucun continent probablement, son ascension puis son élection n'ont suscité un tel degré d'enthousiasme. Revanche contre le mépris de l'homme noir et donc de l'Africain, le triomphe du sénateur Obama a été perçu aussi comme le symbole d'une immense espérance démocratique pour l'Afrique elle-même. Qu'un politicien inconnu, au pedigree minoritaire, puisse, à la surprise générale, être réellement choisi par les électeurs, voilà qui ne risque guère de survenir dans la plupart des pays d'Afrique.

Transparente, libre, l'élection américaine a résonné comme une opération de réhabilitation planétaire des Noirs et, de Dakar à Nairobi, comme un appel au réveil d'une confiance en soi souvent érodée. Alors que le continent vit à l'heure des coups d'Etat, des présidents à vie et des guerres ethniques, le vent d'Amérique est porteur d'audace démocratique et d'ouverture politique. A cet égard, le choix du Ghana, qui a connu, en décembre, sa deuxième alternance pacifique en huit ans, est limpide. M. Obama a opté pour ce petit pays d'Afrique de l'Ouest comme unique étape en Afrique. Le Ghana a été préféré au Kenya, pays de naissance de son père, où la dernière élection a donné lieu à un sanglant conflit ethnique, et au Nigeria, où la corruption transforme la manne pétrolière en malédiction.

La corruption, le tribalisme, le sénateur Obama avait précisément choisi ces thèmes pour le vigoureux discours qu'il avait prononcé en août 2006 à l'université de Nairobi (Kenya). Se présentant comme " votre ami, votre allié, votre frère ", le futur président avait pointé " l'incapacité du Kenya à se doter d'un gouvernement transparent et fiable " et désigné la corruption comme " un des combats majeurs de notre époque ". Le retard de l'Afrique ne s'explique pas seulement par la colonisation, avait-il asséné, avant de mettre en cause " l'idée désastreuse selon laquelle le but de la politique serait de capter la plus grosse part du gâteau au bénéfice de sa famille ou de sa tribu ". Un message qu'aucun politicien blanc occidental n'oserait délivrer. Mais que bien des Africains acceptent, voire approuvent dans la bouche de leur nouveau héros américain.
Au-delà des mots, il reste à savoir ce que le président américain fera de l'immense courant de sympathie qu'il suscite en Afrique et de cette capacité à énoncer des vérités gênantes pour une multitude de gouvernants en place.

C'est là qu'intervient l'ambiguïté du personnage largement perçu sur le continent noir, à tort, comme " Obama l'Africain ". Car si l'histoire familiale du président américain lui permet de saisir mieux qu'aucun de ses prédécesseurs la complexité de la culture africaine et, peut-être, d'être écouté, M. Obama est avant tout un pur produit de l'Amérique. Dans son livre Les Rêves de mon père (Presses de la Cité, 2008), il laisse entendre qu'il ne s'est jamais senti autant américain qu'au retour de son premier voyage au Kenya, sur les traces de son père.
Son souci de ne surtout pas apparaître comme le président des Noirs américains devrait le conduire à une grande prudence et à une certaine continuité en matière de politique africaine. D'autant que le continent noir est probablement celui où son prédécesseur, George W. Bush, s'est révélé le moins impopulaire, renforçant les budgets de la lutte contre le sida et créant un vaste programme d'aide lié à la bonne gouvernance. Par contraste, la politique africaine du démocrate Bill Clinton, échouant en Somalie, niant longtemps le génocide rwandais et prétendant promouvoir de nouveaux dirigeants vertueux qui se sont souvent révélés être des tyrans, n'a guère laissé de brillants souvenirs.

Aujourd'hui, alors que les Etats-Unis affrontent deux guerres et une crise économique, l'Afrique n'apparaît nullement parmi les priorités de la Maison Blanche et les budgets d'aide ont peu de chance d'être réévalués. Après tout, le continent noir ne représente que 2 % du commerce extérieur américain et, depuis la fin de la guerre froide, l'Afrique n'est plus un continent aussi stratégique. Les premiers actes de M. Obama semblent indiquer que, enclin à la confiance envers l'ONU, il pourrait s'en remettre à elle pour intervenir au Darfour et dans l'est du Congo-Kinshasa.

L'Afrique est désormais au coeur de deux autres enjeux centraux pour les Américains : terrain d'entraînement pour le terrorisme islamiste (Sahara, Somalie), elle fournit aussi 20 % du pétrole consommé aux Etats-Unis. Les programmes américains d'instruction militaire dispensés dans les pays riverains du Sahara et les bonnes relations avec les producteurs d'or noir continueront de figurer parmi les priorités. Dans un contexte où la Chine se pose en alternative aux Occidentaux sans exiger la moindre contrepartie démocratique, les gouvernants du continent pourraient se montrer moins réceptifs aux pressions du président américain, en dépit de son image d'" Africain ".

{{Philippe Bernard}}

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{ {{M. Obama : l'Afrique doit prendre ses responsabilités
Le président des Etats-Unis a obtenu au G8 une augmentation de l'enveloppe prévue pour l'aide alimentaire}} }

Accra Envoyée spéciale

Le président américain, Barack Obama, est arrivé vendredi soir, 10 juillet, à Accra avec un cadeau - 20 milliards de dollars pour l'aide alimentaire à l'Afrique - et un message : le colonialisme ne peut pas constituer " une excuse " pour les problèmes du continent. " Je crois beaucoup à l'idée que les Africains sont responsables pour l'Afrique ", a-t-il expliqué dans un entretien au site allafrica.com, avant son départ des Etats-Unis.

Le président américain reçu au Vatican

Le président américain Barack Obama a été reçu par le pape au Vatican, vendredi 10 juillet. A cette occasion, selon le porte-parole du pape, Federico Lombardi, le président américain
a exprimé " très explicitement son engagement à faire tout son possible pour réduire le nombre des avortements " aux Etats-Unis. M. Obama, qui rencontrait Benoît XVI pour la première
fois depuis son élection, a dit souhaiter " une relation forte " entre les Etats-Unis et le Saint-Siège. Selon un communiqué du Vatican, les deux hommes ont notamment discuté de la
" défense de la vie ", du " droit à l'objection de conscience ", ainsi que de " l'immigration " et de la " paix au Proche-Orient ".
Plusieurs questions de société et de bioéthique divisent le président Obama et le pape, en particulier l'avortement, auquel le Vatican, qui entretenait
d'excellents rapports avec l'ancien président conservateur George W. Bush, est farouchement opposé. - (AFP.)

L'enveloppe de 20 milliards de dollars sur trois ans (14,3 milliards d'euros) a été accordée par le G8 lors de la dernière journée du sommet de L'Aquila. M. Obama a plaidé personnellement auprès de ses collègues pour une augmentation de la somme initialement prévue (15 milliards), arguant d'une " responsabilité morale " des pays riches. " Les actions irresponsables de quelques-unes ont engendré une récession qui a balayé le globe, a-t-il dit. Les prix de la nourriture ont augmenté et 100 millions de personnes vont tomber dans une extrême pauvreté. " Le président a évoqué l'exemple de sa famille paternelle, qui, sans connaître la faim, vit au Kenya dans une région frappée par la malnutrition. La pauvreté est " quelque chose que je comprends dans des termes très personnels ", a-t-il ajouté.
Le G8 était réuni avec un groupe de pays africains. Devant les dirigeants de l'Algérie, l'Angola, l'Egypte, l'Ethiopie, la Libye, le Nigeria, le Sénégal, l'Afrique du Sud et l'Union africaine (que représentait Mouammar Kadhafi), M. Obama a expliqué qu'il y a cinquante ans, quand son père a quitté Nairobi pour étudier aux Etats-Unis, le Kenya avait un PNB par habitant supérieur à celui de la Corée du Sud. " On a parlé d'héritage du colonialisme et d'autres politiques mises en place par les pays riches. Sans vouloir minimiser ce facteur, mon propos est de dire que la Corée du Sud, en travaillant avec le secteur privé et la société civile, a réussi à mettre en place des institutions qui ont garanti la transparence et la responsabilité. " Alors que dans beaucoup de pays d'Afrique, " si vous voulez avoir un job ou créer une entreprise, vous devez payer des pots-de-vin ".

{{AFRIQUE AUTOSUFFISANTE}}

Le G8 a entériné le nouveau mécanisme d'aide proposé par M. Obama : " L'aide doit créer les conditions qui permettent de se passer d'elle. " Au-delà de la distribution d'aide alimentaire, le projet vise à aider les fermiers à construire des infrastructures et à commercialiser leurs produits. " Il n'y a rien qui empêche l'Afrique de devenir autosuffisante sur le plan alimentaire ", a dit M. Obama.
Pour son premier discours en Afrique subsaharienne en tant que président, M. Obama avait prévu de développer le thème de la gouvernance. " Une partie de ce qui a empêché l'Afrique d'avancer est que, pendant des années, on a dit que c'était la conséquence du néocolonialisme, ou de l'oppression occidentale, ou du racisme... Je ne crois pas beaucoup aux excuses, a-t-il dit dans son entretien à Allafrica.com. Les cartes coloniales qui ont été tracées ont favorisé les conflits, mais nous sommes en 2009. L'Occident et les Etats-Unis ne sont pas responsables de la situation de l'économie du Zimbabwe depuis quinze ou vingt ans. "

Le discours d'Accra devait être diffusé largement sur le continent grâce aux projections publiques organisées par les ambassades américaines. Au Kenya, le réseau Safaricom (17 millions d'abonnés jusque dans les régions reculées) devait le transmettre, selon les termes d'un accord avec le département d'Etat.

{{Corine Lesnes}}

A Cape Coast, au Ghana, " nous avons le sentiment d'accueillir l'un des nôtres "

Accra et Cape Coast (Ghana) Envoyé spécial

{{REPORTAGE}}

Bien avant l'heure habituelle de fermeture, Dorcas Allotey a cadenassé le morceau de tôle qui barre son échoppe du marché d'Agbogbloshie, masquant aux regards son petit stock de bouteilles de soda aux couleurs criardes. Vendredi 10 juillet, cette commerçante de 44 ans avait rendez-vous du côté de l'aéroport de Kotoka. " Barack Obama est africain comme moi, c'est mon frère. Une partie de moi gouverne l'Amérique. J'irai l'attendre à l'avion ! " Tant pis si elle a attendu cinq heures sous une intense pluie tropicale pour ne même pas apercevoir le président américain, dont l'avion a atterri bien après la nuit tombée. Pas question pour elle de manquer la première visite en Afrique du premier Américain dont elle se sent si proche.

Le même événement provoque chez Richard Azu, étudiant en physique des gestes saccadés de prophète exalté : " Je suis fier, juste fier. Regardez notre histoire : les Blancs nous ont réduits en esclavage, nous avons toujours été considérés comme des êtres humains de seconde catégorie. Et voilà que le président du monde est noir et qu'il choisit notre pays ! ", s'emporte-t-il, dans un amphithéâtre de l'université de Cape Coast, où Barack Obama doit visiter en famille, samedi, la sinistre forteresse ouvrant sur l'océan qui fut un haut lieu de la traite négrière.
Les Ghanéens affichent une obamania tranquille et lucide. Certes, à chaque carrefour d'Accra, d'immenses panneaux souhaitent kwaaba (" bienvenue " en akan) au couple présidentiel. Certes un Hôtel Obama vient d'ouvrir. Certes, les petits drapeaux américains et ghanéens à ventouse ont fleuri, vendredi, sur les pare-brise des voitures. Certes, des " femmes d'action ", section féminine du National Democratic Congress (NDC), le parti présidentiel, ont dansé vendredi pendant des heures, un reggae endiablé devant le siège de leur organisation.

Mais la rue ghanéenne vaque à ses occupations vitales sans ostentation pro-américaine. Ainsi, les tee-shirts à l'effigie du président américain n'ont pas été distribués gratuitement à la population. Les maillots qui circulent en assez petit nombre réunissent les images des deux présidents, le Ghanéen JohnAtta-Mills et l'Américain Obama, tous deux élus en décembre 2008 sous la bannière du changement. Mais ces tee-shirts d'un jaune ou d'un rouge rutilant, sont boycottés par la moitié du pays qui a voté pour l'opposition.

Vendus 5 cedis (3 euros), soit le prix de 3 kilos de riz, " ils sont trop chers pour la plupart des gens dont le premier souci est de trouver leur prochain repas ", commente Freeman Awuah, mécanicien. " Cela ne nous empêche pas de nous sentir tous immensément fiers pour notre nation ". La figure d'" Obama l'Africain " agirait à la manière d'un baume apaisant pour un pays aux prises avec des inondations, une pénurie d'essence et un taux d'inflation de 20 % par mois.

Le pauvre mais vertueux Ghana a vu défiler des présidents américains : George Bush y était passé en 2008 et Bill Clinton en 1998. Mais, à l'évidence, l'émotion suscitée par Barack Obama est d'un autre ordre, même si, cette fois, les pluies diluviennes interdisent tout contact avec la foule. " Nous avons le sentiment d'accueillir l'un des nôtres ", explique Peter Sewornoo, jeune historien et guide à la forteresse de Cape Coast. " Beaucoup de gens sont convaincus que les Obama sont venus ici chercher leurs racines. Pour Barack, fils d'un Kenyan, c'est évidemment faux. Mais pour Michelle qui est une descendante d'esclaves, qui sait ? La traite a fait disparaître toute trace des origines. Les esclaves ne sont d'aucun pays, ce sont seulement des Africains. "
Pour le Ghana, les quelques heures passées par Barack Obama sur son sol valent de l'or. Elles mettent en valeur l'exemplarité d'un pays qui, fort de deux alternances pacifiques en huit ans, fait figure d'exception sur le continent. Elles adressent aussi un message positif aux investisseurs et aux touristes. " En attestant de la sécurité qui règne ici, Obama va donner confiance aux entreprises ", espère Pierre Toto, journaliste au Daily Graphic. Surtout, le choix du Ghana a déclenché des accès de jalousie dans des pays africains plus puissants mais jugés moins méritants, à commencer par le Kenya, dont la dernière élection présidentielle s'est achevée en bain de sang.

Pourtant, par-delà l'immense fierté partagée, les Ghanéens ne se font guère d'illusion. Si les Américains ont choisi leur capitale pour construire une gigantesque ambassade-forteresse, et si leurs présidents s'y précipitent, c'est aussi qu'ils vont devenir, dès 2010, les citoyens d'un pays pétrolier.

" Obama ne pourra pas faire grand-chose de plus pour les Africains car c'est à nous de régler nos problèmes, Mais il a un avantage : les gens l'aiment ", estime Nicholas Adamtey, travailleur social. " Obama vient d'abord défendre les intérêts des Américains. Je me demande s'il n'est pas intéressé par notre pétrole ", lâche Philip Forfoe, employé dans une ONG de microcrédit. Avant de foncer vers son poste de télévision pour savourer encore quelques gouttes de la potion magique du Dr Obama.

{{Philippe Bernard}}

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