Près de 7 000 km séparent Fort-de- France de Saint-Denis et pourtant, bien des passerelles existent entre l’île des Caraïbes et la région parisienne. Pour le tourisme, bien sûr, mais aussi pour le trafic comme l’illustre cette enquête menée à Saint-Denis. Avec dix suspects mis en examen, dont six emprisonnés, 160 000 € saisis et près de 2 kg de cocaïne et d’héroïne confisqués.
Convaincus de frapper aux bonnes portes, les policiers ont tiré du lit, lundi, une douzaine d’habitants d’un petit ensemble en centre-ville, la cité Péri. Pendant plus de six mois, sur commission rogatoire d’un juge d’instruction de Bobigny, sept policiers du groupe « stupéfiants » du commissariat ont traqué jour et nuit les acteurs d’un trafic estimé très juteux : 200 clients par jour, 17 000 € de chiffre d’affaires par jour, net d’impôt.
Les clients, des toxicomanes de toute l’Ile-de-France, venaient dès le matin s’approvisionner en cocaïne et héroïne presque exclusivement, à 40 ou 50 € le gramme. A moins de 500 m du commissariat. Quand il s’agit d’enquêter, la proximité n’est pas forcément un atout, comme l’explique un policier du cru : « Tout était très compliqué, il ne fallait pas se faire remarquer, pour que l’enquête reste confidentielle ». Et redoubler de persévérance, face à des dealeurs qui cassaient régulièrement leur puce de portable, méfiance oblige.
Le coup de filet de lundi semble avoir offert une première victoire aux enquêteurs. « Le travail d’enquête et d’investigation a été parfait, complet, nous avons réussi à identifier quelle était la source de trafic situé outremer » s’est enthousiasmé Bernard Cazeneuve, hier à Saint-Ouen, révélant cette affaire, tenue secrète jusqu’à sa visite.
Fusillade près de la cité
Particularité de ce dossier, la plupart des personnes mises en examen vivent à l’adresse du trafic. Mis à part un suspect arrêté dans l’Eure et un autre en Martinique. Ce dernier serait le fournisseur présumé de la cocaïne. Un homme de 27 ans, intérimaire à ses heures, qui vit dans la maison de ses parents à Schoelcher, et qui était totalement inconnu de la police. Chez lui, les policiers ont trouvé 750 g de poudre « très très blanche » conditionnée en petits paquets argentés. Ils ont aussi saisi une BMW série 1 et un pistolet. Ecroué en Martinique, il doit être transféré à Bobigny rapidement.
« En Martinique, la cocaïne, qui vient de Colombie ou du Venezuela, s’achète entre 7 000 et 10 000 € le kilo et se revend le triple à des acheteurs de métropole, explique un officier de police en Martinique. Dans l’hexagone, après deux ou trois coupes, nouveau jackpot : la drogue est revendue trois fois son prix d’achat. »
La poudre blanche aurait été acheminée par avion, à raison de quelques kilos par « mule » comme on nomme ces passagers qui ingèrent la drogue ou la transportent dans le double fond d’une valise. Au lendemain des arrestations, une fusillade a éclaté aux portes de la cité Péri, blessant un jeune de 20 ans à l’épaule et terrorisant des habitants. Inquiet, le maire, Didier Paillard (PC) a réclamé des renforts à la hauteur de l’urgence de la situation. « Une expédition pour reprendre le terrain », imagine un policier, sans trop d’illusion.