Si l’œuvre poétique d’Aimé CESAIRE a fait l’unanimité et continuera de nourrir les générations futures pour longtemps encore, son action politique contre la domination coloniale en Martinique soulève de légitimes questionnements.
Il ne s’agit pas en la circonstance de céder au rituel pervers du parricide et encore moins à la tentation morbide du cannibalisme idéologique qui a fait tant de mal à nos sociétés, brisant l’élan libérateur de nos peuples et laissant en rade de l’histoire des pans entiers de rêves assassinés et d’espoirs échoués.
Néanmoins, l’héritage des fondateurs doit être soumis à l’analyse, confronté au réel et à l’histoire, sans complaisance certes (d’abords vis-à-vis de nous-mêmes) mais avec rigueur et respect, surtout à l’égard d’une voix qui aura redonné « cet élan de foi et d’espérance qui a soulevé, à l’époque, tout un continent » et joué « un rôle peut-être capital, puisque cela (la négritude) a été un rôle de ferment et de catalyseur »(1).
Cette approche critique, contre l’insipide idolâtrie, se veut la condition même du dépassement et de notre capacité à doter nos peuples des « armes miraculeuses » leur permettant de faire « main basse sur tout le présent pour mieux réévaluer le passé et, plus encore, pour préparer le futur » (2).
Le poète sénégalais Amadou Lamine SALL, dans un hommage rendu à Aimé CESAIRE, à l’occasion de son 80e anniversaire, écrivait :
Certes, « il sera pardonné à celui qui aura beaucoup donné », car l’engagement politique de CESAIRE a eu ses limites sinon ses interrogations, ses hésitations pour achever un combat total. Mais les raisons existent sans doute pour expliquer l’élan politique mutilé du grand poète et Député-Maire de Fort-de-France, frileux sur l’indépendance de son pays. Ne lui a-t-on pas prêté ce mot lourd de repentir : « Ma poésie est une revanche sur ma politique » ? (3) {{(...)}}
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