Rodney Saint-Eloi, éditeur bien connu de Mémoire d’Encrier répond à la commande d’un autre confrère les éditions Michel Lafon.
Il a vécu le séisme, comme beaucoup d’écrivains étant sur place, à l’occasion de leur participation à la création du prix «Écrivains nouvelle génération» adressé aux jeunes auteurs du pays, mais surtout lors de la deuxième édition du Festival Étonnants voyageurs.
Ce voyage sera étonnement inoubliable surtout pour les Haïtiens vivant à l’extérieur. Pour ceux de l’intérieur, il y a la vie avant et après le 12 janvier. «C’est une blessure avec laquelle, ils seront obligés de vivre». L’imaginaire populaire a désigné le séisme du 12 janvier sous le vocable «Goudou, goudou». Ils n’avaient jamais vécu pareil catastrophe et l’auteur nous dit en substance: «Chaque peuple, pour se dire et se représenter, a ses fables, se légendes et ses mythes. Haïti en plus de sa violence de l’Histoire, de la misère n’avait pas besoin de séisme. C’est une violence de trop. L’esclavage, le colonialisme, l’exploitation les occupations auraient amplement suffi.»
Ce livre fonctionnel permet à l’auteur de «faire taire en moi les fureurs du Goudou, goudou» est aussi et surtout un livre sur un retour dans l’enfance de l’auteur. Tout au long de son périple, on rencontre sa famille aussi son Haïti. Yasmin Kadra dira à ce sujet: «Rodney me parlait d’Haïti, si bien, avec une passion telle que… je ce crois avoir rencontré une personne aussi passionnée par son pays au point où tout, un signe, un cri, une silhouette, un souvenir, n’importe quoi, débouchent inévitablement su Haïti».
Tout au long on redécouvre le poète mais un excellent narrateur qui nous parle de chose aussi terrible que la mort, ses drames mais de multiples occasions de rire comme pour conjurer le sort avec des «sé lavi» permanents qui ne sont pas du fatalisme mais des attitudes vitales pour tenir «kenbé la».
Rodney Saint-Eloi écrit ce livre « pour que la vie ne tremble jamais » et surtout que « Un peuple debout cherche de l’eau et du pain, et enterre ses morts. Car les morts savent traverser les jardins et frapper aux fenêtres des rêves pour amener aux vivants l’espoir et les gros lots de la loterie nationale ». Cette voix individuelle veut aussi avoir une dimension collective «pour accompagner la construction d’un espace de citoyenneté». Le séisme a besoin de voix pour le contraindre à arrêter sa route et ses répliques dans la vie quotidienne du Haïtien. C’est aussi un livre d’interrogations sur l’état d’Haïti mais aussi l’État en Haïti. Est-il définitivement effondré comme le Palais National?