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Gisèle Pineau : « Je suis totalement guadeloupéenne. »

Marie-Noëlle RECOQUE DESFONTAINES
Gisèle Pineau : « Je suis totalement guadeloupéenne. »

J’ai publié cet article intitulé « Un écrivain prometteur », en 1992. Accompagné d’un entretien, il est, sauf erreur, le premier consacré, en Guadeloupe,  à Gisèle PINEAU.

En 1987, le Centre d’Action Culturel de la Guadeloupe a l’excellente idée d’organiser un concours baptisé « Ecritures d’Iles ». Son but est de donner une chance d’être publiés à des auteurs inconnus condamnés jusqu’alors à écrire dans l’ombre. Parmi les 171 nouvelles reçues, douze retiennent l’attention du jury mais le Grand Prix est attribué à « Paroles de terre en larmes » de Gisèle Pineau. Cette dernière depuis ne semblait pas devoir confirmer ses talents révélés fortuitement. Mais il suffisait d’attendre pour avoir le plaisir de la lire à nouveau. En effet en mars dernier (1992), Gisèle Pineau publie, aux éditions Sépia, dirigées par un jeune éditeur français Patrick Mérand, un roman joliment intitulé « Un papillon dans la cité ».

/…/  Gisèle Pineau a le mérite de proposer un roman s’adressant en premier lieu aux  jeunes lecteurs notamment antillais. Le fait est encore assez rare pour être signalé. Cet ouvrage empreint de tendresse, de fraîcheur et d’humour sera lu avec profit par les élèves des classes de cours moyen. Les plus grands s’y plongeront également avec bonheur d’autant plus que l’auteur propose une histoire de leur époque, ce qui relève  également d’une démarche encore relativement inédite.

Les thèmes pour ainsi dire jamais traités auparavant sont d’actualité : l’éclatement des familles antillaises, l’exil, le déracinement, la vie dans les cités des banlieues françaises…

Si le roman met en évidence les mérites de l’éducation traditionnelle et des valeurs morales propres à la culture guadeloupéenne, il n’est pas pour autant tourné vers un passé magnifié. Gisèle Pineau s’adresse aux jeunes et leur parle de ce qu’ils vivent ou de ce que d’autres enfants vivent à l’heure actuelle. On peut peut-être lui reprocher de gommer la somme des difficultés rencontrées mais son choix d’un happy end conforme au dénouement de rigueur dans la littérature enfantine - (Maryse Condé dans « Haïti chérie » bouscule les lois du genre en faisant disparaître tragiquement son héroïne) – témoigne sans doute de sa volonté de ne pas terminer sur une note négative. Les Guadeloupéens peuvent trouver en eux les éléments susceptibles de résister aux mirages de la société occidentale. Gisèle Pineau en est convaincue  et elle aimerait persuader les jeunes et peut-être aussi leurs parents que rien n’est plus important que de toujours rester soi-même.

Marie-Noëlle Recoque

                     Entretien avec Gisèle Pineau

Gisèle Pineau : Je suis une jeune Guadeloupéenne née à Paris par un accident de la vie. J’ai vécu là une partie de mon enfance, en France, où mes parents travaillaient. J’ai découvert la Guadeloupe en 1960 mais nous nous y sommes installés définitivement alors que j’avais quatorze ans. Plus tard j’ai fait des études littéraires. Aujourd’hui, je vis en Guadeloupe, je m’occupe de mes enfants et j’écris.

 

Marie-Noëlle Recoque : Vous êtes guadeloupéenne, vous avez passé une partie de votre vie en France. Quelles sont vos références culturelles ?

 

G.P. : Je suis née en France, on me l’a beaucoup reproché. Je suis pourtant totalement guadeloupéenne. Il faut dire aussi que j’ai eu la chance que ma grand-mère paternelle vive quelques années avec nous là-bas, Man Ya. Ce n’est pas d’elle qu’il s’agit dans « Un papillon dans la cité » mais j’ai voulu lui rendre hommage en reprenant son nom.

 

M-N.R. : Dans votre nouvelle « Paroles de terre en larmes », parue en 1987, le lecteur devine en filigrane l’expression d’un déchirement provoqué par un sentiment de double appartenance. Pendant la dernière guerre, la narratrice est exclusivement attachée à la Guadeloupe alors que son conjoint Maxime, fidèle à la France décide d’aller rejoindre de Gaulle. Avez-vous personnellement connu ce déchirement ?

 

G.P. : Pas vraiment parce qu’à l’époque où je vivais en France, c’était encore vivable. Il ne s’agissait pas à proprement parler d’exil mais plutôt de privilège, d’une chance de promotion. Si j’ai parlé de de Gaulle, c’est en pensant à mon père qui avait rejoint la dissidence. Mon père est pour moi un héros à cause de ce geste de bravoure.

 

M-N.R. : En 1992, dans « Un papillon dans la cité », vous mettez en scène des enfants d’immigrés vivant dans une cité de banlieue. Comment voyez-vous l’avenir de ces jeunes ?

 

G.P. : Je compare ces jeunes à des funambules sur un fil. Ils marchent sur le fil de la vie mais au départ et à l’arrivée, le fil est coupé. Ils n’ont pas de racines et pas de projets d’avenir. Les centres commerciaux sont leur pôle d’attraction et la télé leur seul centre d’intérêt. Ils sont aussi attirés par les bandes. Dans le roman c’est d’ailleurs le cas de Mohamed, l’ami de l’héroïne.

 

M-N. : Les parents n’essaient-ils pas d’aider leurs enfants en leur donnant quelques repères ?

 

G.P. : Les parents antillais en France préservent quelques unes de leurs habitudes culturelles mais le plus souvent ils poussent leurs enfants à fonctionner comme les occidentaux car ils pensent qu’ils leur donnent ainsi plus de chances de réussir. C’est très mauvais, aujourd’hui leurs enfants leur échappent. De nombreux parents sont dans un complet désarroi d’autant plus que le plus souvent eux-mêmes se battent pour survivre.

 

Propos recueillis par Marie-Noëlle RECOQUE, Lendépandans, juin 1992, (Extraits).

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