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Compte- rendu

BARACK OBAMA : LES RÊVES DE MON PÈRE (titre original, Dreams of my father)

Par Dr Cécile Dolisane-Ebosse
BARACK OBAMA : LES RÊVES DE MON PÈRE (titre original, Dreams of my father)

Ce récit fleuve traduit de l’anglais : {Dreams of my father} est divisé en trois parties, elles-mêmes subdivisées en 19 chapitres avec, en amont, une préface et en aval, un épilogue. Dans ce récit autobiographique, à mi-chemin entre une saga familiale et des récits de vie de l’enfance à l’âge adulte, le narrateur nous lègue, en un jeu hybride, l’héritage d’un itinéraire spirituel, une investigation du moi, en somme, une quête de maturation. Face aux questions existentielles soulevées dans la fiction, l’on dénote aisément les angoisses d’un homme inassouvi par les brides de vérité émanant des réponses non exhaustives reçues d’une partie de sa famille.
D’entrée de jeu, la préface de cet ouvrage souligne les temps forts de la vie de l’auteur, à savoir, la quête identitaire nourrie d’aventures, d’anecdotes et de petites histoires de ces grands- parents maternels. Tout ce legs culturel agrémente la maturation du jeune Barry.

En effet, les empreintes des cultures croisées déséquilibrées par l’absence d’un père et une mère disparue brutalement font de lui un être inquiet et anxieux, absorbé par le regret et truffé de remords « si j’avais su que ma mère ne guérissait pas, j’en aurais rendu d’avantage hommage à celle qui était la seule constante de ma vie. » P. 12

La narration de la première partie qui s’ouvre par un titre emblématique et très révélatrice du film de sa vie: « Les origines » s’apparente à une eschatologie. Dès son âge, sa mère lui offre un ouvrage intitulé les origines (PP 21-148). Ce dernier relatait la genèse de la création.

Mais ces histoires paisibles, loin de calmer ses passions n’ont fait que susciter d’autres interrogations sur son être ambigu en qui cohabite les valeurs contradictoires « la tragédie d’un mulâtre pris entre deux mondes » P 15. Dès lors, la recherche d’un consensus devient alors l’obsession du jeune Obama. Il pense au combat idéologique de son père sur la promesse du rêve américain et sur la déclaration universelle des droits de l’homme. C’est dire que très tôt, il fut marqué par les discriminations raciales et les disparités sociales. Partant de là, il commence à s’intéresser profondément aux grandes figures et défenseurs de droits de l’homme tels Jimi Hendrix, Martin Luther King. Bref, la quête de l’égalité devint son rêve secret. P 35.

Finalement, ces interrogations bouillonnantes doublées de cette plate- forme historique lui servent d’aiguillon afin d’amorcer son voyage intellectuel et imaginaire, ses souvenirs n’étant, par endroits, que de vagues réminiscences d’une mémoire involontaire et parfois sélective. Ce qui importe dans cette phase introductive, c’est la profonde méditation et des correspondances invisibles et visibles entre toutes ces anecdotes et leurs répercussions sur sa propre vie. P. 29

La deuxième partie « Chicago » (PP149-314) décrypte la société américaine et son cosmopolitisme, la superposition des cultures avec sa cohorte de préjugés et son corollaire, l’intolérance. Au cours de sa formation, il côtoie la « Nation de l’Islam » et le nationalisme noir de Refik el Shabazz qui, en prônant le radicalisme à outrance, se sclérosait. Il fréquentait aussi le courant de son ami Marcus de l’Oxy qui invitait au retour à l’authenticité de même que les sermons déterminés des églises noires avec leurs chants d’espoir qui identifient la souffrance des Noirs à la pénitence christique.

Peuple qui triomphera dans cette lutte grâce à « l’audace d’espérer » P 312
Il pense alors que pour arriver à l’harmonie des contraires, il faut l’amour et non la haine, donc, une certaine complémentarité. De ce fait, les histoires de sa mère sur la vie de son père lui revenant toujours comme un leitmotiv, cette union contre- nature lui inspire l’amour innocent sans tabou qu’il faut à cette nation arc-en- ciel : « L’amour de quelqu’un qui vous accepte tel que vous êtes, un amour qui survit à la déception ». Il finit par rencontrer son père au cours d’un rêve dans une cellule froide 147 P.
Enfin, la dernière partie, intitulée « Kenya » (PP. 315-454) s’identifie à la fin d’un parcours, c’est le ressourcement après un long périple initiatique et physique.

Lors de son voyage au Kenya, il fit confronter à d’autres réalités : les divisions internes, les mésententes familiales, le tribalisme. Il constata rapidement que l’Afrique n’est pas un tout harmonieux alors que dans son élan unificateur et utopiste, il pense que « Les Nigérians, les Kenyans c’est pareil. Il y a plus de choses qui nous rapprochent que des choses qui nous séparent » P 399.

En Afrique, il se mit à l’école de la vie. Il accède à la phase d’enracinement, nous voulons dire, d’initiation afin de reconstituer entièrement sa personnalité. Aussi apprend-il de sa grand-mère Sarah que ses arrière grands- parents les k’Obama étaient des allogènes venant de Kendu même s’ils ont été élevés à Alego. Dans sa reconstruction identitaire, il trouve que cette mémoire est souvent amputée, qu’il y a de nombreuses zones d’ombre. P 400 Simultanément, il reconnaît le génocide et l’ethnocide perpétrés par une colonisation ultra agressive, le Blanc étant appelé Bwana Ogalo, c'est-à-dire « l’oppresseur ». P 413.

Toutefois, il jette également un regard lucide sur la famille africaine avec ses faiblesses, à l’instar du communautarisme excessif qui peut se muer en parasitisme. De plus, il s’informe sur le personnage de son grand- père paternel qui lui aussi avait le sens de l’aventure, le goût prononcé pour les voyages, bref un homme peu stable.

Pour clore ce grand livre de la vie d’Obama qui est la re-création, mieux la genèse du Monde, De Hawai en Afrique en passant par l’Amérique, on déduit qu’elle n’est que la résultante de toutes des histoires enrichissantes, douloureuses et parfois nostalgiques. C’est une romance du Happy end avec son mariage et le rassemblement de ses trois familles, une belle épopée que le narrateur souhaite pour tous les hommes de la terre: une victoire de l’amour sur les forces des ténèbres.

Nous ne pouvons guère insister sur la forme de cette autobiographie, à l’intersection de la fable et la réalité, car la traduction a quelque chose de trahissant, mais on peut noter une langue équilibrée et les pointes d’humour et d’ironie mises en lumière. Nous regrettons tout de même ce foisonnement de flash- back, des digressions qui perturbent quelque peu la compréhension et une meilleure lisibilité de l’ouvrage ; lequel doit, au-delà du coté mercantile, être exploité à des fins didactiques.

Sur le plan socio-culturel, c’est un hymne au multiculturalisme. Il y a rencontre des cultures et une ferme volonté d’enracinement. En fait, pour mieux comprendre les autres, il faut se connaître. D’où cette quête généalogique nécessaire pour son équilibre. Mais cette recherche de la trace n’est guère une quête inlassable de la pureté ancestrale, il s’agit d’une volonté de combler un vide. C’est cette soif de connaissances plurielles qui fera de lui, un hybride, un métis culturel qui outrepasse le biologique pour atteindre la fluidité des passages vers le multiple.

Sur le plan philosophique et moral, ce livre regorge d’enseignements. C’est une manne qui vient à point nommé modifier la vision du monde des jeunes générations qui se livrent de plus en plus à la débauche et à la déperdition. Il insuffle de l’espoir et donne du courage face à ce manque de repères. Son parcours est un labyrinthe qui cultive le sens de l’effort et accroît le pouvoir d’abnégation. C’est une sorte de catharsis et d’exorcisme, générée par la volonté de transcendance. En clair, c’est un projet éducatif et humaniste.

La dimension holistique de ce récit est palpable d’autant plus qu’il s’ouvre par une quête des Origines de manière théorique, c'est-à-dire à partir de ses lectures et se ferme par la symbiose avec ses origines, à proprement parler, au Kenya. Il forme manifestement une boucle. Cette logique obéit à l’esthétique traditionnelle du rituel de passage initiatique de la vie profane à l’itinéraire de conversion afin de retrouver l’homme nouveau. Cette obsession du père absent- métaphore de la recherche de l’absolu, donc, de la vérité- enfouie dans le psyché du jeune Barry- et plus tard matérialisée par l’accession à la magistrature suprême américaine sonne comme l’apothéose, voire, la re-naissance de l’ordre cosmique.

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