C’est historique. Depuis le vendredi 10 juillet, le fonkezer et universitaire Francky Lauret est le tout premier agrégé en langues de France option créole. Pour décrocher ce concours exigeant, ouvert pour la première fois cette année, le Réunionnais a dû faire face à une sévère concurrence venue de tout l’outre-mer. Une pression qu’il a su sublimer grâce à « un sentiment de devoir» pour représenter au mieux son île. « Je ressentais comme une obligation d’y aller, avance ce dernier. Pour faire une comparaison, c’est comme lorsque Dimitri Payet entre sur le terrain. Je sentais que je jouais pour toute La Réunion. »
Déjà titulaire d’un Capes en créole en 2009, puis auteur d’une thèse sur l’humour en créole réunionnais en 2017, l’agrégation obtenue par Francky Lauret vient parfaire son parcours d’universitaire sur la question linguistique. Une manière aussi pour lui de démontrer que désormais les enjeux autour du créole se sont déplacés. Ils ne se limitent plus au champ identitaire mais sont définitivement passés dans celui de la science et de l’éducation. « Le terme de militant, je le récuse. La créolistique est une discipline universitaire à part entière étudiée dans le monde entier et cette agrégation est une caution que l’Etat apporte pour la reconnaissance de ces langues. »
Le créole reconnu par l’Etat
En parallèle à cette agrégation symbolique, c’est un nouveau chapitre qui semble s’ouvrir dans l’histoire de l’enseignement du créole sur l’île. Avec la réforme du lycée, un enseignement de spécialité autour de cette langue régionale est accessible pour les élèves. Un enseignement qui leur permet de creuser et d’approfondir leur connaissance à un niveau inédit. Mais, outre trouver un lycée sur le territoire qui propose cette spécialité, un autre frein existe. Celui d’augmenter le nombre d’élèves qui pratiquent cette langue au sein dans les établissements scolaires de l’académie. « Le problème n’est plus tant à l’école désormais, résume Francky Lauret. Mais au sein de la société réunionnaise. Le temps de la stigmatisation est passé et désormais l’Etat n’est plus dans une perspective de rouleau compresseur linguistique. Au contraire, ces langues régionales sont reconnues. »
Si tous les éléments sont désormais en place pour que l’enseignement du créole se développe sur l’île, il reste que seul 1 % des élèves connaissent un enseignement dans ce domaine localement. Pourtant les bienfaits d’un « bilinguisme épanoui», selon le poète, sont désormais établis de manière unanime. Cela permettrait notamment aux jeunes réunionnais créolophones de se sentir plus confiants et mieux intégrés dans le système scolaire. Dans les années à venir, la présence d’autres agrégés ne peut que renforcer cet essor du créole à l’école. Un essor pour lequel Francky Lauret va continuer à œuvrer inlassablement.