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De la nécessité de célébrer la culture créole

Philippe Renaud ("Le Devoir")
De la nécessité de célébrer la culture créole

Malgré la pandémie, ç’aurait dû être une célébration. « Nos 15 ans d’existence ! » s’exclame au bout du fil Fabienne Colas, fondatrice du festival Haïti en folie, qui se déroule en formule hybride du 26 juillet au 1er août. « La grosse affaire, avec des artistes d’Haïti et de la diaspora, d’ici, des États-Unis et d’ailleurs ; on était partis sur une lancée ! Or, le jour même où on allait annoncer la programmation, on s’est réveillés avec cette nouvelle-là… » C’était le 7 juillet dernier, au petit matin, que le monde apprenait l’assassinat du président d’Haïti Jovenel Moïse, « l’apogée », dit la fondatrice, d’une crise sociale, économique et politique qui perdure depuis presque deux ans.

Secouée, l’organisation a mis le dévoilement de l’affiche de la 15e édition d’Haïti en folie entre parenthèses pendant plusieurs jours. Conséquemment, « on a dû revoir la programmation et retirer certains événements qui paraissaient moins propices, explique Fabienne Colas. On pensait par exemple proposer davantage d’événements payants, on a plutôt misé sur les événements gratuits. On a ajouté un spectacle de clôture », la captation d’un concert gospel de Sylvie Desgroseilliers et la Chorale du Conservatoire de musique moderne (CCMM) présenté il y a quelques années, rediffusé gratuitement le 1er août. Les prières seront adressées à la Perle des Antilles, meurtrie, encore.

Pour des raisons d’abord logistiques, l’organisation a également annulé le traditionnel défilé rara qui clôt d’ordinaire le festival, « mais c’est probablement une bonne chose. On n’a pas trop le cœur à défiler et à fêter ces jours-ci »… En revanche, l’affiche, 0multidisciplinaire, propose d’alléchantes conférences : une table ronde portant sur la gastronomie haïtienne et antillaise (le 28 juillet, à 17 h, en ligne et gratuit), une discussion littéraire avec la cheffe du Parti libéral Dominique Anglade autour de son autobiographie Ce Québec qui m’habite (29 juillet, 17 h) et une autre, avec Michaëlle Jean, à propos de son illustre oncle, le poète et romancier René Depestre, Prix Renaudot en 1988 pour son roman Hadriana dans tous mes rêves (30 juillet, 17 h).

Surtout, ce qu’on veut montrer, c’est qu’à côté de ce chaos, Haïti, ce n’est pas que tout ce qui fait les manchettes. Ce n’est pas que la corruption, les assassinats, la criminalité. Ce n’est pas ça et on ne veut pas que les gens pensent ça. En marge du chaos, il y a un peuple qui fait de belles choses. Des artistes qui créent. Il y a de la résilience, il y a de la beauté.

La journée du 27 juillet sera consacrée au cinéma haïtien, alors que le volet musical du festival a été assemblé le samedi 31 juillet au Lion d’Or, d’abord avec le lancement du mini-album Haïbécoise de l’autrice-compositrice-interprète montréalaise Rebecca Jean — qui propose une étonnante fusion entre la musique kompa et la musique traditionnelle québécoise ! —, suivi d’une performance de mizik racin et de rythmes vaudous avec la plus importante troupe rara de Montréal, Rara Soley.

Fabienne Colas tient aussi beaucoup aux deux expositions présentées en plein centre-ville, entre 21 h et 23 h, pour la durée du festival. Il s’agit de projections architecturales. La première sera présentée sur l’édifice Wilder, sous la direction artistique de l’artiste Maliciouz, avec la collaboration de Patrice Dauphin, et la seconde, présentée sur les murs de la Grande Bibliothèque, rendra hommage à la carrière littéraire de Dany Laferrière.

« The show must go on, lance Fabienne Colas. Surtout, ce qu’on veut montrer, c’est qu’à côté de ce chaos, Haïti, ce n’est pas que ce qui fait les manchettes. Ce n’est pas que la corruption, les assassinats, la criminalité. Ce n’est pas ça et on ne veut pas que les gens pensent ça. En marge du chaos, il y a un peuple qui fait de belles choses. Des artistes qui créent. Il y a de la résilience, il y a de la beauté. Et comme Dany Laferrière, président d’honneur de notre 15e édition du festival, l’a si bien résumé après le tremblement de terre : “Quand tout tombe en Haïti, la culture reste !” »

C’était justement la motivation derrière la création d’un événement de la sorte, qui s’adresse avant tout aux Montréalais curieux de découvrir la richesse de la culture créole, reconnaît l’entrepreneure, qui a quitté Haïti il y a 17 ans pour s’installer ici. « Quand j’ai créé ce festival il y a 15 ans, je venais d’arriver. Lorsque je regardais les bulletins de nouvelles d’ici, on parlait alors beaucoup des gangs de rue dans Montréal-Nord. À chaque bulletin, c’était toujours la même chanson… Et je me disais : Mais, ils nous définissent comme ça ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Mais ce n’est pas ça du tout, Haïti ! » raconte Fabienne Colas en rappelant l’apport des intellectuels originaires des Antilles, l’académicien Laferrière, l’ex-gouverneure générale, l’illustre Georges Anglade, cofondateur du Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal.

Il fallait changer la perception que les Québécois pouvaient se faire d’Haïti, « exposer, d’abord et avant tout aux gens qui ne connaissent pas ce pays, sa splendeur, sa richesse, sa musique, sa gastronomie, sa littérature, son art ». Un travail, reconnaît Fabienne Colas, qui semble devoir être recommencé à chaque mauvaise nouvelle émanant de l’île.

« Il semble qu’il y ait toujours quelque chose, un nouveau dérapage, un nouveau problème, le chaos qui revient, et chaque fois, on se demande comment réinventer le festival pour être le plus solidaire possible à l’endroit du peuple. »

Haïti en folie, du 26 juillet au 1er août

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