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JALA : "UN CONTEUR MAINTIEN LA MEMOIRE DU PEUPLE"

JALA : "UN CONTEUR MAINTIEN LA MEMOIRE DU PEUPLE"

   Jeanine LAFONTAINE, de son nom de plume JALA, œuvre depuis bientôt deux décennies pour la promotion de l'écrit en créole, du conte créole, du livre pour enfants, tout en exerçant comme conteuse et marionnettiste.. Nous l'avons rencontrée...

MONTRAY KREYOL : Vous vous êtes lancée dans l'écrit en créole en 1991 avec un magnifique recueil de poèmes intitulé An tjè ka palé...kouté !, préfacé par Raphaël CONFIANT, or vos livres suivants ont presque tous été consacrés aux enfants, pourquoi ce virage ?

JALA : J’avais déjà le projet de faire des livres pour enfants, car c’est là qu’il y avait un manque. Mais j’ai voulu me faire un cadeau car j’écrivais et je continue d’ailleurs beaucoup de poèmes. Vu qu’à cette période j’étais présidente de l’Association Bannzil Kréyol, ce livre est sorti sous les éditions Bannzil Kréyol. D’ailleurs ce livre a aussi une préface de Jean Bernabé. C’était la période où je préparais mon DULCR au cours du soir sur le Campus avec le Gérec (Diplome Universitaire en Langue et Culture Régionales).

À cette période j’ai appris en deux jours en cours intensifs la graphie Gérec 1 du créole avec Daniel DOBAT dit  Mandibèlè.

 

MONTRAY KREYOL : à l'origine, vous étiez une professionnelle de l'imprimerie reconnue, mais un jour, vous décidez de tout abandonner pour vous lancer dans l'agriculture. Pouvez-vous nous en expliquer les raisons et nous dire ce que vous a apporté cette expérience ?

JALA : En temps que militante pour le développement de mon pays Martinique, je me disais qu’un pays doit nourrir son peuple. C’était dans les années 84 environ. Mon père avait inculqué à ses enfants l’amour de la terre. Il préparait sa retraite et j’ai aussi pensé qu’il travaillerait avec moi. Malheureusement il est décédé le jour de ma rentrée à l’école agricole. Mais j’ai continué car je voulais aller au bout de mon projet. Je suis donc allée en formation à l’école agricole où j’ai obtenue mon Brevet Professionnel Agricole. Et je me suis installée en maraîcher, vivrier et un élevage intensif de lapins d’abord au Saint-Esprit, puis au François. Une vie difficile avec mes deux enfants. La découverte d’un monde que je ne connaissais pas du tout, très dur et éprouvant. Mais c’était très formateur aussi, car toutes les épreuves vous rendent plus forts.

 

MONTRAY KREYOL : Après la publication de plusieurs contes pour enfants tels que Dédé et le secret du gommier ainsi que des albums de coloriage, vous devenez éditrice et créez les Editions Lafontaine. Parlez-nous de cette période très riche en publications non seulement de vos propres livres mais aussi d'autres auteurs ?

JALA : En effet, après mon incursion de quelques années dans le monde agricole, je suis revenue travailler à l’imprimerie où j’étais maquettiste. J’ai commencé à publier mes livres de contes, un par an, en trois langues : français, créole de Martinique et anglais. Plusieurs auteurs ou pas, sont venu me trouver afin de publier leurs livres. Bien que les éditions Désormeaux existaient déjà, j’ai senti qu’il manquait un outil, une maison d’éditions. J’ai donc créé en octobre 1994 les Éditions Lafontaine et édité une cinquantaine d’auteurs de Martinique, Guadeloupe, Guyane et Haïti. J’ai publié également de mon cru une trentaine d’ouvrages.

 

MONTRAY KREYOL : Professionnelle de l'imprimerie, agricultrice, écrivaine, éditrice, voici qu'un jour, vous devenez aussi conteuse. Quel a été le déclic de cette nouvelle corde à votre arc ?

JALA : J’avais déjà commencé à écrire des contes pour enfants. Puis il y a eu la création d’une association, Kontè Sanblé avec Raphaël Confiant et Marcel Lebiel où j’ai été intégré. J’ai pu assister aux répétitions à Sainte-Marie avec tous les grands maîtres de la parole. J’ai assisté à beaucoup de soirées contes à travers la Martinique avec eux. Nous allions également enregistrer des émissions radio. Cela a été une très belle initiation. Ensuite j’ai continué sans me poser de questions, c’était logique. Je pense que tous les métiers que j’ai exercé et toutes les aventures, étaient du mortier afin que je devienne un outil pour la mémoire de mon peuple. Car je suis convaincue qu’un conteur maintien la mémoire du peuple. 

 

MONTRAY : Mais vous ne vous arrêtez pas là et voici qu'un beau jour, vous vous mettez à fabriquer des marionnettes et que vous devenez vous-même marionnettiste. Cette passion vous est venue d'où ?

JALA : Dans mon enfance on jouait avec des poupées que l’on fabriquait nous-mêmes. Puis j’ai eu l’occasion de voir une fois la troupe Bwabwa avec Jacline Labbé et Roland Brival et aussi Téat Lari avec José Alpha. Je suppose que ça a fait un travail dans mon subconscient. Et quand j’ai commencé à conter pour les enfants, j’ai senti qu’il me manquait un support. Et là j’ai commencé avec des images collées sur du carton et un bâton, puis la marionnette est arrivée, bien que je n’avais pas de formation pour cela et elle ne m’a plus quitté. Depuis je me suis perfectionnée en me payant mes stages un peu partout hors de la Martinique.

 

MONTRAY : Quel que soit le métier que vous avez pratiqué, vous avez toujours défendu bec et ongles la langue créole, comment cela s'explique-t-il ?

JALA : Dans ma famille, comme dans beaucoup d’autres, parler créole était interdit. D’ailleurs à l’école également. Cette langue était considérée comme un manque de respect. En grandissant et en apprenant l’histoire de mon peuple, occultée pendant longtemps pour la substituer à une histoire complètement étrangère, j’ai appris la naissance de cette langue dans laquelle j’avais été exclue. En militant pour la culture de mon pays je ne pouvais passer à côté de cette injustice. Là j’ai connu le GEREC et j’ai continué jusqu’à ce jour à militer pour cette langue et cette culture créole.

 

MONTRAY : Pourquoi, selon vous, la littérature écrite en créole n'occupe-t-elle toujours pas la place qu'elle mérite au sein de notre littérature ?

JALA : Vu sa situation il y a une trentaine d’années et comment il y a une production littéraire en créole très fournie de nos jours, je trouve qu’elle a déjà gagné beaucoup de terrain. On voyait un ou deux livres écrits en créole, Gratiant, Confiant, Boukman, un journal, etc. Maintenant il y a des romans, des nouvelles, des B.D., de la poésie écrite et publiée en créole. Il fallait déjà changer le regard des gens par rapport au parler créole et cette vaste hypocrisie. Le théâtre, la musique et le chant ont beaucoup aidé à donner au créole ses lettres de noblesse. Il fallait travailler sur la grammaire et la graphie, ça aussi c’est fait. Maintenant c’est la porte ouverte avec des peuples qui veulent le lire et l’écrire, et pour moi grâce aux pionniers, tout le monde s’en donne à cœur joie, le peuple s’est approprié sa langue maternelle. La littérature créole à mon sens occupe une très belle place dans notre littérature et cela ira en grandissant.

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