Malcolm X (1925-1965) est un des personnages les plus importants de la cause noire américaine. Prédicateur et porte-parole de la Nation of Islam (NOI) pendant une dizaine d’années, il a été accusé de prêcher la haine. En 1963, il rompt avec la NOI et son idéologie séparatiste. Son pèlerinage à La Mecque l’année suivante a contribué à faire de lui une icône planétaire. Mais cette image, Malcolm X l’a aussi façonné durant son voyage. En l’espace d’un mois, il se rend en Egypte, en Arabie Saoudite, au Liban, au Nigéria, au Ghana, au Sénégal et en Algérie et y rencontre pléthore de militants, intellectuels et chefs d’Etats. Retour sur un voyage exceptionnel qui marqua un tournant idéologique et philosophique dans la démarche politique et religieuse du leader africain-américain.
Après un détour au Liban puis au Caire, El Hajj Malik Shabazz, comme il se fait appeler désormais, se rend à Lagos et Ibadan, des villes du Nigéria. « En réalité, la situation sur le terrain ne correspond guère à l’idéalisation promise par ses discours. En Afrique de l’Ouest, il découvre une terre désolée par les conséquences de batailles politiques fratricides », décrit Manning Marable dans le livre Malcolm X : une vie de réinvention. A l’Université d’Ibadan, Malcolm prononce un discours devant 500 personnes, à l’invitation de l’Union nationale des étudiants nigérians. Il se voit remettre par la Société des étudiants musulmans du Nigéria une carte de membre au nom de « Omowale ». En yoruba, cela signifie « le fils qui est revenu ».
Le 10 mai 1964, il atterrit à Accra, au Ghana, où il est très attendu par un groupe d’intellectuels noirs-américains. Premier pays africain à obtenir son indépendance en 1957, l’ex-Gold Coast est rapidement devenu la patrie du panafricanisme et offre le refuge à de nombreux militants et intellectuels de la cause noire. Parmi eux, Julian Mayfield, un écrivain partisan de l’autodéfense noire, exilé depuis qu’il a été accusé de tentative d’enlèvement par le FBI. Il y a aussi Ana Livia Cordero, Maya Angelou, Preston King, et Alice Windom. Mais il y a surtout Shirley Graham Du Bois, une des fondatrices du Sojourners for Truth and Justice, organisation féministe noire américaine et biographe de Frederick Douglas, Gamal Abdel Nasser et Kwame Nkrumah. L’épouse de W.E.B Du Bois, va jouer les intermédiaires pour permettre une rencontre entre Malcolm X et le président ghanéen Kwame Nkumah, le 15 mai. Ce jour-là, l’ancien prédicateur de la NOI s’exprime devant le Parlement.