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MAURICE :

«FACE À UN BLOCAGE INSTITUTIONNEL NOUS NE POURRONS PAS INTRODUIRE LE ‘KREOL’ EN 2010»

 «FACE À UN BLOCAGE INSTITUTIONNEL NOUS NE POURRONS PAS INTRODUIRE LE ‘KREOL’ EN 2010»

{{ {Alors que le Bureau de l’Éducation Catholique (BEC) se préparait à introduire le kreol, sur une base pilote, dans une dizaine de ses écoles primaires, il se voit contraint de revoir ses projets. L’État, via le ministère de l’Éducation, est resté muet aux demandes du BEC, notamment pour la formation des aspirants enseignants en Kreol Studies, et la mise à la disposition du BEC du Curriculum, en vue de préparer les cours pour la rentrée. Face à cette situation, le BEC ne compte pas annuler son projet, mais misera sur la formation d’enseignants et de responsables d’écoles. Une triste histoire, alors même que le Festival International Kreol bat son plein. Le point avec Jimmy Harmon.} }}

{{Où en est le projet «Kreol Morisien 2010»?}}

Nous avons fait du chemin depuis que nous avons annoncé nos intentions pour le primaire en 2006. La dernière de nos actions en date est la vaste enquête effectuée. Cela a nécessité un an de préparation et aujourd’hui, nous disposons de données sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour aller de l’avant.

{{Il y a aussi toute la campagne d’information entamée et qui se poursuit. Par ailleurs, il y a toute la série de correspondances avec le ministère de l’Éducation.}}

Justement, où en sont vos relations avec le ministère de l’Éducation?
Pour 2010, nous pensions que nous serions en mesure d’introduire le kreol dans nos écoles, mais finalement, nous devrons poursuivre avec la formation de nos enseignants, Deputy Head Teachers (DHT) et Head Teachers (HT). Ceci parce que, d’une part, l’enquête sociolinguistique conduite par le professeur Tupin a montré que 59,1% des enseignants et 77,2 % des HT/DHT demandent une formation au préalable. Et d’autre part, parce qu’à ce jour, l’État n’a pas répondu à nos requêtes.

{{C’est-à-dire?}}

À l’époque où Dharam Gokhool était ministre de l’Éducation, il avait parlé de la mise en place d’un comité technique visant à étudier les modalités de l’introduction du kreol dans les écoles. Nous avions alors eu une rencontre en ce sens en février 2008, mais ce comité n’a jamais siégé.

Quand, quelque temps après, le ministère de l’Éducation est passé aux mains de Vasant Bunwaree, nous avons relancé le dossier. Et autour du 15 septembre 2008, nous l’avons rencontré pour en discuter. Le ministre voulait mieux comprendre ledit dossier et il nous a semblé bien intéressé. Mais depuis, rien à l’horizon.

Vers cette même période, nous avons écrit au Mauritius Institute of Education (MIE) pour demander à ce que les Trainee Teachers qui travailleront dans les écoles RCEA puissent être formés en Kreol Studies. Il faut savoir que l’université de Maurice dispose d’un Stand Alone Module. Jusqu’à l’heure, pas de réponse ni d’action.

Nous avions aussi fait une demande pour pouvoir préparer le matériel de travail, le curriculum, les textes, les manuels… Et là, c’est au National Curriculum de s’en charger. Nous ne pouvons pas introduire des textes privés dans les écoles primaires parce que les manuels qui sont prescrits sont ceux du ministère, du National Curriculum.

Nous nous retrouvons donc aujourd’hui face à un blocage institutionnel qui fait que, en 2010, nous ne pourrons pas introduire le kreol. Seul le gouvernement est habilité à débloquer la situation.
Comment réagissez-vous face à ce silence radio?
Nous considérons que nous avons fait notre part et nous attendons aujourd’hui la réaction de l’État.

La formation pédagogique des enseignants revient au MIE. Nous n’allons pas nous substituer à cette instance, même si nous pouvons offrir une formation complémentaire.

Quant aux modalités de l’introduction du kreol, c’est au ministère de statuer. Nous préférons donc poursuivre nos sessions de sensibilisation et de formation. Nous sommes ainsi passés à une autre étape, une formation plus technique depuis le 25 novembre, le tout assuré par des universitaires volontaires (Arnaud Carpooran et Yannick Bosquet).

Ainsi, en dépit de la situation, les élèves auront toujours quelque chose à gagner. Ils auront des enseignants un peu plus sensibilisés à cette question du kreol.

Cependant, nous aurions avancé, fait un plus grand pas, s’il y avait, de la part du gouvernement, la volonté, un désir de travailler sur ce dossier. Tout porte malheureusement à croire que cela n’a pas été le souci du ministère de l’Éducation.

{{Mais n’avez-vous pas tenté de relancer le ministère depuis septembre 2008?}}

Depuis 2004-2005 nous correspondons avec le ministère sur ce sujet. À chaque fois, nous avons essayé de relancer les choses. Nous avons ainsi envoyé une dizaine de lettres. Nous avons aussi contacté les conseillers du ministre et essayé d’agir via les questions parlementaires.

Que ce soit le ministre Gokhool ou Bunwaree, ils ont fait des déclarations, mais il n’y a pas eu de suite concrète.

L’ennui, c’est que par moments, on reproche à l’éducation catholique d’être hors du système. Ce n’est pas ce que nous souhaitons. Nous sommes contents d’avoir beaucoup apporté en matière d’utilisation du kreol dans l’apprentissage, notamment sur le plan pédagogique. Ainsi, ces quatre dernières années, nous avons pu mettre cette question à l’agenda national et ça, c’est une évolution très positive en la matière.

Depuis 1945, voire avant, tous les rapports disent qu’il faut tenir compte de la question de la langue maternelle. Nous avons pris notre temps et nous considérons que, ces quatre dernières années, nous avons mis en pratique les recommandations de ce rapport, mais nous ne pouvons pas aller plus en avant.

C’est donc maintenant au gouvernement de prendre ses responsabilités qui se traduiraient par: réunir tous les partenaires de l’Éducation et considérer cette question.

{{Mais pourquoi ne pouvez-vous pas continuer la route sans l’État?}}

Nous fonctionnons dans l’Éducation nationale. Nous ne sommes pas un secteur privé pur et dur. Il y a les réglementations du ministère. Donc, l’introduction du kreol relève de la politique du ministère. Nous ne pouvons pas non plus introduire des manuels autres que ceux prescrits par le ministère.

D’autre part, nous ne voulons pas que la mise en place du kreol se fasse sur une base volontaire, par des bénévoles après les heures de classe. Il faut que la langue ait sa place dans le cursus scolaire, et évidemment, avec la liberté de choix des parents. On a notre liberté, bien sûr.

Nous pouvons écrire des projets. Mais cette question du kreol est bien plus qu’un simple projet. C’est un sujet d’intérêt national et il faut que l’État s’engage. Les enfants des écoles catholiques sont des enfants mauriciens et il est de la responsabilité de l’État d’écouter, de prendre en considération ce que son partenaire est en train de lui dire – nous sommes un partenaire responsable – et, comme nous sommes en train de faire les choses de manière scientifique, etc., c’est au ministre de donner son appui, de mettre les ressources de l’Éducation nationale à la disposition des enfants.

L’Éducation catholique se porte volontaire pour que cela se fasse dans ses écoles et il faut que l’État prenne ses responsabilités. Nous ne pouvons pas assumer tous les aspects que cela implique.

{{Y a-t-il eu une évolution dans la perception du «kreol» depuis que votre croisade a commencé?}}

Tout à fait. Depuis 2006 il y a eu une nette évolution. À la radio, par exemple, on sent qu’il y a une opinion favorable. Certes, il y a encore de la résistance, mais de moins en moins.

La place du kreol dans l’école: je ne dirai pas que ça fait l’unanimité, mais il y a aujourd’hui un consensus. On se dit: «Oui, c’est une question qu’il faut considérer.»

Mais comment le faire entrer, sous quelle forme, c’est une question sur laquelle il y a des divergences. Or, avant 2006, c’était un sujet qu’il ne fallait surtout pas aborder.

Même le ministère, dans son dernier rapport, parle du bilinguisme, affirme que dans l’apprentissage des autres langues, il faut prendre en considération la langue maternelle. Mais tout cela reste au niveau des discours, des dossiers et il n’y a pas d’actions concrètes.

D’autre part, si notre intérêt premier est la dimension pédagogique, il y a maintenant un autre aspect tout aussi important: la réparation, la justice à la langue kreol. Langue d’héritage, de patrimoine national, au même titre que le bhojpuri, par exemple.

Il y a actuellement la Truth & Justice Commission et on parle beaucoup de valorisation de la langue ancestrale – heritage language. Raison de plus, alors que la langue kreol a longtemps subi des préjugés, qu’elle soit désormais valorisée. Et que le ministre de l’Éducation, qui est aussi celui de la Culture, la fasse entrer à l’école.

{{Face à la situation dans laquelle vous vous trouvez, comment réagissez-vous quand le ministre Bunwaree déclare que le «kreol» sera introduit dans les écoles l’an prochain?}}

C’est une contradiction énorme. La déclaration elle-même nous fait douter. D’ailleurs, c’est techniquement impossible. Est-ce le temps d’un festival, une déclaration ponctuelle? Quand nous voyons notre situation, le silence pesant du ministère, on doute très fort que ce dernier souhaite réellement faire entrer le kreol à l’école.

Pour que les choses se concrétisent, il faudrait que le ministère mette en place ce comité. L’année prochaine aurait pu être l’occasion pour lui de travailler.

{{Mais arrivez-vous à comprendre le silence du ministère?}}

Je préfère ne pas commenter ce silence et rester, en tant qu’éducateur, sur le plan pédagogique. Je crois que les choses évolueront d’elles-mêmes. D’ailleurs, il y a un petit changement au niveau du discours. Il y a une sincérité au niveau du Premier ministre lui-même qui a dit comprendre la situation.

Mais le problème reste qu’il n’y a rien de concret qui est fait. À lui donc maintenant d’exiger de la part de son ministre que ce dossier soit pris en main et de faire en sorte qu’ à la fin de son mandat, le kreol soit déjà à l’école.

{{Si l’année prochaine, ils lancent un curriculum panel et la formation des enseignants, dès 2011, le kreol pourra être à l’école en tant que langue.
Et si le ministère persiste à rester muet?}}

L’année prochaine, nous allons convoquer une rencontre avec tous les parlementaires pour exposer le bien-fondé du kreol comme langue. Ce sera dans le cadre de la Journée de la langue maternelle, au mois de février.

{{Est-ce que la «Truth and Justice Commission» peut contribuer positivement à votre quête?}}

Oui, et on attend beaucoup de cette Commission. D’ailleurs, quand j’ai déposé à titre personnel, l’utilisation du kreol à l’école a été une de mes propositions. D’autres personnes sont aussi allées dans le même sens.

Les retombées de cette commission auront du poids. Mais déjà, il y a eu récemment le hearing organisé par Ledikasyon Pou Travayer (LPT).

Ou encore la prise de position de l’Ombudsperson for Children, Shirin Aumeeruddy-Cziffra. Il y a donc pas mal d’institutions qui vont dans ce sens.

{{Donc, malgré l’impasse dans laquelle vous vous trouvez, la lutte continue.}}

Tout-à-fait. Nous prévoyons plusieurs choses pour 2010.

{{ {Propos recueillis par Martine Théodore-Lajoie} }}

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