Présiente de l'ADK (Association "Dikté Kréyol") de la Martinique et professeur certifiée de créole/anglais, Carine Gendrey a accordé une interview à l'hebdomadaire ANTILLA au cours de la "Semaine du créole", interview que nous reproduisons ci-après...
Professeur certifiée de créole/anglais, Carine Gendrey est la présidente de l’Association ADEKA (Association «Dikté Kréyol») qui organise, de concert avec {Bannzil Kréyol}, la dictée créole dans le cadre du Festival Culturel «Rabouraj» de la ville de Trinité…
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{{ANTILLA}} : Pourquoi faire des dictées en créole alors que cette langue possède une graphie phonétisante ?
{{GENDREY}} : Effectivement, dans l’absolu, une langue qui possède une graphie à tendance phonétisante n’a pas besoin que ses scripteurs soient soumis à l’épreuve, bien française, de la dictée. Il n’y a pas de dictée en espagnol ou en italien, par exemple ! Une fois qu’on a acquis le système graphique, il n’est plus possible de faire de fautes puisqu’on écrit ce que l’on prononce ou presque. Mais notre problème, ici, en Martinique, c’est que nous sommes analphabètes dans notre propre langue et le créole n’est enseigné que dans 23 écoles, ce qui est très peu. Le jour où il sera enseigné partout comme en Guadeloupe, le jour où toute la population saura l’écrire, eh bien, il n’y aura plus de nécessité de faire des dictées créoles. Mais reconnaissez que ce jour-là est encore loin…
{{ANTILLA}} : Y a-t-il encore des divergences sur la graphie du créole ?
{{GENDREY}} : Non ! Il n’y en a plus. Le Standard-GEREC 1 créé par Jean Bernabé il y a trente ans et remanié par lui récemment sous le nom de Standard-GEREC 2 fait l’unanimité des scripteurs : écrivains, artistes, publicitaires, administrations, etc. Seuls quelques individus, qui n’ont d’ailleurs jamais conçu de théorie de la graphie du créole, continuent à mener des combats d’arrière-garde en voulant, par exemple, introduire le «e» muet du français au sein de la graphie du créole.
{{ANTILLA}} : Comment s’opère le choix du texte de la dictée ?
{{GENDREY}} : Nous faisons appel chaque année à un écrivain créolophone. En 2006, elle a été écrite par M. Bartéléry, romancier créolophone, dont le premier roman, {Ti Anglé-a}, sort sous peu chez K-Éditions. En 2007, par M. Georges de Vassoigne, le poète bien connu. Et cette année, nous avons fait appel à Raphaël Confiant. Nous laissons aux auteurs le libre choix du thème de la dictée.
{{ANTILLA}} : Aimé Césaire n’a jamais écrit en créole, pourtant le texte de la dictée de cette année lui est consacré, comment expliquez-vous cela ?
{{GENDREY}} : C’est le choix de M. Confiant. Choix qu’il nous a expliqué en disant que même si Césaire n’avait jamais écrit en créole, tout le combat culturel et politique qu’il a mené pour la dignité du peuple martiniquais et pour la reconnaissance de son identité particulière a permis aux générations suivantes de défendre de manière plus précise ladite identité et notamment le créole qui en est le poto-mitan.
{{ANTILLA}} : Pourquoi une dictée créole à Trinité seulement ?
{{GENDREY}} : Nous n’avons pas le don d’ubiquité. D’autres initiatives peuvent être prises ailleurs par d’autres personnes. {Sé ti grenn diri ka plen sak.} En tout cas, je veux remercier, au nom de l’ADEKA, le député-maire de Trinité Louis-Joseph Manscour ainsi que le conseiller général Frantz Buval pour le soutien sans faille qu’ils nous apportent. De même que Claude Marlin, le responsable de la culture à la ville de Trinité. {Mèsi anchay !}
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