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Génocide par substitution ? Ainsi s’adressait Delépine aux « faux-monnayeurs du césairisme »

Yves-Léopold MONTHIEUX
Génocide par substitution ? Ainsi s’adressait Delépine aux « faux-monnayeurs du césairisme »

Dans ma précédente chronique "Edouard Delépine : une intelligence et un caractère", j’indiquais que par son expression "génocide par substitution", Césaire ne faisait pas référence à la Martinique. Certains lecteurs ont voulu en savoir davantage.

Aimé Césaire a utilisé cette expression le 13 novembre 1975 à l’assemblée nationale (Ecrits tome I) pour s’opposer au projet mort-né de faciliter la migration des Français en Guyane. Plus largement, Césaire s’en était pris à la politique globale du gouvernement en outre-mer et fait en quelque sorte un costume au secrétaire d’Etat en donnant sa définition du "stirnisme". Le 3ème point de son discours a fait référence uniquement à la Guyane.

En voici l’extrait :

« ….

Aimé Césaire - … « La Guyane, c’est donc la grande pensée, sinon la grande ambition de votre règne. Vous éventrez la forêt, vous abattez les arbres - j’espère que vous songerez à en replanter - vous industrialisez le pays et, dans un premier temps, vous installez trente mille personnes qu’il faut bien appeler par leur nom trente mille « colons », qui reçoivent, pour s’installer, toutes les facilités que vous avez constamment refusées, depuis vingt ans, aux Guyanais indigènes et à leurs cousins antillais.

M. Alain Vivien. Très bien

M. Aimé Césaire. ..."Mais passons.. et disons simplement ceci : c’est bien de penser aux nouveaux arrivants ; c’est bien de leur promettre merveilles ; c’est bien de faire luire à l’horizon d’un univers de gêne, de chômage, parfois de désespoir, le mythe de je ne sais quel Eldorado. Mais dans tout cela, monsieur le secrétaire d’Etat, avez-vous réfléchi qu’il existe un peuple guyanais et que ce peuple, s’il existe, a, comme tout peuple, une capacité d’accueil limitée et que, là aussi, joue un seuil de tolérance ?

Alors, je vous pose la question croyez-vous que les cinquante mille Guyanais existants soient en mesure d’accueillir trente mille ou quarante mille immigrants venus d’Europe ?

Je ne veux faire le procès de personne, ni gonfler la voix mais - et je vous demande pardon si je vous fais de la peine - le génocide n’est pas forcément violence et éradication. Des peuples entiers ont finalement été évacués de l’histoire parce qu’ils ont été d’abord recouverts, laminés, absorbés. En tout cas l’histoire nous a rendus méfiants : nous redoutons le génocide par substitution, même s’il s’agit d’un génocide par persuasion. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et radicaux de gauche.) "  

Ce discours lu à l’Assemblée nationale peut être considéré comme l’une des grandes interventions de Césaire en ce lieu. Il ne s’était pas écarté de son texte qui figure dans Ecrits politiques…(tome I). En 1975, le BUMIDOM était déjà vieux de 13 ans et fait l’objet de contestations dès sa mise en œuvre. On ne peut en conséquence imaginer un oubli de sa part au moment de l’écriture du texte ou de sa lecture. C’était l’occasion de faire connaître sa position à l’égard du BUMIDOM, qui n’était pas connue. Il ne l’a pas fait.

A ce sujet, je vous livre ci-dessous le contenu de l’échange d’Edouard Delépine, légèrement courroucé, avec l’un de ses camarades du PPM :

« Ce n’est pas simple du tout. Mais ce n’est surtout pas sérieux de répondre comme tu le fais à une demande précise par une affirmation gratuite : "Voir Césaire Aimé génocide par substitution".

Politiques publiques vaut mieux que cela. C’est un des rares espaces ouverts à un débat de fond sur une question de fond. Qu’est-ce que cela signifie "Voir Césaire Aimé génocide par substitution" ?

Je te crois sur parole parce que tu affirmes que Césaire l’a dit ?

Dans le temps je ne permettais pas ce genre de réponse à des potaches de sixième. C’était il y a plus de cinquante ans, c’est vrai. Les choses ont bien changé depuis. Les choses, oui. Pas les textes.

Je t’envoie un extrait du seul discours, à ma connaissance, (mais il y en peut-être d’autres que tu connais, toi) que Césaire ait prononcé sur le génocide par substitution (NDLA, voir plus haut). Je ne te l’envoie pas à toi. Tu n’en as manifestement rien à foutre des textes de Césaire. Je l’envoie aux militants PPM, qui se laissent parfois abuser par les faux-monnayeurs du césairisme du lendemain, et à quelques autres par la même occasion auxquels je répète ma demande : s’ils connaissent un autre texte de Césaire sur le génocide par substitution à la Martinique qu’ils aient la gentillesse de m’indiquer leur source. Moi, je donne les miennes. JORF 13 novembre 1975. Le Progressiste 19 novembre et 3 décembre 1975. Je peux d’ailleurs t’envoyer le texte intégral si tu me donnes ton mail ».

 

Edwa Delépyn

 

Les mots "génocide" ou "substitution" (jamais la locution, semble-t-il) ont pu être utilisés ou paraphrasés dans d’autres circonstances (entretien médiatique, campagne électorale, etc…). Reste qu’à l’Assemblée nationale, Césaire n’a utilisé qu’une seule fois les deux expressions " génocide par substitution" (qui a été retenue) et " génocide par persuasion".

Fort-de-France, le 21 août 2020

Yves-Léopold Monthieux

Commentaires

Michel P. | 22/08/2020 - 23:53 :
Parti d’Afrique, l’homme a colonisé la planète. Dès lors, partout se sont constitués des groupes qui s’estiment occupants légitimes des territoires où les aléas de l’Histoire les ont conduits. Peu importe les groupes, les territoires et les raisons invoquées pour légitimer l’occupation : l’idée est universelle. Dans ce contexte, les nouveaux venus ne sont acceptés qu’à la condition d’être contrôlables, c’est à dire ni nombreux (en-dessous du fameux «seuil de tolérance») ni en position dominante (à défaut d’être soumis). Dans le cas contraire, il y a problème. Aimé Césaire en donne une illustration pour la Guyane. Après avoir repoussé les amérindiens à l’intérieur des terres, la France a peuplé le pays, pour l’essentiel, d’européens, d’africains et d’antillais. Ces gens ont fini par s’estimer occupants légitimes. En 1975, à la perspective de faire venir 30.000 européens alors que la Guyane ne comptait que 55.000 habitants, Aimé Césaire invoque le seuil de tolérance. Il souligne aussi la position dominante qu’aurait cette population. En revanche, pour l’implantation de quelques hmongs en détresse, Aimé Césaire ne soulève pas d’objection. Aujourd’hui, la Guyane est passée de 55.000 à quelque 310.000 habitants. Les statistiques «ethniques» étant floues, on ne peut parler qu’en ordres de grandeur. Il semblerait que les métropolitains soient moins de 40.000. Les étrangers (c.à.d. de nationalité non française) seraient 35%, environ 110.000. Restent 160.000 personnes : amérindiens, bonis, étrangers naturalisés et ceux qu’on appelle les «créoles», ces derniers ne représentant que 40% de la population totale.

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