Un coup d'œil même rapide sur quelques publications récentes ou non sur la Caraïbe donne à lire une vision plutôt réductrice de l'espace caraïbéen et de ses productions symboliques reprenant avec plus ou moins de bonheur de vieux topos hérités de la colonisation qui nourrissent très largement les consciences occidentales du Journal de Colomb aux pubs des agences touristiques new-yorkaises ou parisiennes. Une telle réduction n'implique pas forcément que les différents auteurs ne perçoivent pas la complexité ou l'hétérogénéité de l'espace caraïbéen, mais par un tour de force tout aussi réducteur, du même souffle qu'ils clament sa complexité ou son hétérogénéité, ils le ramènent à quelques généralités ou lieux communs fort étonnants. La Caraïbe est d'abord pensée comme archipel, chapelets d'îles, the Islands; et ses habitants (majoritairement d'ex-esclaves d’origines africaines), des gens de la mer, People of the Sea, comme le répète à volonté, Benítez-Rojo, oubliant que les populations de la Caraïbe sont en bonne partie des montagnards, nèg mòn comme on dit en Haïti. Du coup, sont gommées, entre autres, l'épopée des marrons montagnards qui firent l’État indépendant d'Haïti en 1804 et l'enclave libre des marrons en Jamaïque reconnue par le gouvernement britannique par un traité dès 1738, mais aussi cette coupure fondamentale de l’espace antillais que le discours populaire traduit en ces termes: nèg lavil (nèg lakòt)/ nèg mòn (Haïti) nèg anwò/ nèg anba (Guadeloupe). De plus, est ignorée une part importante de cet espace, celle dite continentale (sauf les Guyanes qui géographiquement, et sans doute culturellement, sont les territoires les plus excentrés de la Caraïbe) qui en fait le pivot à la fois géographique, historique et culturel des deux Amériques, celle du Nord (sur-développée, impériale), et celle du sud (sous-développée, inféodée). (...)
{{Jean JONNASSAINT}}
_ (Ayiti-USA)
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