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EUH... DESOLE : DERRIERE L’EURO 2016, DES TRAVAILLEUSES EXPLOITEES EN ASIE

par Estelle Pereira www.reporterre.net
EUH... DESOLE : DERRIERE L’EURO 2016, DES TRAVAILLEUSES EXPLOITEES EN ASIE

L’Euro 2016 de football commence ce soir et ce sera la fête pour les trois sponsors principaux de l’événement. Des équipementiers sportifs qui imposent des salaires de misères aux travailleurs de leurs fournisseurs asiatiques. C’est ce que révèle le collectif Éthique sur l’étiquette.

Avant le début de l’Euro 2016, dont le coup d’envoi est donné ce soir, les marques d’articles de sport se sont affairées et ont préparé assidûment leur stratégie marketing. Un tel rendez-vous sportif est une aubaine pour leur visibilité et les ventes de leurs produits. Et leurs dépenses de marketing occupent une part importante dans leur budget, au détriment des salaires des petites mains qui fabriquent en Asie leurs produits.

Car les trois sponsors officiels de l’Union des associations européenne de football (Uefa), Nike, Adidas et Puma, externalisent leur production dans des pays à très bas salaires. Pesant respectivement 23 %, 10 % et 7 % du marché mondial des articles de sport, ces multinationales ont pourtant largement les moyens de garantir un salaire décent à leurs ouvriers, selon le rapport Anti-jeu réalisé à l’initiative du collectif Éthique sur l’étiquette.

« Des dépenses compressibles et qui doivent être réduites » 

L’association œuvre pour la défense des droits humains au travail notamment dans les chaines de sous-traitance. Elle dénonce le modèle économique des équipementiers sportifs officiels de l’Euro 2016 qui serait fondé sur « la recherche de la performance à outrance au détriment des salaires ».« Notre objectif est d’obtenir des engagements de la part des entreprises pour qu’elles garantissent un salaire vital à leurs employés et non plus un salaire minimum », dit Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif.

Le rapport fonde son analyse sur les critères d’une coalition d’ONG asiatiques, l’Asian Floor Wage Alliance, qui évalue le « salaire vital ». Celui-ci est calculé selon trois éléments, le coût minimum d’un régime alimentaire en fonction du contexte régional et culturel, le coût minimum pour avoir accès à un logement décent, et les autres besoins essentiels au foyer (l’éducation des enfants, la santé, l’habillement, etc.). Ce salaire vital se situe à un niveau supérieur au salaire moyen des pays étudiés. L’enquête du collectif assure pourtant que si Nike, Adidas et Puma rémunéraient leurs employés au salaire vital, la dépense représenterait une somme inférieure au budget que ces firmes allouent au marketing et au sponsoring.

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L’affiche de la campagne du collectif Éthique sur l’étiquette.

« La rémunération des travailleurs reste considérée par les équipementiers comme des dépenses compressibles et qui doivent être réduites », estime le rapport. Car le modèle économique des équipementiers est fondé sur la création d’une forte image de marque par le biais de la publicité. Cette stratégie est efficace et leur permet de pratique des prix de vente élevés. Pour un maillot de l’équipe de football de l’Allemagne à 85 euros, 60 centimes sont, selon le rapport, accordés aux salaires des ouvriers avec une marge de 24,30 euros pour Adidas.

Les entreprises seraient sensibles aux mobilisations et au lobbying des populations 

Nike et Adidas n’ont pas répondu aux demandes d’entretien de Reporterre. Puma nous a répondu par un communiqué daté du 7 juin : la firme dit avoir effectué 384 audits et contrôlé 332 installations en 2015. En ce qui concerne ses usines au Vietnam et en Indonésie, l’équipementier vérifierait les salaires payés par ses fournisseurs dans le cadre d’audits réguliers. Selon Puma, « le salaire minimum au Vietnam et en Indonésie a connu une augmentation à deux chiffres au cours des dernières années — une conséquence directe du développement économique dans ces pays, découlant entre autres des activités d’approvisionnement des marques occidentales ». Puma dit par ailleurs respecter le « revenu minimum légal en vigueur ». Quant à Adidas, il affirme sur son site internet avoir un mode d’organisation responsable.

Nayla Ajaltouni juge que l’effort de transparence de certaines firmes est à mettre au crédit de la pression citoyenne. Les entreprises seraient sensibles aux mobilisations et au lobbying des populations. Dans cette optique, le collectif Éthique sur étiquette propose aux internautes de s’adresser directement à Nike, Adidas et Puma. « Elles ont le souci de leur image, ce qui crée un rapport de force en notre faveur. Si ces marques s’engagent dans des démarches éthiques, c’est parce que les consommateurs se posent de plus en plus de questions. Maintenant, on souhaite que leurs déclarations d’intention soient prouvées par des faits », confirme la coordinatrice du mouvement.

Dans le milieu du football, la concurrence acharnée entre les grandes marques les pousse à verser des sommes toujours plus importantes pour décrocher leurs contrats publicitaires. « Cette compétition génère une inflation sans précédent des contrats de sponsoring des clubs européens, dont les 10 principaux s’élèvent au total à plus de 406 millions d’euros en 2015, contre 262 millions d’euros deux ans auparavant », selon ce même rapport. Ce dernier cite les estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Asian Floor Wage Alliance selon lesquelles cette somme pourrait permettre le paiement d’un salaire vital à plus de 165.000 travailleur(se)s au Vietnam et 110.000 en Indonésie pour la même année.

« C’est à l’État d’œuvrer pour le bien commun » 

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Manifestation des travailleuses contre Adidas en Indonésie

Selon la Fédération européenne de football, les organisateurs de l’Euro 2016 « s’engagent à suivre et à améliorer constamment la pertinence, le caractère adéquat et l’efficacité du système de gestion durable de l’événement ». L’Uefa, soumise à un guide d’engagement en terme de responsabilité sociale, ne serait pas attentive aux pratiques de ses partenaires. « On a l’impression que ce ne sont que des déclarations, nous attendons de voir de quelle manière elles vont se traduire en faits », explique Nayla. L’instance sportive reste muette sur ses liens avec ses sponsors pour « des raisons de confidentialité ».

Face aux obstacles pratiques et juridiques, les ouvriers du Vietnam, du Cambodge ou d’Indonésie ont de grandes difficultés à faire valoir leurs droits auprès des multinationales. Des ONG telles que le collectif Éthique sur étiquette ou le CCFD-Terre solidaire se mobilisent en relayant les témoignages des syndicats et des associations sur place. En France, le projet de loi relatif au devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre permettrait d’instaurer une responsabilité civile des entreprises dont le siège social est en France. La loi les obligerait à établir un plan de vigilance en prévention des violations des droits humains et des dommages sur l’environnement.. Son adoption ferait de l’Hexagone un moteur européen dans l’instigation d’un mouvement et la fin de l’impunité des entreprises donneuses d’ordres [voire ci-dessous]« LesONG sont là pour rappeler à l’État que c’est à lui d’œuvrer pour le bien commun et que les entreprises, dans une leur optique permanente du profit, ne sont pas en mesure de s’autoréguler »,affirme Carole Peychaud, coordinatrice du Forum citoyen pour la responsabilité sociale des entreprises.


LE PROJET DE LOI SUR LA VIGILANCE DES MULTINATIONALES À L’ARRÊT

La loi sur la vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre a été adoptée le 23 mars 2016 à l’Assemblée nationale. La deuxième lecture du texte doit maintenant se faire au Sénat qui l’avait rejeté en première lecture le 18 novembre 2015. Le texte vise à responsabiliser les entreprises françaises en les obligeant à prendre en compte l’impact social et environnemental de leurs activités.

Carole Peychaud, coordinatrice du Forum citoyen pour la responsabilité sociale des entreprises (RSE), rappelle que 20 % des 500 plus grandes entreprises européennes sont françaises. « Les multinationales ne sont pas captées par le droit. Les filiales des entreprises françaises peuvent commettre des infractions dans une impunité totale. Aucun mécanisme ne permet de responsabiliser les sociétés-mères », dit-elle. La loi permettrait d’attaquer une entreprise si elle ne met pas en œuvre un plan de vigilance qui « consiste à l’établissement d’un programme évaluant les risques de son implantation pour l’environnement, la santé et les droits de l’homme. Si une entreprise ne fait pas ce plan, elle pourrait être attaquée en justice ». Tout établissement dont le siège est à l’étranger, qui emploie au moins 10.000 personnes, est concerné par cette loi du fait de son implantation en France. Le principe novateur du texte est de permettre un contrôle de l’entreprise dans le contexte actuel de globalisation.

Le CCFD-Terre Solidaire, coordinateur du forum citoyen pour la RSE, cherche à convaincre les élus français. Grâce au « plaidoyer local », des modèles de lettre sont distribués pour que les citoyens interpellent les élus locaux. « C’est une véritable course contre la montre, nous avons l’espoir de mettre à l’ordre du jour le texte au Sénat, le problème est que la majorité Les Républicains est hostile à ce texte. La présidentielle approche et ce ne sera clairement plus une priorité. Nous sommes dans une situation où nous travaillons avec les députés et le gouvernement pour faire avancer la procédure dont l’aboutissement est l’une des promesse de campagne de François Hollande », explique Carole Peychaud.


Lire aussi : La loi sur la responsabilité internationale des entreprises est adoptée


Source : Estelle Pereira pour Reporterre

Photos :
. chapô : Travailleurs cambodgiens d’une usine sous-traitante d’Adidas (© Will Baxter/collectif Éthique sur l’étiquette)
. manifestation de travailleurs d’un sous-traitant indonésien d’Adidas licenciés pour avoir formé un syndicat (2015) (© GSBI)
. action à Paris devant Bercy 24 avril 2014 pour demander l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance : © CCFD-Terre solidaire

 

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