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LA CULTURE SCOLAIRE, UNE CRISE PERPÉTUELLE?

Yassir Mechelloukh
LA CULTURE SCOLAIRE, UNE CRISE PERPÉTUELLE?

Conférence tenue au Lycée Faidherbe / Lille

Nos plus grands philosophes ont abondamment contribué, à la transmission de la culture par les académies en Antiquité, et par l’institution scolaire à l’époque moderne. Or, les philosophes de notre temps s’intéressent parcimonieusement à une notion qui est le fondement d’une éducation d’envergure. La culture est historiquement un problème à proprement parler philosophique, et la variété des considérations sur l’éducation ont de tous temps accordé une importance capitale à la culture. De fait, la constitution d’une éducation centrée sur la culture trouvera une incontestable légitimité. Hannah Arendt écrivit «La crise de la culture» en 1961, cette crise appelle aujourd'hui notre responsabilité à considérer la notion de culture comme un enjeu majeur pour l’école au XXIème siècle. Certes, la transmission de la culture dans ses formes classiques est décidément derrière nous. L’institution scolaire se doit néanmoins de transmettre ce qu’il y a de nécessairement primordial jusqu'à en venir à la maîtrise totale des bases de l’éducation scolaire. Au XXIème siècle, les racines doivent être arrachées, les semences redevenir fertiles, pour former des esprits éclairées par les lumières de la savante culture afin que la crise laisse désormais place au progrès de l’humanité.

I) Le concept cicéronien de cultura animi

A) Les origines et fonctions du concept
B) La portée rhétorique et l’importance du discours à la lumière du système éducatif français
C) La postérité de l’éducation cicéronienne: L’enseignement des Jésuites et le Ratio Studiorum

II) Un héritage culturel renié

A) La culture classique: une culture indispensable
B) La disparition de l’éducation morale
C) L’évolution de la morale à travers le procès de Socrate: Quelle morale pour l’école aujourd’hui?

III) Une crise pédagogique

A) Psychologie de l’enfant et pédagogie
B) Ethique de l’enseignant et le Triangle pédagogique
C) La dimension affective de l’enseignement

IV) Conclusions
     

La culture scolaire, une crise perpétuelle ?

Bonsoir, je vous remercie de votre présence.

«La culture scolaire, une crise perpétuelle?». Un sujet assez général, j’ai tenu à ce qu’il le soit pour pouvoir évoquer un certain nombre de points concernant l’éducation scolaire d’aujourd’hui. Dans la mesure où le sujet est immense, nous ne pourrons en aborder que quelques éléments. Nous allons cheminer, nous enfoncer dans l’histoire de la notion de culture pour éclaircir, déterminer les principales origines de cette crise très profonde aux aspects diversifiés. Alors, Jacques Derrida, philosophe du XXème siècle, écrivait dans son ouvrage L’Autre cap «La culture, un mot si obscur..». Nous allons tâcher d’éclaircir ce terme qui a des acceptions différentes.

Denis Kambouchner, spécialiste de la notion de culture nous propose la classification suivante qui distingue trois grandes catégories concernant les sens du mot «culture»:

  • Le concept classique de la culture de l’esprit, en tant que culture personnelle, au sein duquel l’intervention de l’institution scolaire est nécessaire.
  • Le concept socio-ethnologique de la culture comme ensemble des représentations et des habitudes transmises à l’intérieur d’une population donnée
  • Le concept transcendantal de la culture comme sphère de phénomènes et de légalités à distinguer en rapport notamment avec la nature.

Il s’agit des trois catégories qui englobent les acceptions du mot «culture» qui nous intéresse.

Leo Strauss formulait en 1959 une définition de la culture sous ses deux principaux sens dans une conférence intitulée Qu’est-ce que l’éducation libérale?:

«L’éducation libérale est une éducation qui cultive ou une éducation qui a pour fin la culture. Le produit fini d’une éducation libérale est un être humain cultivé. «Culture» signifie en premier lieu agriculture; la culture du sol et de ses produits, le soin et l’amélioration du sol en conformité avec sa nature. Le mot «culture» signifie deuxièmement aujourd’hui principalement la culture de l’esprit, le soin et l’amélioration des facultés innées de l’esprit en conformité avec la nature de l’esprit».

I) Le concept cicéronien de cultura animi

A) Les origines et fonctions du concept

L’apparition du terme dans son sens figuré remonte au Ier siècle dans la Rome Antique, on trouve pour la première fois l’expression: cultura animi (culture de l’esprit) dans le livre II des Tusculanes consacré à la maîtrise de la peine et de la douleur écrit par Cicéron suite à une redoutable critique de la philosophie:

«Tous les champs qu’on cultive ne donnent pas des moissons, et Attius s’est trompé en disant: ‘le bon grain croît glorieusement par sa nature propre, si mauvaise que soit la terre où on la sème. Tout comme un champ, si capable qu’il soit de fertilité, ne peut donner de fruits s’il n’est pas cultivé, l’âme reste stérile quand elle n’a pas été instruite. Or la culture de l’âme, c’est la philosophie. C’est elle qui extirpe radicalement les racines des vices, met les âmes en état de recevoir les semences, et leur confie ce qui, une fois développé, jettera la plus abondante des récoltes.»

Le concept de cultura animi est celui qui modèle dans une large mesure la culture au sens de la tradition occidentale. Quoi qu’on y fasse, la cultura animi nécessite toujours la médiation de quelque pédagogue, appelé à proposer la matière, les «fruits» à l’élève. Il faudrait écarter les dérives sémantiques du terme «culture», en effet, le terme ne correspond pas aux «connaissances». La cultura animi implique un travail rigoureux de l’esprit, qui doit mener à une certaine disposition à la fois éthique et intellectuelle.

Pour bien comprendre toute la portée de ce concept, il nous faut revenir à une assez ancienne origine. . Isocrate, grand rhéteur et ennemi de Platon écrivait dans l’un de ses dialogues A Nicoclès

«cette séparation si importante entre la langue et le cœur, séparation véritablement choquante, inutile, condamnable, qui impose deux maîtres différents pour bien vivre et pour bien dire.»

En effet, la séparation évoquée par Isocrate, c’est celle entre l’éducation morale et l’éducation oratoire. Cette distorsion radicale marque de sa difficulté toute l’histoire de l’éducation. De fait, le concept de cultura animi s’efforce de redonner vie à une unité perdue. Le concept de cultura animi de même que son concept d’Humanitas (à la portée foncièrement éthique) sont des équivalents de ce que les Grecs appelaient paideia à savoir «le traitement que l’on doit appliquer aux enfants pour qu’ils deviennent Hommes». L’éducation cicéronienne est extrêmement exigeante, c’est bien ce que met en évidence son héritier Quintilien, auteur de L'Institution oratoire, former un orateur à la fois homme de bien et habile dans l’art de la parole, n’est pas chose facile.

Isocrate, quant à lui, demeure centré sur le discours, il écrit dans le Panégyrique

«Les discours beaux et biens composés ne sont pas le partage des gens de nulle valeur, mais l’ouvrage des âmes qui pensant bien» ou encore «Nous faisons de la parole convenable le signe le plus sûr de la pensée juste. Une parole vraie, conforme à la loi, juste est l’image d’une âme saine et loyale.»

De fait, Isocrate accorde une importance inconditionnelle à l’apprentissage de l’éloquence. La culture de l’âme est l’étude des beaux discours. Il met en place la triple équivalence Bien parler = Bien penser = Bien faire.

Cette prépondérance du discours est néanmoins à nuancer, si Cicéron nous dit «La culture de l’âme, c’est la philosophie.». On remarque que l’éducation qu’il propose se veut assez équilibrée

«Le véritable orateur, puisque la vie humaine tout entière est le domaine où
il se meut, la matière sur laquelle il travaille, aura examiné, entendu, lu, discuté,
traité, agité toutes les questions qui s’y rattachent.»

«L’ensemble des choses, des vertus, des devoirs, de toute cette nature qui
contient les mœurs, les esprits et la vie des hommes, voilà ce dont [la véritable éloquence] connaît l’origine, la nature et les modifications.»

Le modèle de l’orateur cicéronien est celui qui a l’esprit critique, qui fait preuve d’une ouverture totale de l’esprit, d’une exposition de son esprit devant toute chose. Certes, l’éducation cicéronienne porte des finalités proprement rhétoriques, néanmoins l’éducation que requiert cet orateur est très équilibrée : elle est à la fois rhétorique, littéraire, scientifique, juridique et philosophique. L’éducation cicéronienne est alors un modèle à appliquer pour le moins exigeant, mais il demeure un idéal auquel toute institution scolaire, quelle qu’en soit l’époque, doit aspirer. Il cherche à former des orateurs certes, mais des orateurs qui sont homme de raison, homme de bien, élevés par leur obéissance à la raison et par leur volonté de se perfectionner éthiquement.

B) La portée rhétorique et l’importance du discours à la lumière du système éducatif français

A la lumière de notre contexte, les finalités de l’éducation scolaire sont tout à fait différentes. Certes, si les finalités de l’éducation cicéronienne sont rhétoriques, celles de nos jours sont avant tout cognitives. Si aujourd’hui, nous en sommes arrivés à un point où le discours n’est plus aussi important qu’en Antiquité, c’est pour plusieurs raisons: La première est que déjà à l’époque de Platon, il y avait une critique de la culture savante, c’est à partir du moment où la paideia rhétorique a commencé à s’implanter. Tout ce qui est appelé à nourrir le discours n’est-il pas en vérité qu’ostentatoire? Les âmes qui reçoivent un tel enseignement en sont-ils réellement perfectionnées? Or, nombre de penseurs ont critiqué cette portée du discours en avançant que le bon sens en était davantage corrompu, qu’il ne s’agissait que d’artifices et de faux-semblants. On trouve chez Montaigne la critique du pédantisme ou encore chez Platon dans le Gorgias la critique de la culture rhétorique et sophistique. Enfin soit, peut-être pourra-t-on considérer que certains récepteurs d’une telle éducation en font mauvais usages, mais quoi qu’il en soit, «tous les champs qu’on cultive ne donne pas des moissons». Peut-être il y a-t-il eu démocratisation de l’enseignement, mais on le sait depuis le XXème siècle, les plus puissantes intelligentes stagnent à l’école, sous la plume par exemple d’Edouard Claparède, fondateur de la psychopédagogie, auteur un peu oublié sur lequel nous reviendrons plus tard. L’institution scolaire doit élever les esprits, non pas à un certain niveau, qui constituerait une prédisposition des capacités de l’école, mais au niveau que chacun, par sa propre intelligence, est capable d’atteindre. Il faut garder toute lucidité, et faire en sorte que l’éducation morale demeure malgré tout une éducation assez ouverte, non sclérosée, mais bien que chacun puisse se former en lui-même une morale particulière qui sera en cohérence avec lui-même.

Quoi qu’on y fasse, l’importance de la culture orale demeure de nos jours très présente. Et il n’est pas possible, comme le font certains professeurs, de préparer des élèves à une épreuve orale de Baccalauréat sans les exercer à cet effet. Cela témoigne déjà d’un manque de maîtrise d’une logique élémentaire. Dans une société où la communication est présente partout, et porte une lourde influence. Pour accéder au marché de l’emploi, on passe par des entretiens d’embauche souvent décisifs. A l’Université, les examens oraux se multiplient, et beaucoup d’élèves, en sortant du lycée, ne sont pas tout à fait à l’aise avec les exercices oraux. On peut alors s’interroger: L’institution scolaire prépare-t-elle suffisamment ses élèves à se confronter aux réalités de la vie étudiante?

Il est clair qu’une telle faille de l’institution scolaire sur la culture orale est un des aspects principaux de la crise de la culture scolaire.

C) La postérité de l’éducation cicéronienne: L’enseignement des Jésuites et Le Ratio Studiorum

Il nous faut nous considérer l’enseignement des Jésuites, qui prend racine au XVIème siècle, à la période humaniste, il est en quelque sorte une application des convictions éducatives de Cicéron. Dans le Ratio Studiorum (Plan d’études des collèges jésuites, on trouve une pédagogie très normative, très cadrée, très exigeante, qui dicte à la fois la mission du régent (ou du pédagogue) et celle des élèves, avec précision, beaucoup de précision. On sait par exemple que les Jésuites avaient des devoirs surveillés chaque soir, à un certain niveau d’étude. Prenons par exemple une difficulté qui frappe l’enseignement au Lycée actuellement: L’exercice de dissertation.

Il s’agit d’un exercice extrêmement exigeant, qui ne peut être maîtrisé que par la répétition régulière. Aujourd’hui, on donne 3 dissertations de Philosophie par an à des élèves, et on pense qu’à la fin ils obtiendront 20/20… Concernant l’éducation jésuite, on trouvait en effet une pratique régulière du théâtre, ce qui conférait une certaine maîtrise oratoire, impliquant une maîtrise de la langue.

Car, comme le dit Erasme «La connaissance des choses est la plus importante, mais la connaissance des mots précède.» Les difficultés rencontrées aujourd’hui à l’égard de la dissertation sont en partie liées à un manque de vocabulaire criant. Peut-être aura-t-on les bonnes pensées, mais encore faudrait-il être capable de mettre des mots pour exprimer ces pensées. Or, dans l’éducation jésuite, l’enseignement de la Philosophie était précédé par un enseignement de Rhétorique, qui pour le coup préparait comme il se devait les élèves à se confronter à cet exercice exigeant.

Au final l’on trouve quelques insuffisances par rapport à un exercice, qui est décisif pour l’entrée à des concours de la fonction publique, ou en grandes écoles. 1) Une langue bien trop juste, pour écrire une dissertation exigeante à la fois sur la forme que sur le fond. 2) Un exercice qui pour le coup n’est pas suffisamment répété. Cela pose encore une fois le problème des rythmes scolaires. Avant de réformer les rythmes scolaires, il faudrait enfin instaurer une pédagogie d’envergure. Sur ce point là, la Ratio Studiorum dit à ses premiers élèves au début du XVIème siècle: «La voix vibrante du maître, voilà votre commentaire ! Plus de dictées, mais des notes que vous relèverez pendant son discours puis, à la place des 8 ou 10 heures stériles qu’il vous faudrait pour tout apprendre par cœur, 2 ou 3 heures de sérieuse méditation personnelle sur le texte ou la leçon».

A cet égard, il existe plusieurs incohérences dans l’enseignement actuel:

  • Des programmes scolaires bien trop chargées, qui ressemblent davantage à un empilement des connaissances, la priorité est de dispenser un certain nombre de connaissances  lesquels seuls importent à titre direct. La réflexion est relégué au second plan, elle ne peut s’exprimer (encore que partiellement) à la suite d’un nombre de connaissances déjà un tant soit peu excessives en nombre.
     
  • Les élèves ne retiennent que très peu ce qui ne leur plaît pas. Deux solutions semblent se dégager: Mettre en place une pédagogie rigoureuse capable de capter l’attention et d’intéresser  les élèves à certains égards. Ou, comme évoquer dans le Ratio, «s’exercer soi-même», le pédagogue transmet alors des pistes de réflexion relatives à ce que l’élève doit nécessairement étudier, puis l’élève, encadré par le pédagogue, fait preuve d’une réelle autonomie en s’exerçant soi-même par des aspects qui lui plaisent.
     
  • Les heures restantes évoquées dans le Ratio doivent être consacrées au développement personnel, aux recherches relatives aux leçons, et à la lecture dans sa dimension la plus noble.

En 1911, dans le Nouveau Dictionnaire de pédagogie et d’Instruction primaire édité sous la direction de Ferdinand Buisson, critique l’enseignement jésuite en avançant que la pédagogie très orientée n’est qu’un moyen de propagande religieuse et d’influence politique.

On pourrait y répondre assez allègrement. Avec le respect que je dois à ce grand pédagogue, dans l’enseignement jésuite, beaucoup de considérations sont indépendantes de la dimension proprement catholique. Or, celui qui obéit aux règles de la raison, celui qui est véritablement philosophe, extrait le bien, l’utile, le juste, le meilleur quelle qu’en soit sa provenance, de même que le mineur extrait l’or malgré les dangers sanitaires qui l’entourent. On ne peut en vérité retirer à l’enseignement jésuite une grandeur sous certains de ses aspects que l’on a évoqués précédemment.

On en arrive au cœur de la crise de la culture scolaire, à savoir la négligence de la culture classique

II) Un héritage culturel renié

A) La culture classique: une culture indispensable

On revient donc à la question posée sur l’affiche qui présentait cette conférence: «Le procès de la culture classique, un procès illégitime?»

Dans un texte sur La lecture de Henry David Thoreau, auteur de Walden ou la vie dans les bois, on trouve les considérations suivantes: «Le symbole de la pensée d’un homme de l’antiquité devient les paroles d’un homme moderne. Les livres sont la précieuse sagesse du monde, le digne héritage des générations et des nations. Les livres, les plus vieux et les meilleurs, viennent se placer naturellement et à bon droit sur les étagères de toute humble demeure.»

Henry David Thoreau s’indigne contre ceux qui parlent d’oublier les classiques, nous sommes héritiers dit-il d’une culture savante qui est classique. De toute évidence, les penseurs classiques ont marqué de leur influence l’histoire de l’humanité toute entière.

Dans cette mesure, il nous faudrait considérer un autre passage «Cela vaut la dépense de jours de jeunesse et d’heures précieuses d’apprendre rien que quelques mots d’une langue ancienne pour sortir du langage ordinaire de la rue, et pour servir de stimulant perpétuel.»

En effet, l’importance accordée par Thoreau aux langues anciennes est tout à fait justifiée. A notre époque, en Occident, nous sommes plongés dans les langues vernaculaires, et il nous faut sortir de ces langages ne serait-ce que pour ouvrir son esprit à l’existence de langages et de cultures très différentes. Faisant parti de la tradition occidentale, et à la source même de la langue française, le latin et le grec permettent non seulement de mieux identifier certains sens de mots perdus aujourd’hui.

Thoreau va plus loin encore en disant: «Ceux qui n’ont pas appris à lire les classiques de l’antiquité dans la langue où ils furent écrits doivent avoir une connaissance bien imparfaite de l’histoire de la race humaine».

On ne peut pas comprendre véritablement tous les aspects de ces textes antiques absolument exceptionnels sans connaissance de la langue dans lesquels ils ont été écrits. Et il est question de préceptes qui marquent encore notre vie quotidienne de leur influence!

Il est bien difficile de comprendre pourquoi l’écrasante majorité des textes étudiés en Littérature sont des textes des Lumières et a posteriori. Les auteurs des Lumières étaient eux-mêmes imbibés de culture gréco-romaine. L’influence d’un auteur comme Plutarque, lui et ses Vies parallèles des hommes illustres est considérable chez des auteurs comme Erasme, Montaigne ou Rousseau. Les plus puissantes intelligences de ces siècles ont indiqué de toute part, de ne pas oublier les œuvres des Anciens.

Marc-Aurèle est un Empereur romain, stoïcien, philosophe, à la tête d’un Empire qui cherche à faire valoir sa puissance. Outre donc, le siècle des Lumières constitue une sorte de rupture. Et il écrit en GREC.
           
«Ne nous étonnons pas qu’Alexandre ait emporté l’Iliade avec lui, dans ses expéditions, enfermée dans un précieux coffret. Un mot écrit est la plus précieuse des reliques. C’est quelque chose à la fois de plus intime pour nous et de plus universel que n’importe quelle œuvre d’art.»

L’œuvre favorite d’Alexandre, plus grand conquérant que l’humanité est connue, on ne la connaît plus à l’école! Est-ce que vous vous rendrez compte de l’égarement de l’institution scolaire?

Le plus grand conquérant de tous les temps emportait avec lui L’Iliade. Et aujourd’hui, nous méconnaissons cela dans l’institution scolaire.

«La plupart des gens ont appris à lire dans des buts frivoles. Mais la lecture, considérée comme un noble exercice intellectuel, ils la connaissent peu ou prou; cependant il s’agit de lire dans un sens élevé, non pas lire pour nous distraire, ce qui est un luxe, et laisse dormir nos facultés les plus nobles pendant ce temps, mais il faut lire en se tenant la pointe des pieds, ce à quoi nous consacrons nos heures de veille les plus alertes.»

Les plus grands auteurs ont veillé, consacré un temps considérable à l’écriture des ouvrages, pour que vous puissiez les lire. Il nous faut lire avec l’esprit qui convient, avec une grande concentration, et se montrer dignes de ces auteurs. Nous ne pouvons aujourd’hui manquer de respect à ces personnes qui ont donné leur vie à la connaissance.

Un autre aspect de la crise de la culture scolaire, c’est la disparition de l’éducation morale.

B) La disparition de l’éducation morale

Tout à l’heure, on évoquait la distorsion radicale entre l’éducation morale et l’éducation oratoire. En effet, cette distorsion a été régulièrement remise en question dans l’histoire de l’éducation. A la lumière de notre contexte, la morale n’existe plus dans l’enseignement.

Rappelons en première approche que les élèves passent aujourd’hui plus de temps à l’école, qu’avec leurs parents. Certes, les parents ont à charge de transmettre une éducation morale digne de ce nom à leurs enfants. Mais toute la question est de savoir si les parents sont pleinement en mesure, en considération de leur implication dans la société, d’assurer une morale digne de ce nom à leurs enfants? Cela est très loin d’être certain.

Quoi qu’on en dise, les difficultés liées à la discipline aujourd’hui sont la conséquence d’une insuffisance morale. Et c’est bien parce qu’on néglige l’éthique, pas seulement à l’école, mais dans la société tout entière. N’exigeons pas une attitude exemplaire des élèves, alors que certains d’entre eux ne savent pas ce qu’est la morale. Ce n’est pas parce que vous proposez l’école propose un règlement à respecter, que tout le monde va le faire. Si les élèves n’ont pas compris l’objet, le pourquoi de ce règlement, pourquoi s’y tiendraient-ils. A la vérité, l’enseignement de la morale est nécessaire dans l’enseignement aujourd’hui.

C) L’évolution de la morale à travers le procès de Socrate: Quelle morale pour l’école aujourd’hui?

Pour prendre un exemple édifiant, au début du Vème siècle av-JC. La cité d’Athènes est au sommet de sa gloire, dans ce contexte, elle aborde les Guerres du Péloponnèse face à Sparte. Elle connaît une lourde défaite. A la suite de cette défaite dévastatrice, on attribue cela à une perte des valeurs traditionnelles. D’où le procès de Socrate. Est-ce qu’à la suite d’une défaite militaire aujourd’hui, l’on remettrait en cause les valeurs traditionnelles? La question est de savoir pourquoi. Certes, un peuple peut perdre certaines valeurs selon les époques, mais ces valeurs ne disparaissent pas. Des valeurs tout à fait louables existent en l’Homme depuis l’Antiquité. Or, aujourd’hui, l’éthique est résiduelle à tel point qu’on ne la considère même pas.

Enfin, on a entendu le projet d’un enseignement de «Morale laïque» Qu’est-ce que ça veut dire «morale laïque»? Il y a autant de conceptions de la laïcité qu’il y a de français. C’est un mot détourné sémantiquement.

Aujourd’hui, ce dont on a besoin, c’est un enseignement de morale. Non pas une morale fixe, qui restreindrait les libertés. Mais un cours de morale, qui donne la parole aux élèves, qui stimule la construction d’une morale propre à soi-même. Une morale, au service de la réflexion critique sur sa propre existence. Voilà ce dont on a besoin dans l’enseignement.

III) Une crise pédagogique

A) Psychologie de l’enfant et pédagogie

Il est un aspect de l’institution scolaire qui s’est perdu aujourd’hui, et qui peut-être même n’a jamais réellement pris toute la place qu’il aurait fallu lui accorder. La psychologie de l’enfant, et avec Edouard Claparède la psychopédagogie. Ce psychologue genevois extrêmement exigeant fait un réquisitoire contre l’éducation-gaspillage. Elitiste, il considère que les plus puissantes intelligences stagnent à l’école, qu’elle est bien trop adaptée aux élèves moyens.

En revanche, ses travaux les plus remarquables tiennent à la psychologie de l’enfant. Il écrit dans son ouvrage principal Psychologie de l’enfant et pédagogie expérimentale ces mots «Que la pédagogie doive reposer sur la connaissance de l’enfant comme l’horticulture sur la connaissance des plantes, c’est là une vérité qui semble élémentaire. Elle est pourtant méconnue de la plupart des pédagogues et de presque toutes les autorités scolaires.»

Combien donc de pédagogues ont détruit psychologiquement certains élèves? Quand Claparède parle de gaspillage du «capital intelligence des nations», il pense foncièrement à l’absence de la psychologie de l’enfant. Aujourd’hui, dans la formation des maîtres, tout semble encore un peu trop théorique. Le pédagogue doit allier à la fois des qualités théoriques dans l’enseignement qu’il est appelé à transmettre et des qualités proprement sociales et psychologiques. C’est ce qui permettra de répondre assurément aux besoins du développement intellectuel de l’enfant.

Dans la même dimension, Erasme écrit «Rien n’est en effet plus néfaste qu’un précepteur dont le caractère amène les enfants à haïr les études avant d’être en mesure de comprendre pourquoi il faut les aimer» Dans les esprits, le pédagogue a perdu de l’estime. A l’origine, on lui vouait un respect incomparable, et il était une sorte de guide pour ses élèves. Pourquoi en est-on arrivé à un tel point? Précisément parce que nos pédagogues ne sont plus véritablement pédagogues. Comme l’écrit Leo Strauss: «On ne trouve pas aussi facilement des maîtres que des agriculteurs. Ces maîtres sont les grands esprits ou, pour éviter toute ambigüité dans une situation d’une telle importance, ils sont les plus grands esprits. De tels hommes sont extrêmement rares. Nous avons peu de chances d’en trouver un dans une salle de classe. Nous avons peu de chance d’en trouver un où que ce soit.» Certes, le constat établi par Leo Strauss est très lucide, mais il faut bien des pédagogues pour assumer une fonction aussi importante. Or, les exigences sur la sélection de ces pédagogues doit être drastique, plus qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les futurs enseignants doivent être soumis à des exigences à la fois théoriques, en psychologie de l’enfant, en sciences de l’éducation, et des facilités avec les relations sociales, qui leur permettent de nouer véritablement des liens avec leurs élèves.

B) Ethique de l’enseignant et Triangle pédagogique

Jean Houssaye, professeur en Sciences de l’éducation a fondé la théorie du triangle pédagogique. Il définit tout acte pédagogique comme l’espace entre trois sommets d’un triangle: l’enseignant, l’étudiant et le savoir. Dans cette théorie, il existe plusieurs postures: Enseigner/Former/Apprendre/Eduquer.

Alors, dans une conférence qu’il donne en 1997 sur les relations entre la pédagogie Freinet et le triangle pédagogique, il dégage quelques affirmations sur sa théorie: - Toute pédagogie est articulée sur la relation privilégiée entre deux des trois éléments et l’exclusion du troisième avec qui cependant chaque élu doit maintenir des contacts; changer de pédagogie revient à changer de relation de base, soit de processus.

Il existe 3 processus: «Enseigner» qui privilégie l’axe professeur-savoir; «Former» qui privilégie l’axe professeur-élèves et «Apprendre» qui privilégie l’axe élèves-savoir. Sachant qu’on ne peut tenir équivalemment les trois axes, il faut en retenir un et redéfinir les deux exclus en fonction de lui. Les logiques de ces trois processus sont exclusives et non complémentaires.

Il est ici question de l’éthique de l’enseignant. On observe aujourd’hui une sorte de clivage entre les professeurs qui conçoivent l’enseignement comme transmission d’un savoir lequel seul importe à titre direct. Et d’autres qui conçoivent l’enseignement comme une relation plus personnelle et plus centrée sur l’élève.

A la vérité, ce clivage persistant n’a absolument pas lieu d’être. Pour qu’un pédagogue soit efficace, il faut qu’il se fasse aimer de ses élèves. Erasme écrivait «Le maître doit pour être aimé de l’élève faire renaître l’enfant qui est en lui.» Au final, le pédagogue doit en fait réfléchir sur lui-même, et sur la formation dont il a bénéficié. Quel aurait été l’idéal du professeur pour moi quand j’étais élève? Là est toute la question. Par l’identification de ses propres besoins étant enfant, le pédagogue développe une méthode d’apprentissage bien spécifique. En effet, beaucoup trop de pédagogues se replient sur leur expérience, et leur prétendue carrière professionnelle. La pédagogie nécessite toujours à la fois une réforme de l’enseignant et de l’élève. Tout au long de sa carrière professionnelle, l’enseignant doit constamment remettre en cause sa propre pédagogie. La plupart reste dans une pensée encore un peu trop sclérosée. A partir d’un certain moment, il faut se rendre compte qu’à l’école de la République, il est des élèves qui ont des difficultés sociales et qui moralement ne sont pas au meilleur. Ces élèves ont besoin de trouver en leur professeur une parole de confiance.

La réussite scolaire réside dans un véritable travail relationnel. On écoutera toujours davantage les personnes que nous apprécions plutôt que celles que nous n’apprécions pas. Les élèves ont besoin de trouver en leurs enseignants une parole ouverte, et de pouvoir évoquer des sujets qui même ne sont pas en rapport avec le cours.

Ce n’est que de cette manière qu’on pourra espérer tirer vers le haut, et redonner vie à l’union pédagogique à l’école. Cicéron écrivait dans La nature des dieux «L’autorité de ceux qui enseignent nuit souvent à ceux qui veulent apprendre.» Personne n’aime se confronter constamment à une autorité, quelconque soit-elle. Et il n’est pas légitime de dire «Adaptez-vous donc à l’autorité, vous serez employé par un patron.» Car, le contexte professionnel est tout de même relativement différent du contexte proprement scolaire, et dans le monde professionnel, on conserve malgré tout une certaine liberté par rapport à son travail.

L’autorité de certains professeurs n’est que pernicieuse, et elle éloigne plus qu’elle ne rapproche le professeur de ses élèves. Et, en considérations de toutes les difficultés rencontrées aujourd’hui, il est clair que la formation des maîtres doit être radicalement remise en cause.

C) La dimension affective de l’enseignement

On est en vérité tenté de revenir aux finalités rhétoriques de l’éducation cicéronienne. Le pédagogue, n’ayant pas une maîtrise de la rhétorique,  a-t-il la capacité d’intéresser ses élèves? Il faut au pédagogue des qualités qu’on ne peut acquérir sans les plus pénibles efforts, de l’Humanitas, une faculté intérieure à comprendre le ressenti des élèves. Un discours, une parole forte, qui intéressent les élèves. La dimension affective est supérieurement importante, car c’est elle qui insuffle la volonté aux élèves, or la volonté est le moteur de la réussite. Dans le Ratio Studiorum, le rôle du maître n’est même pas de dispenser des connaissances, mais d’«exciter les intelligences». Une intelligence bien guidée ira d’elle-même vers la connaissance. Un élève, hostile à l’apprentissage, n’apprendra que la surface des connaissances, et rien de suffisamment qui pourrait lui être profitable. Le premier travail, c’est l’intérêt des élèves. Si l’élève est intéressé, et assoiffé de savoir, il apprendra bien mieux, malgré toutes les difficultés qu’il rencontre.

De telles méthodes éducatives remontent à l’Antiquité, Henri-Irénée Marrou, écrit dans Histoire de l’éducation dans l’Antiquité «L’œuvre pédagogique d’Aristote ne me paraît pas présenter le même caractère d’originalité créatrice que celle d’Isocrate ou de Platon.» Rendez-vous bien compte que la pédagogie aristotélicienne a été négligée parce qu’elle n’était pas originale. La question n’est pas de savoir si elle est originale, mais si elle est efficace. Aristote était le précepteur d’Alexandre, et l’influence qu’il a sur son disciple semble prépondérante. Jacob Burckardt écrit «Aristote, cet homme qui construisit avec ses pensées une demeure si vaste que la science occidentale pourrait y habiter deux mille ans, contribua, par les idées qu’il a inculquées à Alexandre, à créer les conditions nécessaires à la réalisation de ce même occident.»

Ce que je suis en train de vous dire, c’est que contre ce qui se passe dans l’institution scolaire aujourd’hui, il y a foncièrement un manque de responsabilité. Les pédagogues doivent avoir bien à l’esprit qu’ils ont un devoir d’une importance immense.

La paideia d’Aristote s’inscrit dans la finalité de son œuvre éthique. La finalité de l’éducation, c’est la finalité de l’homme, à savoir le bonheur. L’homme éduqué est un homme heureux. Finalité étroitement à l’éthique, il écrit dans Ethique à Nicomaque «L’homme appelé à être bon doit recevoir une éducation et des habitudes d’homme de bien.»

Partagé entre les finalités rhétoriques de Cicéron, et la finalité du bonheur dans la paideia d’Aristote. Les finalités cognitives de l’enseignement d’aujourd’hui semblent pour le moins timides. En effet, la Ratio Studiorum est extrêmement exigeante quant à la dimension affective de la connaissance. «Celui qui indique à un autre une manière ou un certain «ordre» pour méditer ou contempler, doit raconter fidèlement l’histoire de la contemplation ou de la méditation dont il s’agit. Car, lorsque celui qui contemple part de ce qui est le fondement de l’histoire, la parcourt, et la réfléchit lui-même, il y trouve plus de goût. Car ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement.» Si j’avais un message à faire passer aux professeurs, je leur dirai «Laissez les élèves exprimer leur créativité, laissez les se servir de leur propre entendement». Certains professeurs pensent que leurs interprétations sont prophétiques, les élèves doivent construire leur propre jugement, leur propre appréciation, leur propre amour des choses, de ces vieilles et belles choses. Une fois l’intérêt de l’élève éveillé, il faut qu’il explore, qu’il développe un attachement aux belles choses. Notre histoire a été traversée par des grandes choses supérieurement importantes, des hauts faits, des grandes œuvres, ne jamais enseigner ces belles choses comme des banalités. Et c’est Leo Strauss qui nous le dit, «L’éducation libérale donne l’expérience des belles choses.»

IV) Conclusions

La responsabilité intellectuelle, appelle, chacun d’entre nous, en tant que citoyen éclairé, à être des forces de la proposition éthique. A la suite de mon exposé, je vous propose quelques aspects d’une réforme de l’éducation scolaire.

  1. La réhabilitation de l’enseignement de Rhétorique, 2h par semaine a minima, pour toutes les filières, à mettre en place dès l’école primaire.
     
  2. La création d’un enseignement de Morale, 3h par semaine a minima pour toutes les filières, à mettre en place dès l’école primaire également. A charge pour les autorités de s’assurer que cette morale ne soit pas sous influence religieuse. Cet enseignement aura pour objectif la construction autonome d’une morale en conformité avec l’esprit des élèves.
     
  3. Un allègement des emplois du temps, aucun enseignement ne pourra excéder 4h hebdomadaire. Davantage de travail personnel à la maison, où l’élève pense par lui-même. Et moins d’heures en classe, où l’élève écrit des choses qu’il ne comprend pas.
     
  4. Une communication plus large avec les cultures étrangères. L’enseignement en langues vivantes laisse de côté les plus belles choses d’une langue donnée. De même, les philologues et linguistes apporteront leur contribution pour redessiner les programmes de langues.
     
  5. Une culture répartie plus largement sur l’histoire, à considérer prioritairement sur la culture occidentale. A cet effet, la création de commissions éducatives qui rassemblent les représentants majeurs des disciplines enseignées. Pour une éducation d’envergure, il faut que les autorités travaillent mutuellement. Les meilleurs enseignants, les plus grands historiens, philosophes, scientifiques, romanciers, sociologues, économistes seront appelés à travailler avec les autorités pour déterminer ce qui a sa place dans la culture scolaire.
     
  6. Une formation des maîtres à élargir, avec pour les futurs professeurs des cours en Sciences de l’éducation et en Psychologie de l’enfant, pour tous les enseignants du primaire et du secondaire. Il s’agira d’évaluer les professeurs à la fois théoriquement avec les examens traditionnels du CAPES et de l’agrégation et en des examens sur les compétences évoquées précédemment.
     
  7. La suppression d’un socle commun un tant soit peu restrictif, remplacé par une communication de l’esprit illimité de la connaissance. Il va s’agir de mettre les élèves dans un état d’esprit où ils développent une ambition de tout connaître. 
     
  8. Les hauts faits de l’histoire. Plutarque communiquait avec ses Vies des hommes illustres des vies d’hommes remarquables, donc des faits remarquables. Il faut plonger les élèves dans de grandes civilisations, de grandes cultures. L’élève doit rencontrer des choses qui le marquent de son influence, il faut susciter l’émerveillement de l’élève. Evoquer des faits marquants de l’histoire, et insister sur toute l’importance de ces faits. Cela stimulera dans une large mesure l’ambition d’accomplir des faits héroïques.
     
  9. L’institution scolaire devra accorder à la lecture davantage d’importance. La lecture est un exercice d’une incomparable noblesse, il nécessite la capacité de concentration profonde. Passivité du corps, activité de l’esprit dans le livre. C’est la lecture qui vous accorde une intimidé propre, un univers dans lequel personne ne peut entrer. La lecture est le premier exercice intellectuel.

Alors, vous avez pu le voir, nos générations ont été sacrifiées. Il nous faudra redoubler d’efforts pour pallier à ce manque. Posez-vous la question de savoir quelle éthique faut-il adopter pour créer un changement. La réussite dépend de vous, et ne cessez jamais de vous observer vous-mêmes. Car, à la vérité, votre éducation, c’est votre propre responsabilité. Il s’agit de l’éducation introspective que je vais tâcher de mettre en place. Je vous remercie.

Notes
 

  • Jacques Derrida, L’autre cap, Paris, Editions de Minuit, 1991
     
  • Denis Kambouchner, L’école, question philosophique, Paris, Editions Fayard, 2013
     
  • Leo Strauss, Le libéralisme antique et moderne, 1968 ; trad.fr, PUF, 1990
     
  • Cicéron, Tusculanes (45 av-JC), trad. J.Humbert, Les Belles-Lettres, 1930
     
  • Isocrate, A Nicoclés (IVème siècle av-JC), in Discours, trad G.Mathieu et E.Bremond, Les Belles-Lettres, 1938
     
  • Isocrate, Panégyrique (380 av-JC), in Discours, trad G.Mathieu, et E.Bremond, Les Belles-lettres, 1938
     
  • Cicéron, De l’Orateur (55 av-JC), trad. H.Bornecque et  E.Courbaud, Les Belles-Lettres, 1922
     
  • Montaigne, Essais (1588), trad. Français moderne C.Pinganaud, Editions Arléa, 2002
     
  • Ratio Studiorum: Plan raisonné et institution des études dans la Compagnie de Jésus (1598),Marie Madeleine Compère (sous la direction de)  trad. L.Albrieux,  édition bilingue latin-français, Belin 1997
     
  • Ferdinand Buisson, Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Editions Hachette, 1911
     
  • Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois (1854), Flammarion, 1990
     
  • Plutarque, Les vies des hommes illustres (100-110), « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1937
     
  • Erasme, Eloge de la folie (1509), Paris, Gallimard, 2010
     
  • Edouard Claparède, Psychologie de l’enfant et pédagogie expérimentale (1909), Genève, Librairie Kundig, 1925
     
  • Jean Houssaye, Le triangle pédagogique, Peter Lang, 2000
     
  • Cicéron, La nature des dieux (45 av-JC), trad. C.Auvray-Assayas, Les Belles-Lettres, 2002
     
  • Henri-Irénée Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, Editions du Seuil, 1948
     
  • Jacob Burckardt, Histoire de la civilisation grecque (posthume, 1902), Editions de l’Aire, 2001
     
  • Aristote, Ethique à Nicomaque (IVème siècle av-JC), Librairie philosophique J.Vrin, 1994
     
  • Quintilien, L'Institution oratoire (95, Ier siècle), trad. J.Cousin, Les Belles-Lettres, 1980

Information complémentaire

  • La paideia est le terme utilisé par les Grecs pour déterminer «le traitement à appliquer aux enfants pour qu’ils deviennent hommes».

     

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