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Jour 10 : « La morsure des mots » et autres poèmes de Jeanie Bogart

Jour 10 :  « La morsure des mots » et autres poèmes de Jeanie Bogart

La Quinzaine de la Poésie Féminine est une série d’activités virtuelles visant à valoriser la création littéraire des femmes, notamment la poésie à travers le monde. Pour ce dixième jour de ce grand festival, nous vous invitons à lire « La morsure des mots » et autres poèmes de Jeanie Bogart.

La morsure des mots

Elle reviendra toujours brusque tenaillant

cette envie de dire ce qui n’est rien

de parler pour ne pas comprendre

semer la confusion

Elle reviendra toujours

cette envie d’aligner les mots dans le désordre

rien que des mots bizarres

ne vouloir rien penser en particulier

mais toujours les étaler

ces sales mots qui sortent de partout

du nez des oreilles des yeux de la bouche

les vomir sur un papier sale et mal proportionné.

Ne plus penser pour un bout de temps

se dissocier de ces mots qui donnent vie

les jeter indiscrètement à la face du monde.

Puis brusquement, recevoir la décharge

Plus un mot !

Envolées toutes ces vermines qui picotaient de partout

Rien que le vide

Et cette maudite plume qui ricane zigzague et n’écrit plus rien

 

Migration

Ami des lointaines contrées

Les nuits sont toutes brutales

Qui nous guident vers les vaines utopies

Des grimaces en couleur

Raturées sur nos faces en deuil

Je pleure avec toi la chasse à l’homme

Ces pas écrasés sur l’asphalte planétaire

Ces dos courbés sous le poids d’une impérialiste barbarie

Ces yeux délavés d’espérance

Mes mots s’agrippent aux pouls nomades des enfants

Exilés de tous les continents

Je cherche un abri à mon poème

Un port où ancrer nos îles

Car nous marchons

Nous courons

Sans destination aucune

Les abat-jours du monde étant tous clos

Nous vagabondons

À la merci de hontes humaines

Qui se disent puissances

Qui se nomment dirigeants

Viendra le jour où la terre cherchera refuge

Dans la mamelle d’un monde en rémission

Viendra le temps où nous mangerons les frontières

Avec la voracité des sans-logis

Viendra une ère où les bourreaux

S’enchaîneront dans leur propre cruauté

En attendant

Je traîne mes pas sur la vaste vallée des nuages

Un chant de fraternité au bout des lèvres

Chant de bornes brisées

D’îles migrantes

De murailles imaginaires

J’accroche des villes bâties sur des tessons de mots

Au portail d’un tout-monde

J’exhibe la nudité de mon cœur

À l’étendue du ciel

Bras ouverts en attente des étoiles fauves

Psalmodiant une mélancolie mal placée

Qu’avez-vous fait de mes frères

Qu’avez-vous fait de ma terre

 

Dans ton poème sans titre

À trop me promener

dans le lit de ta poésie

la muse s’est mise à me tripoter l’imagination

mon territoire est un minuscule point

un appendice têtu

dans le champ de ton verbe

mon sol est foulé

ma ville fouillée de fond en comble

aux fenêtres cassées de mes mirages

ton image s’interpose

entre la rue et ma vue

entre ton angélus et ma muse

puis reviennent les mots aux doigts désossés

chatouillant le fin fond de ma pensée

un après-midi de pluie

tes mots partirent à l’assaut  de mes secrets de femme

un soir de clair de lune

j’ai égaré la clé de ta solitude

entre les éclipses du dire et mes rires

entre des lacs de bonheur et nos fièvres

après deux saisons d’amour et de hautes caresses

tes mots tripotent encore comme au premier jour

les aiguillons de mes sens

j’ai cherché longtemps  aux périmètres de tes silences

un poème sans mots sans os

un poème dur d’écorce

au sang cassant les plus minces désirs de liberté

je n’ai retrouvé que l’opiniâtre ardeur du verbe

se cheminant dans ma sensualité

rêve ou réalité

dans le brouillard diffus d’un poème sans titre

un matin de maigres caresses

j’ai vu tes mots

sucer le dernier de mes sucres d’orge

 

À PROPOS DE L’AUTEURE  :

Née en Haïti, Jeanie Bogart vit aux États-Unis où elle mène une carrière d’interprète et d’écrivain. Après des études en journalisme, elle a, tour à tour, été reporter, présentatrice et rédactrice de nouvelles à la radio, à la télévision en Haïti et rédactrice dans quelques publications aux États-Unis. Elle a commencé à écrire des poèmes à l’âge de quatorze ans.

Elle a gagné avec son poème « A la foli », le premier prix Kalbas Lò Lakarayib 2006 en Martinique. Ses poèmes ont été publiés dans plusieurs anthologies en France, au Canada, en Belgique et aux États-Unis.

Jeanie Bogart a publié plusieurs recueils de poèmes en français et en créole. Elle est détentrice d’un Master en Langue Française et Littérature.

 

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