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DE PAPA JAH A PAPA DJAB…

DE PAPA JAH A PAPA DJAB…

Nous ne l’avions pas reconnu de prime abord.

Il s’était jeté sur notre voiture à un feu rouge, avait passé sa tête hirsute par la portière du passager et avait hurlé : «Ba mwen 2 éwo ! Ba mwen 2 éwo !» (Donnez-moi 2 euros !). Son odeur, véritablement méphitique, avait envahi l’habitacle, mais, tétanisés, nous n’avions pas bougé et ce damné feu rouge qui ne voulait pas passer au vert !

Fou furieux de notre immobilité, il se mit, la bave aux lèvres, à taper sur le rebord de la portière avec une sorte de rage qui glaça le sang de la passagère avant laquelle tenta de se protéger à l’aide de son sac à main. Au moment où le feu changea de couleur, l’apparition arracha le sac et s’enfuit dans une ruelle adjacente en claudiquant et en poussant des petits cris de singe.

Nous avons alors roulé en silence pendant un long moment.

«C’est l’un de nos {djonmpi}» finit par lâcher l’un des passagers arrière à la passagère qui n’était pas une «natif-natal».
«{Djonmpi} ?» s’interrogea-t-elle comme perdue dans ses pensées.
«Il semblerait que ce soit une déformation ou une transformation du mot zombie… Ce sont des jeunes tombés dans la drogue qui errent à travers les rues de nuit comme de jour. Ils sont de plus en plus nombreux, hélas…»

Soudain, l’autre passager arrière s’écria :
«Mais c’est le fils de madame Firmin… mais oui, la boutiquière de Redoute. Vous ne vous souvenez pas de ce gamin qui jonglait pendant des heures avec un ballon de foot ?»

Nous eûmes un choc.

Ce gamin était une sorte de Maradona en herbe. S’il n’était pas très bon à l’école, il avait été repéré par un grand club de Fort-de-France et avait même fait partie de la sélection Minimes de la Martinique qui avait remporté un tournoi à Saint-Vincent. Toute la presse avait vanté les exploits du fils de Mme Firmin et les deux buts qu’il avait marqué lors de la finale. Et puis, sans crier gare, un beau jour (ou un mauvais jour), le gamin avait abandonné l’école et s’était mis à traîner dans le quartier, ne se lavant presque plus et s’étant laissé pousser les cheveux en tresses jusqu’aux épaules. Il avait rejoint, sur le petit pont du quartier, cette bande d’adolescents désœuvrés qui se proclamaient rastas, se coiffaient et se vêtaient à la jamaïcaine en écoutant sans discontinuer les décibels d’un énorme transistor. Aux passants, ils réclamaient une sorte de dime qui pouvait être une simple cigarette ou de l’argent. Les vieilles femmes, sur le chemin de la messe, s’exécutaient sans brocher, apeurées qu’elles étaient. Tard dans la nuit, des bagarres éclataient entre eux. Éclats de voix. Hurlements. Bris de bouteilles fracassées sur l’asphalte. Le quartier vivait dans la terreur et la police («Babylone» dans le langage de ces jeunes) demeurait invisible. À peine de loin en loin pouvait-on apercevoir la fumée du pot d’échappement d’une voiture de la police municipale ou d’une Jeep de gendarmerie qui passaient sans s’arrêter alors même que la bande les insultait ou leur lançait des projectiles.

Ces mêmes forces de l’autre qui, dans le même temps, fêtent bruyamment leurs «prises extraordinaires» dans la presse écrite, à la radio et à la télé : «Prise record de cocaïne sur un voilier au large de la Martinique !» ou «50 kilos de cocaïne pure saisie à bord d’un catamaran stationné à la marina du Gosier». Sauf que pratiquement personne ne se drogue à la cocaïne en Martinique et en Guadeloupe, hormis un minuscule groupe d’expatriés et d’autochtones branchés. Ces prises sont donc bénéfiques pour la France et l’Europe qui constituent le marché principal de la cocaïne, mais n’ont strictement aucun intérêt pour la Martinique et la Guadeloupe où sévissent surtout «l’herbe» et le «crack». En général, les futurs «djonmpi» commencent par la première, cannabis, marijuana et autres, avant de se perdre dans la seconde. À la sortie des écoles, les revendeurs de ces saloperies agissent en toute impunité !

C’est à se demander si l’inertie des pouvoirs publics quant à la nécessaire répression de ces substances hallucinogènes et de leur divulgateurs ne relève pas d’un désir inconscient d’affaiblir les forces vives de nos pays, sa jeunesse en un mot. En effet, pour un jeune qui ne vit que pour et par l’herbe ou le crack, les idées de «nation», «souveraineté», «identité», « utte de classes» etc.… ne signifient absolument rien. Mais plus que le pouvoir français, il y a lieu de s’interroger sur le comportement de ces Martiniquais et Guadeloupéens qui prônent ouvertement l’usage de «l’herbe» au nom d’idéologies messianiques noiristes et qui dans le même temps prétendent défendre ce qu’ils appellent «le peuple noir».

Il est douteux que la libération dudit peuple provienne des «{djonmpi}»...

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