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De la création théâtrale aux Antilles chronique d'une mort annoncée

De la création théâtrale aux Antilles  chronique d'une mort annoncée

J'ai eu du chagrin, ce lundi 13 février  en découvrant sur Martinique Télévision, la première en matière de sensationnel, ouvrir son journal avec «  le coup de grisou » de mon camarade Hervé Déluge, un comédien hors pair, un metteur en scène rempli de talents , un garçon généreux .

 

Ça m'a fait mal, parce que se sont  réveillées en moi toutes mes frustrations à l'égard de la création théâtrale aux Antilles. En y réfléchissant , je me dis que  si je m'étais entêtée à vouloir monter des spectacles dans des salles de Foyal , nul doute que j'aurai fini par faire un coup de folie en tentant  d'écraser la tête d'un dirigeant ,ou celle d'un de la Culture en Martinique, ou d'un directeur de salle.

   

C'est en juillet 1971 avec le SERMAC,(Service Municipal d'Actions Culturelles) que naît véritablement une scène de théâtre en Martinique.  Pour les auteurs et les comédiens , ce fut avant tout un outil qui réveilla véritablement tout ceux qui pensaient qu'ils pouvaient seulement regarder les spectacles et les mises en scènes des autres, venus d'ailleurs. 

 

Sans aide étatique, mais surtout avec le seul engagement d'Aimé Césaire et son  conseil municipal, aidé de Jean Marie Serreau, le metteur en scène de La tragédie du Roi Christophe, fut créé le Festival de Fort de France . A la grande surprise des organisateurs , tous les spectacles remportèrent un grand succès auprès du public.  On admira  le talent d' Henri Melon, pionnier de l'art théâtral aux Antilles, ce fut aussi l'occasion pour George Mauvois, auteur et dramaturge de faire rêver ceux-là même qui avaient fini par croire que le théâtre n'était pas fait pour eux.  Sans élitisme économique,  le Sermac de cette époque , fut un vivier de l'Art et la culture populaire, car elle permettait la liberté de pensée  et surtout elle aidait à se libérer des stigmates de l'aliénation.

 

 

 

 

Pendant plus de dix ans , Jean Paul Césaire fut le chef d'orchestre du Sermac. Ce lieu conçu d'ateliers diversifiés, vit émerger un foisonnement d'artistes en tout genre   De l'art  scéniques, à la danse contemporaine , de la danse traditionnelle, à la sculpture , de la photographie, à l'artisanat d'art. etc  On  peut citer des grandes figures de la culture martiniquaise, Eugène Mona, parti trop tôt, Carole Alexis, Dominique Cyrille, Joby Bernabé  et bien d'autres .

 

Face au Sermac, le Cmac  (Centre Martiniquais d'Animation Culturelle) dirigé par Fanny Augiac,  au  presbytère, foyer de Bellevue, où l'on connût de grands moments artistiques. Là eut lieu, Le Carrefour Mondial des guitares, jazz , la Biennale de danse contemporaine. Les Rencontres théâtrales. Toutes ces belles réalisations faisaient corps à la création artistique , même si  une certaine forme d'apartheid de la part de la direction du CMAC, se faisait jour . Je venais de rentrer à la Martinique après avoir passé mon enfance et mon adolescence dans l'hexagone, habituée aux maisons de la Culture des banlieues parisiennes , je fus surprise d'entendre dire par des  jeunes des quartiers de Foyal que le CMAC était un lieu réservé à l'élite intellectuelle.

 

A cette  époque, j'habitais Case Pilote à 20 minutes du FdF, je pus aisément  me rendre-compte qu'ils ne mentaient pas, que le public  fréquenté par  le Cmac n'était pas celui du Sermac.   

Et quand la structure  intégra les réseaux des scènes nationales,en 1985, je sus qu'en Martinique  s'en était fini de la culture populaire, fini le théâtre d'Henri Melon, fini les  Man Chomil ou l'Agénor Cacoul de Georges Mauvois , plus près de nous ,  Mamiwata de Lucette Salibur, fini tout ça.  Bien d'autres créations « natif natal »  issues de la culture populaire antillaise restèrent sagement dans les tiroirs,  avec elles nos rêves d'émancipation

Les institutions , la région aussi,  applaudirent à grands bruits 

Il s'agit là d'une action de développement culturel qui favoriserait de nouveaux comportements à l'égard de la création artistique 

Ils continuaient en soulignant l'entreprise comme faisant partie d'une  intégration sociale  idéale .

 

Passionnée et curieuse de découvrir le monde théâtral, culturel et artistique de mon pays , je saisis l'opportunité du DETUAG et je m'inscris au Campus en 1996 pour des études de Théâtre.

Plus qu'une capacité ou un diplôme, le DETUAG se révéla comme un outil de référence en faveur de la création du théâtre caribéen. Crée par Jean Bernabé, alors doyen  de la Faculté des lettres , Michèle Césaire, alors directrice du CDRM (Centre Dramatique Régional de Martinique), je connus un réel  bonheur , j'étais enfin en phase avec mon pays. Nous étions une vingtaine à étudier et à tenter d'apprendre et comprendre l'art de l'écriture et de la mise en scène. J'eus la joie de travailler avec des comédiens martiniquais exceptionnels, je me nourrissais de théâtre classiques français mais aussi d'écritures créoles, j'appris à écrire et à lire des textes d'auteurs caribéens. On nous forgea à décrypter notre théâtre spontané  et notre  sens inné de la mise en espace, à chaque carnaval , soirées bèlè et autres.   

Ce fut une époque où la formation en Martinique avait encore du sens, car elle aidait l'évolution de l'être, les cicatrices de l'arriération ne résistant pas face au savoir .

 

Dès ma fin d’Études,  je tournais le dos à tout ce que je faisais dans la création télévisuelle pour me  consacrer jusqu'à ce jour au théâtre.

Quand je me sentis prête, je me heurtais alors à une machine broyeuse d'énergies et d'imaginaires, pourvoyeuse de complexe en tous genres.  Écrire et créer du théâtre, était réservé à une qualité de personnes dont je ne pouvais faire partie, puisque j’étais estampillée de l'affectueuse dénomination de « négropolitaine » . Je finis par me persuader que  le théâtre que je fais qui se joue en commune- pour  un public heureux , n'est pas recevable dans  la capitale,selon les critères de la Scène Nationale . A force de ruse, j'ai pu parfois créer au théâtre de Fort de France et à l'Atrium , mais  à quel prix !!!  

Il fut une époque où sur les scènes de Martinique , on pouvait voir Gladys Arnaud , Aliou Cissé , Eli Pennont , Aurélie Dalmat, Yvan Labéjof, Lucette Salibur, Eric Delor, Je n'oublierai jamais le Wopso de Marius Gottin, mis en scène par José Exélis ,  ni  Opéra pour une mangrove rebelle de Raphaël Confiant,  La Nuit et les Diables de Marie Chauvet.

Je ne peux me défaire du Téat lari de José Alpha, Je soussigné cardiaque, de Sony Labou Tansi. Les amoureux de théâtre , n'ont pas pu oublier Le  Blues de Staggerlee  mis en scène par Michèle Césaire.

 

En dépit de leur qualité, je me demande si toutes ces créations  répondaient  aux critères d'une  Scène Nationale, ce haut  lieu de référence de la culture française, vitrine culturelle, dont les codes sont définis par elle-même. En matière d'espace scénique, on a vu naître et mourir « le Morne ».

Sis au quartier de l'Hermitage, il dominait l'ex Hôpital Civil, un espace remarquable pour la création artistique, conçu par  l'architecte martiniquais Franck Hubert. Aujourd'hui, on ne peut nier que la situation à empirer dans le mauvais sens ,car il faut bien dire que  rien ne se prête à la création à la Martinique.

Ne fallait t-il pas à ce moment précis , face à la Scène Nationale créer un parallèle avec nos codes ? Seuls les gens du théâtre en Martinique ,auraient pu réaliser un tel cheval de Troie. 

 

Aujourd'hui, trois salles de théâtre existent dans la capitale ,dont deux à Tropiques Atrium.  Force est de reconnaître que le Théâtre Aimé Césaire  est dédié désormais  aux créations de l'Hexagone , il reste donc peu de place pour la création,  l'Atrium, dont  nous étions si fiers,  du temps de Jean Paul Césaire et son but de faire de ce lieu un incontournable tremplin de la multiplicité quant aux activités artistiques, ce temple de la culture et d'une architecture moderniste,dont nous avons tant rêvé, s'est vu divisé, non pour mieux exister mais plutôt  pour créer à nouveau  une séparation entre ceux qui étaient élus et les autres .

L'Atrium, par son label Scène Nationale, son million d'euros de subvention étatique, on l'a rendu « inabordable» pour tous ces artistes auteurs et comédiens issus du peuple et qui pourraient avoir des désirs de Joncs. Pourtant, c'est de la ville capitale que naît l'envie d’écrire,et qu'en communes  des spectacles se créent, ce sont leurs salles et leurs directeurs qui font exemple.

 

 

 

 

 

A l'évidence, le besoin d'émancipation porté par les années 80 et 90 n'est plus. La dynamique culturelle de la Martinique semble avoir choisi le repli. On a laissé désormais le champs libre aux donneurs d'ordre, aux « Tropiques et consorts , le Conseil Général, lui même ayant  pris un grand chemin.

Face à une telle situation , j'ai envie de faire cette analyse facile, peut être... et dire  « Bèf betché, an kann bétché é zavè tchou mèl ki pran plon »

 

Quant à la solidarité entre artistes et  gens du théâtre, de la musique, de la danse , des arts plastiques, personnellement je ne l'ai plu ressenti, comme elle brillait dans les regards de ceux du « vieux » Sermac de l'époque où je ne sais comment JP Césaire et la municipalité de FDF, avait trouvé le moyen de faire vivre côtes à côte des ateliers d'arts et d'autres des tresseuses pour tous les genres de coiffures nègres .

Comme disait une certaine  « La nostalgie n'étant plus ce qu'elle est », et ça,c'était avant, me direz-vous     

 

Aussi , je veux dire à mon camarade Hervé Deluge, qu'il ne sait pas usé à la tâche pour rien, et qu'il y a encore beaucoup à faire dans le domaine théâtral avec de la place pour tous, en particulier par des gens comme lui. Mais,  à une condition, la seule qui existe , celle de revenir aux fondamentaux : Qu'est-ce que nous voulons ?

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