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Chlordécone : nous avons tout tenté...

Raphaël CONFIANT
Chlordécone : nous avons tout tenté...

   Quand je dis "Nous", je veux dire Pierre Davidas, Garcin Malsa et les militants de l'ASSAUPAMAR, Louis Boutrin, moi-même et tant d'autres...

    Cela va faire bientôt 30 ans que le scandale de l'empoisonnement de notre pays (20.000 hectares !)  à cause de l'usage disproportionné du chlordécone a été dénoncé, notamment dans l'hebdomadaire ANTILLA, par Pierre Davidas bientôt suivi par d'autres écologistes. 30 ans pendant lesquels nous avons pétitionné, manifesté, conférencé, écrit aux diverses autorités et publié des livres sur le sujet. 30 ans pendant lesquels nous avons crié dans le désert.

    Qu'aujourd'hui une nouvelle génération s'empare de ce combat témoigne du fait que ce que "Nous" avions tenté  de faire n'a pas été vain même si nous n'avons pas obtenu gain de cause ou alors de façon très cosmétique (cf. les deux "Plan Chlordécone" de l'Etat français avec, pour chacun d'eux, 33 millions d'euros à la clé). Quand bien même je diverge sur les méthodes employées par cette nouvelle génération et notamment le déboulonnement de statues, sur le fond, elle est entièrement dans son droit et n'est pas une bande de "vandales" comme les a qualifiés les hiérarques du PPM. Elle a le droit de crier sa colère face à l'inertie ou les manœuvres de diversion des différents gouvernements français. Elle a le droit de dénoncer l'indifférence ou la démagogie de nos politiciens locaux de tous bords. Notamment de ces planqués qui n'ont jamais ouvert la bouche pendant tout ce temps et qui aujourd'hui, ont le culot de se réclamer du "souverainisme" alors que tout un chacun sait qu'ils n'ont qu'un objectif et un seul : prendre la place du calife qu'ils traitent depuis quelque temps de "dictateur" alors qu'ils ont passé le plus clair de leur temps à le "sucer" et qu'ils lui doivent tout.

    Il y a 13 ans, en 2007 donc, Louis Boutrin et moi publions cette même année-là deux livres sur la question du chlordécone : "Chronique d'un empoisonnement annoncé" en janvier et "Chlordécone : 12 mesures pour sortir de la crise" en septembre. Ensuite, nous nous sommes rendus à Paris à nos frais et avons organisé une conférence de presse dans l'enceinte même de l'Assemblée nationale en compagnie de deux députés écologistes hexagonaux : Corinne Lepage et Alain Lipietz. Aucun député antillais n'avait jugé bon d'y participer ! Tous les grands médias étaient pourtant présents et la semaine d'après, LE NOUVEL OBSERVATEUR titrait : "Les Antilles empoisonnées". De retour au pays, nous avons multiplié les conférences à Trinité, Lorrain, François, Case-Pilote, Fort-de-France etc...et la veille du Vendredi saint de l'année 2018, nous avions réussi à rassembler plus de 300 personnes à l'Atrium. Puis, Louis Boutrin s'est rendu, à ses frais, à Paris afin de rencontrer Roselyne Bachelot alors ministre de la santé. Plusieurs fois...

   Entre temps, l'ASSAUPAMAR, puis notre propre association (ECOLOGIE URBAINE) ainsi que plusieurs associations écologistes guadeloupéennes (5.000 hectares sont contaminés chez eux) portèrent plainte contre l'Etat pour "mise en danger de la vie d'autrui et empoisonnement". L'affaire fut rapidement été délocalisée au Tribunal de Paris autant dire enterrée tout comme ce fut le cas pour les scandales du CREDIT MARTINIQUAIS et du CEREGMIA. Pendant tout ce temps, les ravages causés par le terrible pesticide organochloré continuaient de plus belle : augmentation sidérante de cas de cancers parmi lesquels le très rare myélome ; augmentation des cas de maladies d'Alzheimer et de Parkinson ; augmentation des malformations congénitales. Cette catastrophe épidémiologique s'ajoutait à la catastrophe écologique : nappes phréatiques, rivières, sols et rivages étaient touchés.

   La pêche fut alors interdite en différents endroit du territoire, ce dont nous tinrent pour responsables une association de marins-pêcheurs, codirigée par une dame au verbe haut, qui nous prit vivement à partie dans FRANCE-ANTILLES. Tout comme nous prirent à partie les revendeuses des différents marchés de Fort-de-France, hâtivement rassemblés par la municipalité PPM, dans une association appelée "MACHANN FOYAL" qui défila dans les rues en conspuant nos noms. A l'époque, en 2007, le PPM et ses chefs niaient l'existence de la catastrophe d'où notre stupéfaction de voir débarquer...13 ans plus tard, une "Commission d'enquête parlementaire sur le chlordécone" présidée par Serge Letchimy lequel, n'étant pas à une rodomontade près, s'était écrié sur les ondes d'une radio : "Le chlordécone est un scandale d'Etat !".

   Sinon l'AMSES (Association Médicale de Sauvegarde de l'Environnement et de la Santé), arc-bouté sur les connaissances médicales des conséquences sanitaires, épidémiologiquement prouvées (cancers, retard du neuro-développement,etc...) de l'exposition au chlordécone, n'a cessé de"harceler" l'Etat français qui se protège par les manœuvres dilatoires que lui procure son arsenal administratif, pour éviter d'affronter ce scandaleux non respect de sa Constitution qui dans son préambule l'engage à garantir la santé de ses citoyens ! Les USA, qui ne s'imposent pas comme les thuriféraires des droits de l'homme, ont mieux protégé et indemnisé leurs ressortissants !

   Pendant trente ans, l'Etat français nous a raconté des baboul (balivernes) et nous a roulés dans la farine.

   Si donc aujourd'hui, une nouvelle génération a décidé de reprendre notre flambeau, comment ne pas comprendre sa colère, même si, je le répète, nous doutons fortement de l'efficacité des méthodes qu'elle emploie ? Qui peut leur jeter la pierre ? L'immobilisme de l'Etat français sur la question du chlordécone est seule responsable des débordements auxquels on a pu assister dernièrement et ce ne sont pas les activistes qu'il faut traîner devant les tribunaux mais bien les empoisonneurs békés. Dans notre livre Chronique d'un empoisonnement annoncé (2007), nous écrivions noir sur blanc le nom du principal importateur du pesticide : les établissement De Laguarrigue. Dans notre deuxième livre, Chlordécone : 12 mesures pour sortir de la crise, nous exigions que les empoisonneurs soient traduits en justice (tout en demandant une cartographie des terres contaminées, la mise en place d'un système de traçabilité des produits de l'agriculture vivrière, le recensement de tous les ouvriers agricoles contaminés, le versements de compensations financières à eux ou à leurs familles puisque beaucoup décédèrent entre temps etc...etc...).

   Rien de tout cela n'a connu ne serait-ce qu'un tout petit début de commencement !

   L'Etat français nous a roulés dans la farine. Il a joué la montre, comptant sur l'habituelle indifférence ou impassibilité des Martiniquais. Chose qui a marché un temps avant de voler en éclats suite à l'irruption des activistes sur la scène politique. Mais nos politiques de tous bords n'ont pas fait mieux, électoralisme oblige. Ceux qui, parlementaires, avaient réclamé à la tribune de l'Assemblée nationale la prorogation de l'utilisation du chlordécone jusqu'en 2002 (alors qu'il était interdit aux Etats-Unis, pays où la molécule fut synthétisée, dès...1979 !) invoquèrent des raisons économiques pour tenter de se justifier. D'autres n'avaient le mot "chlordécone" à la bouche qu'en période électorale et au lendemain de leur élection ou réélection, le rangeait aussitôt au magasin des oubliettes.

    L'Etat français est donc responsable puisque c'est lui ou plus exactement son Ministère de l'Agriculture qui attribue les AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) des pesticides. Les Békés sont responsables car ce sont eux, pour bénéficier de subventions européennes, ont importé et fait leurs ouvriers agricoles (8.000 en Martinique) utiliser une quantité de chlordécone à l'hectare 6 fois supérieure à celle qui est utilisée dans les bananeraies d'Amérique du Sud. Nos élus (es) politiques sont responsables, non seulement parce qu'ils demandaient où approuvaient régulièrement la prorogation de l'utilisation du chlordécone mais parce qu'aussi, aux yeux de la loi, ce sont les maires qui sont les garants de la potabilité de l'eau qui est distribuée à leurs administrés. Or, pendant 30 ans, les Martiniquais ont bu une eau du robinet gorgée de chlordécone !

    Pour ma part, je considère que le procès qui est fait aux activistes est, lui aussi, un scandale. Même s'ils ne constituent qu'une petite minorité de notre jeunesse, même si les méthodes qu'ils croient bon de mettre en œuvre sont contestables et de toute façon inefficaces, même si il y a une dérive noiriste dans leur combat qui nous éloigne de notre seul objectif sérieux à savoir l'accession à la souveraineté nationale, même s'ils s'inscrivent dans cette mouvance "woke" (éveillés) née aux Etats-Unis et que l'on peut qualifier d'hystérisation scénarisée de l'indignation, malgré tout cela, les traiter comme de vulgaires délinquants relève de ce que l'on doit appeler tout simplement le colonialisme.

    A trop jouer avec le feu, à continuer à prendre les Martiniquais pour des imbéciles, Etat français, Békés et Politiciens de tout bords s'exposent au pire. Et ce "pire" peut prendre toutes les formes possibles et imaginables. Ils en porteront l'entière responsabilité en tout cas !

***

(NB : il est bon de noter que devenu conseiller exécutif à la CTM et président du Parc Naturel de Martinique, Louis Boutrin a continué le combat en créant le LABEL ZERO CHLORDECONE qui rassemble aujourd'hui une soixantaine d'agriculteurs et d'éleveurs ainsi que l'APPLICATION ZERO CHLORDECONE qui est téléchargeable sur n'importe quel téléphone portable et permet au consommateur de vérifier si le produit qu'il achète est contaminé ou pas.)

 

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