Molécule quasi-indestructible, l’insecticide des bananeraies réapparaît en grande quantité dans les eaux des fleuves et les sédiments côtiers de Martinique et de Guadeloupe, près de 30 ans après son interdiction. En cause, l’usage du glyphosate qui favorise l’érosion des sols stockant le chlordécone.
Répandu de 1972 à 1993 pour combattre le charançon du bananier, le chlordécone continue de polluer l’environnement des Antilles. Alors qu’il est banni depuis près de 30 ans, ce pesticide organochloré reconnu toxique pour la santé humaine et tenu pour responsable du très grand nombre de cancers de la prostate dans les Caraïbes refait surface à la faveur de l’utilisation de l’herbicide le plus vendu au monde, le glyphosate. Le désherbage favorise en effet l’érosion des sols, libérant le pesticide qui y était piégé à des teneurs comprises entre 500 et 2000 nanogrammes par gramme de sol, ainsi que vient de le révéler une étude publiée le 14 janvier dans Environmental Science & Technology.
Le principal auteur de l’étude, Pierre Sabatier, chercheur au laboratoire EDYTEM de l’université Savoie Mont-Blanc, s’intéresse aux transferts de polluants dans la "zone critique", cette couche allant de la canopée des arbres jusqu'aux nappes phréatiques, où interagit l’essentiel du monde du vivant. Les relations entre atmosphère, lithosphère, biosphère et hydrosphère deviennent en effet un domaine scientifique crucial à l’heure des grands défis que sont le changement climatique, les pollutions dues à l’activité humaine et la perte de biodiversité. Dans un précédent travail publié en 2014, cette équipe du CNRS avait ainsi pu mesurer dans les sédiments d’un lac de Savoie bordé par des vignes une résurgence du DDT, pourtant interdit depuis les années 70, et attribué l’origine de cette remobilisation à l’utilisation du glyphosate, la destruction des herbes entre les ceps favorisant l’érosion des sols. « Nous nous étions demandé si le même phénomène pouvait se produire sous d’autres climats, dans d’autres contextes agricoles, et le chlordécone des Antilles était un terrain idéal pour cela », raconte Pierre Sabatier.
La méthode utilisée consiste à mesurer les teneurs en polluants dans une carotte de sédiments déposés dans le milieu marin et provenant en maj