Tous les footballeurs professionnels, dieu merci !, n’ont pas la cervelle au ras des crampons. Au dernier Festival de Cannes, le beau film d’Emir Kusturica sur Maradona a mis en lumière l’étonnante personnalité du « pibe de oro », le « gamin en or » des faubourgs de Buenos-Aires. Celui qui, en Argentine préféra jouer pour un club populaire, Boca juniors, au lieu des clubs huppés qui lui faisaient miroiter des contrats mirobolants. Celui qui, une fois en Italie, a dédaigné les mêmes contrats que lui proposaient les clubs du Nord tels que la Juventus de Turin ou le Milan A.C., leur préférant Naples, cette pétaudière, cette ville pourrie du Sud où vivent les « terronni », les « cul-terreux » selon l’expression des Nordistes lesquels cherchent à couper l’Italie en deux. Au nord, en Padanie selon le nom de leur soi-disant futur état, les Européens, les civilisés ; au sud de Rome, les demi-arabes ou demi-nègres dont il faut se débarrasser comme d’un boulet. La retraite venue, Maradona a choisi Cuba comme deuxième point de chute après l’Argentine et Fidel Castro comme maître à penser. Sur son bras : un tatouage de Che Guevara !
Admirable Maradona !
Didier Drogba, l’Ivoirien, est fait de la même trempe. Expédié en France par sa famille à l’âge de 5 ans, il acquiert la double nationalité et aurait parfaitement pu jouer en équipe de France puisqu’il est considéré comme l’un des meilleurs joueurs du monde depuis qu’il évolue à Chelsea (Angleterre). Après tout, il a passé l’essentiel de sa vie en France et non dans son pays natal. Eh bien, non ! Drogba a préféré les « Eléphants », la sélection ivoirienne, aux « Bleus », l’hymne ivoirien à « La Marseillaise ». Dans une interview récente à « Libération », on apprend qu’il a proposé à son camarade de club Florent Malouda, le Guyanais de jouer dans la sélection ivoirienne. « C’est juste une question de papiers à remplir ! » dixit Drogba. Ce qui est vrai : on voit mal un pays africain refuser sa nationalité à un Antillo-Guyanais, surtout si cette personne peut lui être utile. Mais citons les propos exacts de Drogba (« Libération du mardi 20 mai 2008, p. 40) :
« Quand je dis à Florent Malouda, viens jouer pour la Côte d’Ivoire, ce ne sont que quelques papiers à remplir, bon, ça ne mérite pas non plus d’être pris au pied de la lettre. Mais vous ne m’entendrez jamais dire je suis ivoirien à 100% ou je suis français à 100%, parce que ça n’a aucun sens. »
On sent que l’international ivoirien ne veut pas charger son petit camarade, mais on comprend aisément que ce dernier lui a répondu niet au motif qu’il est « 100% français » !!! Au-delà du cas Malouda, il y a celui de tous ces joueurs antillo-guyanais__ou plus exactement d’origine antillo-guyanaise__qui jouent en équipe de France et qui tiennent, pour certains, le double discours du « Je suis nègre ! » et du « Je suis français ! ». Négritude et francité bas-dans-bras, quoi ! Ne sont-ils pas d’ailleurs ceux qui au début des matches s’époumonent à chanter « La Marseillaise » alors que leurs collègues gaulois ont souvent la bouche fermée ?
Jouer en équipe nationale quatre ou cinq fois par an ou en coupe du monde tous les quatre ans, ne rapporte rien financièrement à des joueurs qui, dans leur club, gagnent des salaires faramineux. C’est juste la cerise sur le gâteau ! Les professionnels jouent donc en équipe nationale pour le maillot, pour l’hymne national, pour le pays, pas pour le fric. Un Antillo-Guyanais qui évolue dans un grand club européen n’a pas financièrement besoin de porter la tunique bleue. La proposition qu’a donc faite Drogba a Malouda n’a rien d’absurde ni d’aberrant. L’Ivoirien a simplement voulu dire à son frère Guyanais, « Tu es un nègre, tu te dis nègre, eh bien je te propose de défendre les couleurs d’un pays nègre ! ».
Logique, non ?
Bon, si les équipes nationales africaines étaient nulles, si elles ne parvenaient jamais à se qualifier pour la phase finale de la Coupe du Monde, là on comprendrait la réaction de joueurs comme Malouda. Un grand joueur a besoin de grandes compétitions. C’est normal ! Il n’a pas envie de perdre son temps avec des pieds nickelés. Rien que de très normal. Mais tel n’est absolument pas le cas puisque depuis au moins vingt ans, le Cameroun, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et d’autres brillent au firmament du football mondial. Autrement dit, un joueur d’origine antillo-guyanaise qui demanderait la nationalité d’un pays africain ne serait perdant ni sur le plan financier ni sur le plan fooballistique. Et sur le plan symbolique, nul doute qu’il deviendrait une idole tant pour les supporters africains que pour les supporters antillo-guyanais.
Il serait donc gagnant sur tous les tableaux !
Mais, dira-t-on, vous voulez obliger nos joueurs antillo-guyanais faire désormais la queue dans les préfectures pour quémander des cartes de séjour ? Là non plus ce n’est pas un argument valable car la législation française admet la double nationalité : en prenant des papiers ivoiriens ou sénégalais, un Antillo-Guyanais n’en perdrait pas pour autant la nationalité française et continuerait à circuler sur tout le territoire français à sa guise.
Que faut-il donc déduire du fait qu’aucun de ces joueurs n’ait jamais franchi le pas tout en répétant le mot « nègre-nègre-nègre » à la moindre interview ? Qu’ils sont français avant d’êtres nègres. Point à la ligne. Que leur négritude passe après leur francité. C’est leur droit le plus absolu, mais nous leur demandons respectueusement une seule et unique petite chose : qu’ils cessent de parler en notre nom, nous les natif-natals, nous les nègres créoles. Nos peuples sont en lutte pour leur émancipation nationale, nos pays essaient péniblement de sortir « hors des jours étrangers », donc nous n’avons pas besoin que des Français noirs viennent renforcer dans nos têtes l’assimilationnisme que nous imposent déjà les Français blancs. Merci bien, messieurs !
Je garde le plus comique pour la fin : ceux qui fréquentent notre site ont dû certainement y lire le mois dernier un article qui évoquait la mésaventure de William Gallas, autre joueur de l’équipe de France d’origine guadeloupéenne, à Paris. Désireux de faire une fête, il se rend dans un magasin de luxe du XVIè arrondissement et demande à acheter quelques bouteilles d’un champagne haut de gamme. Le vendeur le regarde sous toutes les coutures et lui répond qu’il n’y en a plus. Gallas ressort du magasin, demande à son chauffeur (blanc de chez blanc) d’aller faire le même achat. Le type revient cinq minutes plus tard avec les bouteilles de champagne en question !!!
L’histoire ne dit pas si Gallas s’est mis à siffloter « La Marseillaise »…
{{Raphaël Confiant}}
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