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DE L’URGENCE DE L’AMÉNAGEMENT LINGUISTIQUE EN HAÏTI

DE L’URGENCE DE L’AMÉNAGEMENT LINGUISTIQUE EN HAÏTI

Lettre ouverte au Dr Georges Michel
à propos de la version créole officielle de la Constitution haïtienne de 1987

Cher Georges,

Coauteur et coordonnateur du livre «L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions» paru aux Éditions du Cidihca, à Montréal, en février 2011 –livre qui sera disponible en Haïti aux Éditions de l’Université d’État d’Haïti début juin 2011--, je viens de lire avec intérêt, dans l’édition  en ligne du Nouvelliste daté du 29 avril 2011, un article de Roberson Alphonse titré «Georges Michel en croisade contre les amendements de la Constitution».

Je suis hautement interpellé, cher Georges, lorsque tu affirmes énergiquement qu’il existe bel et bien une version créole officielle de la Constitution de 1987. Tel que le consigne le journaliste Roberson Alphonse, tu prends publiquement le contre-pied des assertions de l’historien Claude Moïse en ces termes: «Au professeur Claude Moïse, écrivain, président de la Commission présidentielle sur la révision de la Constitution ayant récemment souligné qu'il n'y a pas eu de version créole de la loi mère votée en 1987, Georges Michel contre-attaque. ``Je réponds au professeur Claude Moïse qui est peut-être de bonne foi, qu'il a des trous de mémoire et qu'il n'était pas, contrairement à moi, membre de cette Assemblée constituante. Je me rappelle ce que j'avais fait. Je ne suis ni fou, ni sénile’’ a-t-il indiqué avant de confier avec persuasion qu'une version authentique de la Constitution en créole a été votée et signée».

Déjà au cours de l’entrevue que tu as accordée le 16 avril 2011 à la journaliste Nancy Roc pour son émission Metropolis, tu as tenu les mêmes propos vigoureusement affirmatifs quant à l’existence d’une version créole officielle de la Constitution de 1987.

AUJOURD’HUI, JE SUIS EN MESURE D’AFFIRMER QUE GEORGES MICHEL A RAISON ET QU’IL EST TOTALEMENT DU CÔTÉ DE LA VÉRITÉ HISTORIQUE.

Et je vais le prouver, cher Georges, en te fournissant, jointe à cette lettre, une copie électronique de l’édition du Journal officiel de la République d’Haïti, Le Moniteur (142ème Année, No. 36-A, Port-au-Prince, Haïti, mardi 28 avril 1987) de la «KONSTITISYON REPIBLIK AYITI 1987». Tu noteras pour l’Histoire, cher Georges, que cette publication du Journal officiel de la République d’Haïti, Le Moniteur, porte en majuscules la mention, en français, «NUMÉRO EXTRAORDINAIRE».

Tout comme l’historien Claude Moïse, nous nous sommes trompés nous aussi, mais de bonne foi. Car les très nombreux documents, disponibles sur support papier ou en ligne sur Internet, que nous avons longuement consultés durant l’été 2010 pour rédiger notre livre «L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions», nous ont conduits à conclure que la version officielle créole de la Constitution haïtienne de 1987 était manquante, ou encore «inexistante», ou qu’elle n’avait jamais été votée par l’Assemblée constituante.

Aujourd’hui, il est extrêmement difficile de trouver, en Haïti, une copie de la version créole officielle de la Constitution de 1987. Pire: il semble même qu’elle a pratiquement disparu de la circulation. Ces dernières semaines, après avoir en vain effectué des recherches auprès d’un certain nombre de personnes et d’institutions œuvrant en Haïti, j’ai élargi mon champ de recherches à des bases de données plus ‘pointues’ en  dehors d’Haïti. C’est ainsi que, de fil en aiguille, la Library of Congress –et de manière très précise la Law Library of Congress de Washington--, a pu me fournir très rapidement, et en une journée je tiens à le souligner,  une copie électronique de l’édition du Journal officiel de la République d’Haïti, Le Moniteur (142ème Année, No. 36-A, Port-au-Prince, Haïti, mardi 28 avril 1987) de la «KONSTITISYON REPIBLIK AYITI 1987». (Je précise que l’original de cette édition peut être consulté sur place, à la Law Library of Congress de Washington.)

Il semble donc que la version créole officielle de la Constitution du 28 avril 1987 ait été victime de l’amnésie collective depuis l’année de sa publication dans Le Moniteur jusqu’au 28 avril 2011, soit durant une période de 24 ans… Seule a prévalu, jusqu’ici, latraduction non officielle du français au créole des frères Paul et Yves Dejean publiée en 1989 et reprise par la suite en d’autres éditions. S’agit-il d’un déni poker menteur du texte original de 1987? S’agit-il d’une amnésie voulue, programmée et entretenue au motif d’une vision populiste étroitement «créoliste» et «fondamentaliste» de la question linguistique haïtienne?

Tu conviendras avec moi, cher Georges, que s’il avait adopté et mis en œuvre depuis 1987 une véritable politique d’aménagement linguistique en Haïti, l’État haïtien aurait contré une telle amnésie collective. Dans le contexte actuel, il apparaît encore plus clairement que l’État haïtien non seulement souffre mais est aussi victime d’une très dommageable carence législative en matière d’aménagement linguistique.

Alors, aux plans constitutionnel et linguistique, quel est le fond du débat aujourd’hui ?

Dans notre livre «L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions», nous avons en toute objectivité posé le diagnostic selon lequel l’État haïtien ne dispose pas encore du cadre juridique contraignant et de fondements constitutionnels explicites qui donneraient au créole sa place réellement officielle aux côtés du français et à parité statutaire reconnue avec le français, dans toute la société, dans toutes les institutions publiques –y compris au Parlement haïtien--, et dans la totalité du système éducatif depuis la maternelle jusqu’à l’enseignement supérieur.

Pour rendre justice à la vérité historique que tu défends avec cette rectitude qui t’honore et ton habituelle grande rigueur intellectuelle, mon cher Georges, je t’annonce qu’en juin 2011 l’édition haïtienne du livre «L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions» comprendra, en annexe, la version créole officielle de la Constitution du 28 avril 1987. En la publiant, nous entendons ainsi corroborer et enrichir la «Proposition pour l’élaboration de la première Loi sur l’aménagement linguistique en Haïti» que consigne notre ouvrage.

Je partage entièrement ta vision : IL N’EXISTE EN HAÏTI QU’UNE SEULE CONSTITUTION votée «article par article» en 1987 --comme tu l’affirmes avec clarté et fermeté--, dans les deux langues haïtiennes, le créole et le français. Dans le contexte actuel, il appartient aux historiens, aux jurilinguistes, aux chercheurs connus pour leurs travaux de haute rigueur –ainsi qu’aux membres du Parlement--, de se prononcer sur une lancinante question que personne ne peut plus occulter: les Lois, décrets-lois et autres textes votés par le Parlement haïtien uniquement en français --depuis 1987--, sont-ils illégaux et anticonstitutionnels?

Aujourd’hui, au pays haïtien où il faut d’urgence gérer l’urgence sous toutes ses coutures, il apparaît davantage que le règlement de la question linguistique doit être au centre de la refondation de la nation haïtienne. En l’espèce, toute démarche de refondation doit être légitimée par la Constitution de 1987 votée, «article par article», dans nos deux langues officielles.

Bien cordialement,
Robert Berrouët-Oriol

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