...comme Aimé Césaire définissait, non sans amertume, la Martinique.
Au moins avec la Droite, les choses sont claires et l'ont toujours été d'ailleurs : elle veut transformer les Martiniquais en bons Français tropicaux oublieux du sinistre passé de leur île et même en Européens convaincus (les fameux et apparemment inépuisables "fonds" distribués par Bruxelles y étant pour beaucoup). Avec la Gauche et d'abord les autonomistes, par contre, on est dans le brouillard total. Rien ne va plus ! Et cela, hélas, trois fois hélas, depuis plus d'un demi-siècle maintenant.
En témoigne cette déclaration récente, au site 97-LAND, de Serge LETCHIMY, député et président du PPM (Parti Progressiste Martiniquais), fondé en 1958 par l'auteur du Cahier d'un retour au pays natal (1958) :
"Pour l'instant, le récit national n'est pas exact car trop centré sur l'Hexagone., exclusif au lieu d'être inclusif."
On imagine la perplexité, la double perplexité, de TI SONSON à la lecture de cette déclaration. D'abord, il ne connait pas l'expression "récit national" et logiquement se rue sur le dictionnaire de français de son fils. Pour y découvrir la définition suivante :
"Expression qui désigne un récit fortement teinté de patriotisme tel qu'il a été élaboré par les historiens du XIXe siècle qui valorisaient la construction de la nation."
Il redouble de perplexité lorsqu'interrogeant son rejeton, brillant élève de classe Terminale, ce dernier lui apprend, d'une part, que les Nègres étaient esclaves à la Martinique pendant la moitié de ce 19è siècle et que même après l'abolition de l'esclavage, ils n'eurent le droit de porter l'uniforme français qu'au moment de la guerre 1914-18 c'est-à-dire au début du 20è siècle.
"Donc, papa, ces historiens du XIXe siècle ne parlaient pas de nous ! A aucun moment, ils ne nous ont inclus dans la construction de la Nation française. Letchimy a raison..."
Waïïe ! Voici TI SONSON bien emmerdé, lui qui assiste au défilé militaire du 14 juillet aux abords de la place de La Savane. Mais une deuxième perplexité vient lui péter la tête lui qui vote depuis quarante ans pour le parti du balisier : au cours des innombrables meetings électoraux du PPM auxquels il a pu assister au cours de sa longue vie, il a souvent, très souvent, entendu les chefs du parti prononcer l'expression "Nation martiniquaise", or aujourd'hui, LETCHIMY parle de toute évidence de la nation...française qui n'aurait pas encore "inclus" les Martiniquais dans son "récit national".
Wooooy ! Mi pété tet !
Il se voit alors à nouveau contraint de s'en remettre aux lumières de son fils :
"Kon sa yé a, an pep pé ni dé nasion alow ?"
Ne levant même pas la tête de son smartphone, son fils lui répond :
"Non, papa ! Un peuple ne peut avoir deux nations ou, plus exactement, appartenir à deux nations à la fois. Par contre, à deux états, oui ! Lorsque les pays africains sont devenus indépendants en 1960, beaucoup de peuples comme les Peulhs se sont retrouvés citoyens de deux, voire trois ou quatre états différents à cause des frontières artificielles tracées par les Européens."
TI SONSON se gratte à nouveau la tête. Il n'est pas très sûr d'avoir tout compris.
"Donc, si man ka konpwann bien, la Martinique ne peut pas en même temps être une nation et faire partie d'une autre nation ? Sa pa lojik !"
"Tu as tout compris, Papa. Là, Letchimy raconte carrément n'importe quoi !".