En 1948, j’avais déjà 6 ans, dans toute la Martinique on parlait de la période difficile sous l’Amiral ROBERT (Lan mizè an tan Robè). Ma grand’mère du Marin voyageait beaucoup en autobus pour retrouver ses enfants en direction de Fort-de-France ; puis souvent à pied de la capitale en passant par Case-Navire (actuellement Schoelcher) jusqu’à Case-Pilote où vivait un de ses fils.
C’est ma grand’mère qui racontait que le bruit courait sur l’apparition miraculeuse d’une vierge tenant un enfant dans ses bras dans une petite barque quelque part, dans un coin, sur la plage de Case-Navire. Des gens lui ont rendue visite et se sont mis à chanter des prières de bienvenue et de bénédiction…
Il se peut qu’elle ait été ensuite transportée sur la plage de la Française. Après, le pèlerinage avec les fidèles chrétiens avait commencé pour la faire circuler dans toute la Martinique. « La Miraculeuse » était dans une barque déposée sur un chariot, tout était peint en blanc. A l’époque elle devait passer sur la route coloniale reliant la ville au Lamentin et par le Morne Pitault vers le François, ensuite vers le Vauclin, partout...
J’ai été témoin de son passage entre le Vauclin et le Marin. C’était prévu à la Massel et les gens de tous les quartiers environnants (du Pérou, de Fonds Débasse, du Robin, du Morne Courbaril,…) accouraient vers la jonction à la Massel. J’ai alors suivi les aînés, les mamans, certains jeunes, disons la foule -souvent habillés tout de blanc, la tête recouverte d’un foulard ou d’un chapeau bakoua- qui ruaient au niveau du four à chaux de Jaham. J’ai vu les fidèles du Vauclin qui poussaient le chariot et qui chantaient : « Avé Maria… », « Notre Dame du Grand Retour, sauvez nous », etc… Des gens envoyaient des fleurs, des billets et des pièces de monnaie dans la barque et priaient pour obtenir des grâces ; ils se précipitaient aussi pour toucher la Maman et l’Enfant ou simplement la barque. Les Marinois ont pris le relais au niveau de la rivière pour conduire la Vierge vers le Marin. J’ai, avec la foule, suivi jusqu’à une bonne centaine de mètres et je suis remonté dans mon quartier, le Pérou.
Mon père n’était pas au pays et il a souhaité voir cette vierge dès son retour. Il l’a d’ailleurs vue dans l’église où elle a pris place à côté de l’autel…
Après avoir sillonné toute l’Île, elle disparut (comme par miracle), disait-on.
La famille Galette qui avait récupéré le trésor amassé prit l’avion, un Latécoère, avec les sacs remplis. Un seul fils n’avait pas été embarqué. L’avion disparut en mer et on n’arriva à pêcher qu’un morceau d’aile.
Quelque temps après on retrouva la barque avec Vierge et l’Enfant abandonnés dans un hangar.
L’église de la Josseaud à RIVIERE-PILOTE a été construite et c’est là que se trouve Notre Dame du Grand Retour.
C’est mon témoignage de l’époque de cet évènement.
Je raconte cette histoire suite à un film qu’Henri VIGANA fait tourner en ce moment au Trois-Ilets (actualité TV sur Martinique 1ère, le 23 août 2015).
Martinique, le 24 août 2015.
Léandre LITAMPHA