Depuis l’article fondateur publié en 1935 par Albert Einstein, Boris Podolski et Nathan Rosen et la fameuse série d’articles publiée par Erwin Schrödinger au cours des années 1935 et 1936, l’intrication a occupé une position centrale en physique quantique. Ce phénomène singulier a constitué un défi formidable pour plusieurs générations de physiciens. En fait, après l’article de 1935, il a fallu attendre une trentaine d’années pour que la première conséquence mathématique de cette propriété soit démontrée par John S. Bell. Et une trentaine d’années de plus pour que l’intrication soit reconnue comme une source possible de communication et de calcul quantiques.
L’intrication, concept d’abord décourageant, s’est transformée progressivement en une précieuse ressource. Elle est au cœur de beaucoup d’applications qui ont été imaginées depuis, y compris une manière de transmettre efficacement l’information par codage dense ou téléportation, la sécurisation des transmissions de données au moyen de la cryptographie quantique, une solution efficace au problème de la factorisation, un protocole accéléré de recherche de données, un moyen efficace de mesurer des paramètres en métrologie quantique et des méthodes de simulation quantique de problèmes qui induisent une demande exponentielle de ressources dans les ordinateurs classiques.
Dans la perspective de ces applications potentielles et au vu du rôle fondamental que joue l’intrication en mécanique quantique, d’importants résultats expérimentaux ont été obtenus au cours des dernières années, dans le domaine de la production et de l’analyse d’états intriqués multiparties, le transfert d’intrication entre deux systèmes, les signatures macroscopiques de l’intrication et la dynamique d’états intriqués sous l’effet de l’environnement.
Cependant, beaucoup de problèmes fondamentaux n’ont pas été résolus. En particulier, la caractérisation de l’intrication pour des systèmes multi-particules, le rôle de l’intrication en métrologie quantique sous condition de décohérence, la dynamique de l’intrication pour un système en contact avec son environnement. Ce dernier problème est directement relié à une question pratique : l’évaluation de la robustesse des applications mentionnées ci-dessus. Il a également des incidences sur un problème fondamental en physique : la relation subtile entre monde classique et monde quantique. On sait aujourd’hui que la décohérence joue un rôle fondamental dans la manière dont le monde classique émerge à partir de la physique quantique.
On a démontré par des travaux théoriques et expérimentaux qu’une superposition cohérente de deux états qui peuvent être distingués au niveau macroscopique se dégrade en un mélange des mêmes états en un temps caractéristique, inversement proportionnel à certains paramètres macroscopiques. La loi de dégradation est exponentielle, selon une très bonne approximation.
Pour des états intriqués multiparties, l’environnement peut affecter des propriétés locales telles que l’excitation et les cohérences de chaque partie, ainsi que des propriétés globales telles que l’intrication de l’état. Les études sur la décohérence mentionnées ci-dessus conduisent à des questions naturelles au sujet de la dynamique de l’intrication. Quelle est la loi de dégradation ? Est-il possible d’introduire un taux de dégradation dans ce cas ? Comment la dégradation de l’intrication est-elle corrélée avec le nombre de parties intriquées ? Quelles est la robustesse de l’intrication de différentes classes d’états intriqués ? Comment la dynamique de l’intrication sous l’influence de l’environnement affecte-t-elle des applications comme la téléportation et la métrologie quantique ?
Ce sont quelques unes des questions qui ont été abordées au cours de cette série de quatre conférences :