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CATALOGNE ET KURDISTAN 3 : LES RENIEMENTS DE L’OCCIDENT

Raphaël CONSTANT
CATALOGNE ET KURDISTAN 3 : LES RENIEMENTS DE L’OCCIDENT

En septembre 2017, je faisais pour Montray un article sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au travers de deux expériences d’autodétermination en Catalogne et au Kurdistan iranien. En dépit de l’évidente mobilisation de ces deux peuples de manière pacifique, les autorités centrales et coloniales, l’Espagne et l’Irak, refusait de reconnaître, avec le soutien de l’Occident, leur droit à la sécession.   Quelques mois plus tard, en janvier 2018, je reparlais de ces deux peuples suite à l’offensive (déjà) de l’armée turque en Syrie du Nord où les Kurdes de ce pays ont créé un espace politique nommé Rojava (le seul véritablement démocratique de cette région du monde) et aux élections en Catalogne, suite aux arrestations politiques de Madrid, qui avait confirmé la victoire des trois forces indépendantistes.

Cela tient-il du hasard pour que ce mois d’octobre 2019 que, ter répétita, à nouveau les kurdes (syriens) et la Catalogne occupent le devant de l’actualité. C’est bien la preuve qu’en dépit des obstacles les oppresseurs ne peuvent tuer un peuple qui se bat pour vivre.

UNE CONDAMNATION INIQUE EN CATALOGNE : PLUS DE 100 ANS DE PRISON

Le 18 octobre 2019, près d’un million de catalans a défilé à Barcelone pour protester contre l’inique décisions judiciaires du 14 octobre par laquelle le Tribunal Suprême (tout réside dans le qualificatif) d’Espagne a condamné pas moins de 9 dirigeants catalans a plus de 100 années de prison !

Parmi ces dirigeants, 7 militants indépendantistes démocratiquement élus en 2016 qui ont, conformément à leur engagement électoral, organiser un référendum d’autodétermination en septembre 2017. Et deux dirigeants de deux grandes organisations de masse comptant des centaines de milliers d’adhérents.

Plus 100 années de prison pour avoir organiser une élection et cet Occident donneur de leçons de démocratie n’a pas moufté. Tout ce beau linge de Washington à Paris en passant par Berlin ou Londres qui sont dans tous leurs états pour des manifestations ou des condamnations à Moscou ou Hong Kong n’a dit rien et ne continue à rien dire.

Mesure-t-on bien ce déni de justice. Les condamnés n’ont usé d’aucune violence et n’ont voulu simplement qu’une expression démocratique que la droite espagnole épaulée par une social-démocratie castillane a refusé,

Pour un supposé habillage juridique (en réalité comme le plus souvent le droit est dans ce cas mis au service des puissants et des dominants et les juges des exécuteurs des basses œuvres politiques), le Tribunal Suprême a mis de côté l’accusation la plus grave la rébellion qui faisait encourir 25 ans de prison. Il fallait s’y attendre car quand Puigdemont, l’ancien président de la Generalitat avait été arrêté en Allemagne, la justice de ce pays (dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est pas la plus démocratique du monde) avait refusé l’extradition à cause de ce délit.

Les dirigeants catalans ont donc été condamné pour « sédition », « désobéissance » et « détournement de fonds publics ». Il est difficile de nier le caractère politique des deux premières infractions. Sédition, eh oui, c’est un droit pour un peuple. Désobéissance, pensons à notre Delgrès qui disait il y a fort longtemps que « la résistance à l’oppression est un droit naturel » !

Le délit de « détournement de fonds publics » mérite un petit commentaire. Il vise à semer le trouble et laisser supposer que nous serions en présence de prévaricateurs. En fait, les juges espagnols considèrent que le fait d’avoir consacrer des fonds publics à l’organisation du référendum représente un détournement ! Voici donc un état espagnol gangrené par la corruption qui ose donner des leçons de vertu !

Mais retournons sur l’effroyable silence des 26 dirigeants européens récemment réunis à Bruxelles face à ce déni de justice. Pas un mot. L’Union Européenne considère normale que l’on mette en prison des élus ou des responsables d’association qui, sans violence, n’ont voulu que d’organiser une expression démocratique. Il faut bien apprécier ce niveau de standard européen quand nous entendrons Macron, Merkel, Junker, Johnson parler de démocratie et de droits de l’homme.

On sent quand même un début d’interrogation sinon de mauvaise conscience. Un journal français comme le Monde nettement pro-hispanique et qui n’a cessé de traîner dans la boue le mouvement catalan depuis deux ans a fait un éditorial dans son édition du 17 octobre où il se demande si de si « lourdes peines » vont résoudre la question catalane et si ceci n’ouvre pas la porte à des atteintes à la liberté d’associations et d’expression. Pardi !

En tous les cas, il est manifeste que les partis espagnolistes (Podemos étant un peu plus discret) sont partis dans une course à l’échalotte pour tendre encore plus la situation et accentuer la répression. De l’extrême droite Vox à la droite du Parti Populaire, sans oublier l’extrémiste Valls, on crie au plus fort qu’il faut combattre les séditieux et même mettre à néant l’actuelle autonomie. Les socialistes qui dirigent le pouvoir ont envoyé en moins d’une semaine des centaines de policiers aller casser du catalan et le ministre de l’intérieur ne cesse de réclamer aux indépendantistes qu’ils condamnent les violences que lui-même provoque. Ceci se fait dans un climat d’autant plus délétère puisque la campagne électorale bat son plein.

Aux dernières élections (espagnoles ou européennes), les résultats en Catalogne ont démenti un déclin des voix indépendantistes. Si la droite nationaliste stagne, le parti de la gauche républicaine catalane (ERC) est devenu le premier de Catalogne tant en voix qu’en sièges. D’ailleurs, à ce jour, plusieurs élus nationalistes au Parlement espagnol et européen ne peuvent y siéger sans que cela ne gêne nos démocrates européens !

La réaction populaire qui a suivi le verdict du 14 octobre démontre qu’en dépit de la lassitude (cela fait deux années de luttes incessantes), la peur, de la répression (elle est permanente), des entraves à la liberté d’expression, n’a pas altéré la mobilisation populaire.

L’espoir espagnoliste reste de diviser les forces indépendantistes. Il est assez symptomatique que depuis lundi 14 octobre, la presse occidentale ne cesse de mettre en avant les affrontements entre certains manifestants et les policiers en arguant d’une radicalisation d’une partie du mouvement indépendantiste. Or, fondamentalement, même pour son extrême-gauche (la CUP), l’ensemble des forces indépendantistes optent pour une mobilisation de masse et non violente. Mais, il y a peu de doute

Il ne fait pas de doute que l’objectif de Madrid est de porter atteinte à l’image du mouvement catalaniste. Il reste que, parce que c’est un mouvement hautement démocratique, qu’il existe un débat réel au sein du mouvement nationaliste sur les suites à donner à la lutte pour l’indépendance. Si la droite nationaliste considère qu’il faut accentuer le combat pour un nouveau référendum, l’ERC semble opter pour un élargissement de la base du mouvement populaire pour au moins obtenir une amnistie.

Il reste donc que si la situation en Catalogne démontre le caractère pour le moins relatif de l’adhésion aux principes démocratiques de l’Espagne et des 27 autres capitales, il faut être veillatif au regard de contradictions internes au sein des forces oppressives.

Ainsi, le Brexit devant certainement arriver à un moment ou un autre, certains continentaux européens rêvent de soutenir le mouvement nationaliste écossais pour qu’il obtienne un nouveau référendum d’autodétermination et ainsi affaiblir la Grande Bretagne. Reste qu’ainsi la boite de pandore pourrait être ouverte car pourquoi l’Ecosse et pas la Catalogne, le pays Basque, la Galicie, la Vallée d’Aoste, la Flandres etc…. sans parler de l’est européen qui est une mosaïque des peuples et de minorités.

L’attention à la situation catalane est aussi utile vis-à-vis de notre propre situation. Rappelons que Madrid et Paris ont la même position. Nous ne serions pas une colonie. Donc pas un peuple. Donc pas d’autodétermination possible. Le juridisme factice est toujours présent.

Nous devons être solidaires du mouvement indépendantiste catalan car l’état espagnol va vouloir que la situation pourrisse pour qu’il augmente la repression.

L’EFFROYABLE HYPOCRISIE EUROPEENNE VIS-A-VIS DES KURDES SYRIENS

Quelques mots sur les kurdes. Je ne veux pas reprendre ce que j’ai déjà décrit dans ce blog à propos de ce peuple de près de 50 millions de personnes qui fait face à quatre puissances dominatrices (Irak, Iran, Syrie et Turquie) à qui l’occident a menti depuis un siècle sur un ou des projets nationaux.

Je veux insister sur l’effroyable hypocrisie des pays occidentaux dans cette affaire.

Il l’avait déjà fait en 2017. Il n’a cessé d’annoncer depuis le mois de mai 2019 qu’il allait recommencer. On peut reprocher tout à Erdogan mais le président turc a le mérite d’avoir une position permanente et constante. Il combat férocement le mouvement kurde avec des méthodes de dictateur. Il y a des dizaines de milliers de prisonniers kurdes en Turquie. Il considère que le Parti Démocratique Kurde (PYD) est un simple appendice du PKK qui est considéré comme terroriste par les USA et l’UE et qu’il faut le combattre. Erdogan ne fait aucune différence entre Daech et le PKK sauf qu’il considère ce dernier comme plus dangereux à cause de sa base populaire et nationale !

Tout cela, ni Washington, ni l’UE ne pouvait l’ignorer.

On comprend mal les cris de ce beau monde quand la Turquie retourne (en réalité renforce sa présence et sa pénétration) en Syrie pourchasser les kurdes syriens au motif qu’ils ont créé une structure quasiment étatique au Nord de la Syrie dénommée Rojava avec certaines minorités arabes.

Ce qui est d’ailleurs intéressant de noter, ce n’est pas tant que l’on reproche à Erdogan d’aller envahir la Syrie mais d’aller embêter les braves kurdes qui ont aidé les occidentaux à combattre Daech. Mais là encore, soyons clair, l’autocrate Erdogan n’a jamais combattu Daech avec ou sans les kurdes et il n’a donc à avoir aucune mauvaise conscience à cet égard.

L’Europe a d’autant moins de raison d’être étonnée de la position d’Erdogan qu’elle paie 4 milliards de dollars à la Turquie par an pour uniquement parquer et garder les 3 millions d’expatriés syriens qu’elle ne veut pas voir rentrer dans l’UE.

Bref, Erdogan est anti-kurde et l’Occident a toujours soutenu la Turquie contre les kurdes.

Quant au fait que la Turquie envahisse la Syrie, s’il est bien deux pays qui peuvent difficilement protester, ce sont les USA et la France. Ces deux pays sont présents en Syrie ? au motif de combattre l’état Islamiste ? avec leurs forces spéciales depuis 2013 en totale violation du droit international. Ni la Syrie, ni l’ONU n’a autorisé ces deux pays à y installer leurs troupes.

La France et les USA se sont servis des kurdes  comme chair à canon dans les combats (extrêmement meurtrier car les troupes françaises et américaines ont tué plus de civils que de combattants islamistes lors des attaques de villes de l’EI comme Rakka ou Kobané) contre l’EI.

Si vraiment, Trump et son bon ami Macron avaient voulu protéger les kurdes syriens des troupes d’Erdogan, il aurait suffi qu’ils annoncent que leurs forces spéciales (mille GI et environs 200 français) allaient s’opposer à l’armée turque. En fait, Trump a annoncé qu’ils allaient retirer ses troupes (ce qui est conforme à son discours isolationniste) et l’armée française qui n’a aucune autonomie pour agir seule s’est empressée de se débiner au lieu de rester avec les kurdes !

Dans ce contexte les larmes de crocodiles des dirigeants européens sont plutôt indécentes.

Il existe un autre aspect pour le moins aussi odieux que la trahison des kurdes, c’est le problème des prisonniers issus de la lutte contre Daech. Il s’agit de milliers de personnes. Macron n’a cessé de dire que l’attaque turque allait provoquer l’évasion des prisonniers islamistes qui allaient pouvoir reconstituer ou renforcer Daech.

Or cette question des prisonniers n’est aucunement nouvelle et ce n’est pas l’agression turque qui pose le problème. La position des occidentaux concernant les islamistes capturés est de ne pas leur reconnaitre le statut de belligérants et donc ne pas leur appliquer le droit de la guerre. Pour eux, il s’agit de les neutraliser y compris avec leur famille. Quitte à les parquer dans des camps dans des conditions inhumaines et hors tout statut juridique.

Bref, la France et les USA ont créé dans le nord de la Syrie et l’ouest de l’Irak des dizaines de prison type Guantanamo où le droit n’existe pas.

Là où la polémique a pris une certaine ampleur en France, c’est concernant les nationaux français. Ils seraient plusieurs centaines de français, avec leurs familles, anciens combattants de Daech, retenus illégalement (selon les normes du droit international) dans de pseudos-prisons.

La logique et le respect du droit seraient que ces personnes soient ramenées en France pour y être jugées. Macron a dit non. Or, l’Irak n’a pas une structure judiciaire pour y faire face. Quant aux kurdes syriens, ils n’ont aucune structure judiciaire étatique pour y faire face.

La France ne veut pas rapatrier ses ressortissants en mettant en avant qu’ils doivent être jugés sur leurs lieux de leurs méfaits. En fait, les dirigeants français se heurtent à deux difficultés. D’une part, comment juger plusieurs centaines de personnes en France alors que les juridictions actuelles sont déjà encombrées ; d’autre part dans la quasi-totalité des cas ils n’existent aucune ou peu de preuve contre ces personnes permettant d’envisager qu’une juridiction « normale » les condamne. Dans ces conditions, l’obsession française est de les empêcher de rentrer en France. A tout prix.

La création d’une juridiction internationale n’est pas aussi à l’ordre du jour.

Ceci explique qu’alors que la région est à feu et à sang, le ministre français des affaires extérieures, un ex-socialiste dénommé Le Drian, vient de s’en rendre en Irak pendant deux jours pour tenter de signer un accord de coopération « judiciaire et pénitentiaire ». La France espère voir juger à bas prix par des juridictions ne respectant pas les normes internationales ses propres nationaux. Il est difficile de pouvoir encore plus se renier sur le plan des principes.

L’Europe est dans une logique de plus en plus mercantile. Elle paie les turcs pour retenir les Syriens. Elle paie des factions libyennes pour empêcher le passage des migrants africains par ce pays vers son continent. Elle préfère que la Méditerranée devienne un immense cimetière de migrants plutôt que de respecter le droit humanitaire. Elle est prête à payer pour qu’on « juge » sans aucun droit ses propres nationaux.

Raphaël CONSTANT

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