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CHLORDECONE : FIN DE LA RECREATION…

CHLORDECONE : FIN DE LA RECREATION…

Le verdict des scientifiques vient donc de tomber : toute la zone côtière comprise entre la baie du Galion, à Trinité, et la commune du Vauclin est gravement contaminée au chlordécone. Langoustes, crabes, sardes à queue jaune etc…présentent jusqu’à 95% de taux de contamination. La pêche vient donc d’être interdite dans cette zone, ce qui constitue une véritable catastrophe personnelle pour ceux qui s’adonnent à cette activité et une catastrophe économique pour la Martinique toute entière. Cette annonce tombe peu après un rapport affirmant qu’il n’y a aucune corrélation entre le taux de cancers et les régions de plantations de banane, rapport biaisé car il ne prend absolument pas en compte le fait que 91% de l’eau consommée en Martinique provient du château d’eau de l’île qu’est le Nord-Atlantique, zone bananière et donc fortement chlordéconée. Ce qui veut dire que ce ne sont pas les seuls habitants du Nord-Atlantique qui durant 30 ans, ont bu une eau du robinet contaminée, mais quasiment tous les Martiniquais, qu’ils soient du Lorrain, du Diamant ou de Fort-de-France. Il est donc clair que ce rapport vise à dédouaner les responsables de ladite contamination.

Lorsque Louis Boutrin et moi-même avons publié en 2007 notre livre « CHRONIQUE D’UN EMPOISONNEMENT ANNONCE », nous avons aussitôt été victimes d’attaques virulentes visant à nous décrédibiliser alors même que nous n’avions fait qu’utiliser deux sources :

. les rapports sur le chlordécone établis par les propres services déconcentrés de l’Etat aux Antilles, à commencer par le rapport De Kermadec (1979) jusqu’au rapport Fagot-Mestre-Balland (1993), rapports qui avaient été soigneusement dissimulés au grand public

. les publications de l’ « American Cancer Institute »

Ces attaques ont émané d’abord de l’Etat et de ses services déconcentrés, des fonctionnaires dirigeant ces derniers plutôt, qui tous, sur les ondes, ont déclaré que nous exagérions et que la situation était désormais sous contrôle. Des Békés ensuite qui, sur divers sites-web à leur botte, nous ont décrits comme des racistes et des affabulateurs dont l’objectif n’était pas du tout écologique mais politique. De la chambre d’agriculture et de son président ensuite qui nous ont accusés de vouloir ruiner l’économie bananière de la Martinique en contribuant à donner une image négative de « notre » banane déjà fortement concurrencée sur le marché européen par son alter ego sud-américain. Accusation pour le moins idiote puisque le scandale du chlordécone n’a éclaté qu’en 2007 alors que « notre » banane est en crise permanente depuis au moins 1980. Enfin, de la municipalité de Fort-de-France qui créa en sous-main une soi-disant association de marchandes de Fort-de-France, « Machann Foyal », qui défila dans les rues de la capitale pour dénoncer notre propre association, l’ANC (Association Non au Chlordécone) qui venait de déposer plainte en justice contre l’état français pour empoisonnement. A entendre la municipalité foyalaise et « Machann Foyal », le fait que nous disions qu’outre l’eau du robinet, les légumes, certains fruits et le lait de vache étaient eux aussi contaminés portait atteinte à l’activité de nos marchandes. Manque de pot, un rapport publié peu après démontra de manière irréfutable ce que nous affirmions, précisant même que le lait de 90% des femmes enceintes contenait du chlordécone ! Finalement, en 2008, après moult controverses, débats, conférences et manifestations, l’Etat français se vit obligé de mettre 33 millions d’euros sur la table pour commencer à étudier les moyens de lutte contre la contamination au chlordécone. Si Boutrin et Confiant étaient des affabulateurs, pourquoi l’Etat français aurait-il déboursé une telle somme en pleine crise financière ?

Il faut noter au passage que nos politiques, toutes tendances confondues, ont refusé de se mouiller dans ce dossier et Boutrin et moi-même nous sommes retrouvés seuls à faire une conférence de presse dans l’enceinte même de l’Assemblée nationale, à Paris, en février 2007. Enfin pas tout à fait seuls. A nos côtés, il y avait Alain Lipietz, député des Verts, et Corinne Lepage, ancienne ministre de l’écologie !!! Pas l’ombre d’un élu basané ce jour-là…

{{ UN EMPOISONNEMENT DELIBERE}}

S’il faut rappeler pour la énième fois l’origine de cette contamination et surtout du pesticide en cause, eh bien allons-y ! En 1976, les Etasuniens « inventent » ou synthétisent la molécule dite « chlordécone » utilisée comme pesticide lequel sera fabriqué dans une usine de Virginie. En 1979, suite à une explosion dans l’usine, le produit se déverse dans un fleuve tout proche et dès l’année suivante, tous les crocodiles qui naissaient étaient des femelles ! Une enquête démontrera la dangerosité extrême du chlordécone qui sera définitivement interdit aux Etats-Unis à compter de cette date, 1979 donc. Or, aux Antilles françaises, le chlordécone commença à être (efficacement) utilisé contre le charançon noir qui ravageait les bananeraies et la France ignora l’interdiction étasunienne. Des élus martiniquais seront même mobilisés pour demander à diverses reprises la prolongation de l’usage du chlordécone une fois que les Français auront fini par admettre à leur tour sa dangerosité. Des Békés achèteront la formule aux Etats-Unis, la feront mettre au point par un laboratoire d’Amiens et feront fabriquer le produit par une usine brésilienne, lequel produit sera désormais vendu sous le nom de « Curlone ». Pas vu, pas pris ! Ni vu, ni connu ! Et c’est comme ça que durant 30 longues années, des dizaines de milliers de tonnes de pesticides à base de chlordécone seront utilisées dans les bananeraies de la Martinique et de la Guadeloupe, contaminant 22.000 hectares dans la première île et 4.500 dans la deuxième. Mais si ce n’étaient que les terres agricoles qui étaient contaminées ! Les nappes phréatiques, les rivières, les rivages, les fruits et même le lait de vache étaient eux aussi atteints. On était devant une véritable catastrophe écologique et sanitaire, sanitaire puisque les travaux de l’ « American Cancer Institute » démontrent sans discussion possible que le chlordécone est responsable de l’augmentation des cancers, de celle de la maladie de Parkinson et de l’Alzheimer, des malformations congénitales, de la baisse de la fertilité masculine etc…Il est impossible que l’Etat français n’ait pas été au courant des publications de cet éminent institut de recherches étasunien vu que Boutrin et moi-même y avons eu accès sans la moindre difficulté. C’est pourquoi dans notre livre, nous disons qu’il s’agit d’un empoisonnement délibéré des Martiniquais par l’Etat français et que notre association, l’ANC, a porté plainte contre ce dernier pour empoisonnement. A ce jour, aucun de nous deux n’a encore été convoqué par le SRPJ, du moins pas pour l’affaire du chlordécone…

{{QUE FAIRE ?}}

Dans un deuxième livre, publié fin 2007, « 12 MESURES POUR LUTTER CONTRE L’EMPOISONNEMENT AU CHLORDECONE », Boutrin et moi-même établissions la liste des mesures qu’il convenait de prendre de toute urgence pour parer au plus pressé et celles qu’il convenait d’étudier pour le moyen et le long terme. Nous y préconisions, notamment, la cartographie sérieuse des terres contaminées au chlordécone et la mise en place d’un système fiable de traçabilité des produits agricoles consommés localement, en particulier les légumes. Nous y demandions la mise sur pied d’une enquête épidémiologique d’abord en milieu agricole, puis dans un deuxième temps sur toute la population martiniquaise. Nous exigions qu’une indemnité compensatoire soit accordée aux moyens et petits agriculteurs qui n’étaient pas au courant de la dangerosité du produit, qui l’ont utilisé ou dont les terres ont été contaminées par l’eau de ruissellement, terres désormais impropres à l’agriculture. Nous exigions aussi que les coupables de cet empoisonnement soient recherchés et traduits en justice. Entre temps, les aquaculteurs ont été eux aussi sommés de cesser toute activité ! Et voilà que c’est le tour des pêcheurs de la côte Sud-Atlantique !

Que faire alors ? Il nous semble que tant que nos politiques ne prendront pas ce dossier à bras le corps, rien ne bougera vraiment. Les 33 millions d’euros mis sur la table par l’état français sont une goutte d’eau compte tenu de l’ampleur des problèmes à résoudre, en particulier celui, ô combien crucial, de la décontamination des terres (puisque le chlordécone a une rémanence__une durée de vie__d’environ 150 ans). Nous avons suggéré, pour notre part, que l’on s’intéresse à la méthode dite de « phytoremédiation » utilisée au Canada pour dépolluer certains sols.

A ce jour, rien ne bouge. Les politiques sont préoccupés par les élections et les syndicats par les revendications salariales (et les intellectuels par leur petite carrière). Pendant ce temps, nombre d’habitants de Basse-Pointe, pour ne prendre que ce seul exemple, continuent à utiliser comme eau de boisson, l’eau de la source « Bod Lanmè » qui présente un taux de contamination au chlordécone 44 fois supérieur à la quantité tolérée par l’organisme humain…

{{Raphaël Confiant}}

Commentaires

mona | 07/10/2009 - 11:55 :
C'est scandaleux !! QUAND l'état français va t-il réagir pour mettre un terme à cette catastrophe écologique et économique ? Combien de temps, combien de rapports, combien de cancers, combien de morts... faudra-t-il attendre ??
langue | 10/10/2009 - 23:21 :
Merci Mr Confiant ! je n'ai pas le verbe mais les mêmes pensées que vous, l'injustice ENCORE, ENCORE ET ENCORE .
langue | 10/10/2009 - 23:23 :
Une génération où deux Mona !

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