Entretien avec David Khatile, coordonnateur des journées d’études sur la signature performancielle et la construction identitaire, organisée par le CRILLASH et le CARGO sur le campus universitaire de Schoelcher les 24 et 25 mai 2011, à l’amphithéâtre Sellaye…
{MONTRAY KREYOL : Dans quel cadre s’organisent ces journées d’études ?}
{{KATHILE :}} Tout d’abord, il convient de souligner que ces journées d’études sont co-organisées par le CRILLASH (Centre de Recherches Interdisciplinaire en Littérature, Langues, Arts et Sciences Humaines), le réseau de recherches CARGO (Confluence des Anthropologues en Recherche sur la Gestuelle et l'Oralité sonores – Caraïbes, Océan Indien) et avec le partenariat de l’Université de Montréal et de l’Université de Nice-Sophia-Antipolis. Cela signifie que ces deux centres de recherches mobilisent leurs énergies pour faire avancer la recherche scientifique sur des champs d’études qu’ils ont en commun. Si le CRILLASH couvre des champs disciplinaires beaucoup plus larges, il entend être au cœur des travaux et recherches qui s’opèrent dans chacun de ces champs respectifs et notamment au sein de la recherche anthropologique sur la gestuelle et l’oralité sonore dans les mondes créoles. C’est dans ce cadre que la collaboration avec le CARGO prend tout son sens et est effective. Voilà pourquoi ces deux structures de recherches scientifiques organisent en étroite collaboration ces journées d’études qui portent sur la relation entre performance et signature identitaire dans les pratiques culturelles, notamment celles qui relèvent de l’oralité, avec un ancrage très fort dans les mondes insulaires dont l’espace caribéen.
{MONTRAY KREYOL : Si le CRILLASH est un centre de recherches reconnu à la fois pour son dynamisme et la rigueur de ces travaux scientifiques, qu’en est-il du CARGO ?}
{{KATHILE :}} L’implication du CARGO dans l’organisation de cette journée d'étude s’inscrit dans un cadre plus large. Il s’agit d’un projet de recherches portant sur "Les musiques de tradition orale et leurs enjeux (patrimonialisation, stratégies identitaires, tourisme, mise en spectacle) dans les départements et territoires français d'Outre-mer et leurs prolongements (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion, Mayotte, Madagascar)" déposé en 2009-2010 au Fonds Québécois de la Recherche sur la Nature et les Technologies (FQRNT) dans le cadre du programme "Partenariats stratégiques en matière d'enseignement et de recherche" par Monique Desroches (Laboratoire d'Ethnomusicologie et d'Organologie – LEO – de l'Université de Montréal) et Luc Charles-Dominique (Laboratoire CIRCPLES de l'Université de Nice-Sophia-Antipolis) et financé par le Conseil franco-québécois de coopération universitaire (CFQCU).
Ce projet consiste à soutenir des recherches doctorales sur ces divers terrains, à organiser dans plusieurs régions d'Outre-mer des séminaires, journées d'étude, à valoriser la recherche par l'édition bibliographique et aussi Internet.
Pour cela a été créé à Paris en juin 2010 le réseau CARGO (Confluence des Anthropologues en Recherche sur la Gestuelle et l'Oralité sonores – Caraïbes, Océan Indien), réseau informel et ouvert visant à fédérer et valoriser les recherches liées à cette thématique et à ce vaste domaine.
Ces journées d’études sont organisées sous la coordination de David Khatile, chercheur martiniquais, membre du CARGO et ATER à l’UAG campus de Schoelcher Martinique.
{MONTRAY KREYOL : Quel est l’objet de ces journées d’études, quelles problématiques touchent-elles ?}
{{KATHILE :}} Ces journées d’études porteront sur les rapports et les implications des procédés performanciels dans les pratiques culturelles — qu’ils soient individuels et/ou collectifs — avec les schèmes et mécanismes de la construction identitaire (individuelle et/ou collective). Qu’il s’agisse de musique, de danse, de conte ou encore d’autres formes de pratiques langagières, la performance relève de logiques stratégiques polysémiques et d’une épaisseur sociale souvent insoupçonnée qui implique que l’on prenne en considération, d’une part les conditions et modalités de production de l’acte performanciel ainsi que celles de sa réception et, d’autre part le jeu dynamique et interactif qui peut exister entre performateur(s) et récepteur(s) de la performance. Il ne s’agit donc pas que d’une simple relation entre un acteur et un objet. Les diverses communications visent à mettre en relief la tension qui peut exister entre la part singulière et celle collective dans l’acte performanciel. Que celui-ci s’opère dans un cadre « ordinaire » de pratique d’une tradition culturelle fortement ancrée dans une structure sociale à l’intérieur de laquelle l’objet culturel est un élément structurant du flux quotidien de la vie du groupe, ou qu’il s’agisse d’une pratique contemporaine inscrite dans les sphères de l’industrie du tourisme et des loisirs dans une société globale donnée. L’acte performanciel se trouve souvent tendu entre ces deux réalités.
Nous aurons des communications qui portent sur la musique (Guyane, Réunion…), la danse (Haute-Taille, Gwoka…) , sur le conte et d’autres formes de pratiques langagières…
{MONTRAY KREYOL : Qui sont les intervenants de ces journées d’études ?}
KATHILE : Ces journées d’étude regroupent un ensemble de communicants qui, d’une part couvrent une grande diversité de champs géographiques et sociohistoriques (caraïbe, océan indien, afrique, europe…) ; et d révèle d’autre part des expériences et des réalités statutaires diverses dans le monde de la recherche. Il apparaît fondamental de trouver à la fois des enseignants-chercheurs professeurs d’université comme Monique Desroches (Université de Montréal, directrice du laboratoire d’ethnomusicologie LEO) ou encore Luc Charles-Dominique professeur à l’université de Nice Sophia-Antipolis), des maitres de conférences comme Mahalia Lassibile et Max Bélaise, des jeunes docteurs enseignants-chercheurs comme Laure Garrabé, des doctorants, des chercheurs impliqués dans l’action culturelle comme Dominique Cyrille en Guadeloupe mais également des chercheurs qui sont également des acteurs culturels comme Léna Blou, Marie-Line Dahomay et enfin des acteurs de la tradition qui mènent parallèlement une réflexion qui relève de la recherche sur leur pratique comme c’est le cas avec Patrick Womba et Josy Michalon (sous réserves). Outre le fait que le CRILLASH et le CARGO entendent soutenir les doctorants et autres chercheurs « hors statut », la présence d’acteurs de la tradition nous semble nécessaire dans le cadre d’une réflexion scientifique qui ne se veut pas cloisonnée dans l’enclos des études trop théoriques.
{MONTRAY KREYOL : Ces journées d’études sont elles ouvertes au grand public ?}
{{KATHILE : }} Ces journées d’études n’auraient pas de sens si elles n’étaient pas ouvertes au grand public, à la presse, au monde universitaire, aux acteurs culturels et à tous ceux qui souhaitent y assister. Il s’agit d’espace d’échanges et de diffusion de la recherche. Le CRILLASH et le CARGO entendent bien vertébrer le monde de la recherche et le grand public, les acteurs culturels afin de nourrir la recherche, d’échanger et de donner sens aux travaux et productions de savoirs des chercheurs. Ces journées d’études seront entièrement filmées pour une mise en consultation sur le site de l’université. Il y aura aussi une publication papier des actes de ces journées d’études dans la collection éditoriale « Anthropologie et musiques » dirigée par Luc Charles-Dominique, Monique Desroches et Yves Defrance, chez l’HARMATTAN. Dans ces actes figureront des communications écrites de chercheurs qui n’ont pas effectué de communications orales comme Olivier Naria et d’autres.