Toutes ces dernières années, la cherté du prix de l’essence a été un leitmotiv tant chez les syndicalistes des dernières colonies que chez certains politiques, notamment Victorin Lurel lorsqu’il était ministre des Outremers.
Un observateur extérieur eut juré qu’il s’agissait là du problème le plus important, le plus grave, qui affecte nos pays. Divisez par deux le prix du litre d’essence et hop ! tous nos problèmes économiques seraient résolus. Fini le chômage massif, surtout des jeunes ! Fini la fermeture régulière d’entreprises ! Fini la délinquance et le trafic de drogue ! Fini les méfaits du chlordécone ! etc…Cet observateur extérieur n’aurait toutefois pas manqué, après réflexion, de se demander pourquoi cette fixation sur le prix de l’essence dans des îles qui font au mieux 100kms de long sur 30 ou 40 de large et où donc aucun automobiliste ou camionneur n’a à rouler des journées entières avant d’arriver à destination. Poussant sa réflexion un peu plus avant, le même observateur eut pu se demander pourquoi aucun syndicaliste ni politique n’a proposé de plan de réduction de la circulation automobile soit par le développement des transports en commun soit par celui du covoiturage soit encore, comme cela se fait dans des pays comparables aux nôtres tels que Barbade ou Singapour, par la circulation alternée. D’autant que l’effroyable circulation automobile dans nos îles non seulement entraîne une consommation d’essence toute aussi effrayante, ce qui n’est pas bon du tout pour notre balance commerciale, mais ne profite qu’aux concessionnaires automobiles pratiquement tous…békés, ceux-là mêmes que prétendent combattre à corps et à cris nos mêmes syndicalistes. Sans compter tous les problèmes de pollution de l’air que cela entraîne.
Or, Rue Oudinot et syndicalistes n’ont cessé depuis des années de tonner d’une seule et même voix contre l’affreux pétrolier Total au motif qu’il ferait des profits mirifiques dans nos pays !!! Ces personnes semblent ignorer que la raffinerie de La SARA st une entité minuscule à l’échelle mondiale et qu’elle ne figure même pas dans le classement des petites raffineries tant le tonnage de pétrole qu’elle traite est faible. Il ne s’agit pas de nier que Total s’engraisse dans nombre de pays du Tiers-monde au point d’être quasiment un état dans l’état dans certains d’entre eux et même en France quand on y regarde bien, mais prétendre qu’il s’enrichit grâce à la minuscule SARA relève de l’absurdité la plus complète. C’est comme si on disait qu’Hollywood s’enrichit grâce au complexe cinématographique de Madiana!
En réalité, la création de la SARA a obéi à deux objectifs : d’abord sécuriser les approvisionnements des trois dernières colonies françaises d’Amérique ; ensuite leur fournir une essence aux normes européennes c’est-à-dire respectant certaines contraintes environnementales. Car il est évident qu’importer de l’essence reviendrait moins cher que de la raffiner chez nous. La création de cette raffinerie a permis également la domiciliation d’une expertise en matière d’industrie pétrolière et l’embauche de techniciens et d’ingénieurs martiniquais, guadeloupéens et guyanais. Les quelques 350 employés de la raffinerie de La Sara n’étant bien évidemment pas tous martiniquais, loin s’en faut ! Suite donc aux revendications syndicalo-ministéro-ultramarines a donc été publié le fameux « décret Lurel » qui rogne les profits du groupe Total. Bravo ! On allait voir ce qu’on allait voir. Sauf que le prix à la pompe n’a guère baissé quand il n’a pas parfois augmenté depuis lors et qu’au plan économique global, on n’a vu aucun effet positif dudit décret dans nos pays.
Aujourd’hui, fort logiquement le groupe Total annonce son retrait du capital de La SARA et la vente de ses actions à l’actionnaire jusqu’ici minoritaire Rubis lequel en viendra à détenir plus de 70% des actions, le reste demeurant aux mains du troisième actionnaire, archi-minoritaire, Sol. Il n’y aurait là rien d’étonnant ni de bizarre puisque dans ce monde libéral (et social-libéral à la Valls), l’achat, la vente et la revente d’entreprises, la cession d’actions etc…sont monnaie courante. Sauf que dans notre cas, il y a un hic. Un gros hic ! Rubis n’est pas, contrairement à Total, un raffineur, mais un stockeur de produits pétroliers. Pire, La SARA est la toute première raffinerie dont il fait l’acquisition ! Tout cela ne laisse augurer rien de bon en dépit des apaisements mielleux dispensés par les uns et les autres. En effet, tout laisse à penser qu’à moyen terme, le groupe RUBIS fermera l’activité raffinage et transformera la SARA en un simple dépôt de produits pétroliers. Ce qui aura pour effet de réduire drastiquement le nombre d’employés et de nous faire perdre notre expertise dans un domaine pourtant stratégique.
Il s’agit là d’un coup de couteau dans le dos porté à la Martinique et nos élus de la majorité tant régionale que générale ne pipent mot. Ils acceptent sans broncher la destruction d’un tel outil et font les chiens couchants devant les ministres-cocotiers guadeloupéens et guyanais exactement comme ils l’ont fait lors de la crise de l’ex-Université des Antilles et de la Guyane. Ils rêvent sans doute qu’un jour la population martiniquaise finira par oublier l’interdiction faite par Aimé Césaire aux Martiniquais de figurer dans le gouvernement français. Qu’ils oublient ce rêve ! Nous nous chargerons de le rappeler autant de fois que cela sera nécessaire.
Et en décembre 2015, lors de l’élection de la Collectivité unique, nous nous chargerons aussi de rappeler à la population que ceux qui avaient promis à grand fracas de créer 5.000 emplois, n’ont pas fait un geste ni prononcé une seule parole pour s’opposer à la destruction programmée de 350 emplois hautement qualifiés à La SARA…
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