Il est des gens dont la discrétion et l'efficacité ont été telles que leur départ fulgurant de cette terre nous ébranle profondément. Il est des gens qui brusquement et sans crier gare sont partis sans prévenir pour aller jouer sur la scène de l'Ailleurs. Il est des gens qui sans même avoir le temps de comprendre, ont vu ainsi se rompre leur contrat terrestre. Et nous éberlués, estébékwés, nous cherchons à comprendre ce qu'il n'y a pas à comprendre. Il est des gens qui partent mais qui ont su marquer leur passage de traces que nous ne pourrons oublier.
La troupe "Poutji i pa Téyat" est de nouveau orpheline. Après le départ de Bérard Bourdon en 2013, voilà Jean-Claude Myrtil qui tire à son tour sa révérence.
Jean-Claude, qui aimait le théâtre, appréciait Goldoni et bien d'autres ténors de la vie théâtrale, nous avait demandé de lui traduire la Locandiera. Il accepta que notre préférence puisse aller aux Rustres de ce même Goldoni, que nous venons de reproduire sous l'appellation créole, Lé Souba.
Jean-claude ambitionnait de voir sur une de nos scènes, cette pièce que nous lui avions dédiée. Ce texte est en créole et tout comme "Piétè a", l'Avare de Molière, il ne peut être mis en scène, à ce jour sous prétexte - entendez-le bien - que beaucoup trop d'acteurs y foisonnent. Comprenons-le, la langue créole en est certainement la cause, car quand on prétend que les pièces ont trop de personnages, et que l'on nous joue - ce qui est tout aussi louable - du Shakespeare, où il y a pléthore d'acteurs, de l'Antigone de Sophocle - avec certes quelques mots de créole, mais juste assez pour amuser la galerie - et surtout une foultitude de figurants, l'on ne va pas venir nous apprendre que l'on ne peut jouer des pièces en créole, car on y trouve trop de personnages. On y compte au maximum dix. Avouez que nous sommes en droit de demeurer dubitatifs, et que nous sommes tout aussi en droit de rester incrédules et de penser que l'on a décidé pour nous, qu'en créole nous n'apprécions, nous ne chérissons, nous ne savourons, nous ne préférons que "Man Frouch", cette pièce où le rire est si aisé. C'est à se demander si nous n'aurions peut-être pas en Martinique, plus qu'ailleurs du reste, un ADN particulier, celui du rire facile, lorsqu'il s'agit du créole bien entendu. Alors devrons-nous nous y faire ?
L'avenir remerciera Jean-claude, qui avec sa troupe aura compris que la langue créole peut parler du Molière, du Goldoni, de l'Aristophane, du Samuel Beckett (confer le "Ploutos" traduit par Daniel Boukman, le "En attendant Godot" traduit par Monchoachi)..... sans tomber dans le ridicule dérisoire que l'on veut nous imposer. Mais a-t-on donner à cette troupe, les mêmes moyens que les autres ?
Si nous restons passifs, si le peuple se montre désinvolte, si la Commission Culture de la CTM ne fait rien, les textes de théâtre en créole pourront toujours servir de nourriture aux mites et termites dans les tiroirs, et ce dans l'indifférence de tous. Et l'on continuera à nous jouer, en créole en tout cas, des farces au rabais comme d'habitude.
Adessias Jean-claude.
Térèz Léotin