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LA DEMOLITION DE MAISONS PALESTINIENNES EN ISRAËL, C’EST LA NAKBA QUI CONTINUE

Par Jihad Abu Raya http://arretsurinfo.ch/
LA DEMOLITION DE MAISONS PALESTINIENNES EN ISRAËL, C’EST LA NAKBA QUI CONTINUE

Seule une protection internationale mettra un terme à la discrimination systématique qui empêche les Palestiniens d’être assurés de conserver un toit sur la tête

Environ 70 000 familles palestiniennes en Israël vivent dans l’angoisse permanente. Elles craignent que les autorités israéliennes exécutent un ordre de démolition et abattent leur maison. Ces familles vivent littéralement une perpétuelle Nakba (exode palestinien de 1948 au cours duquel quelque 750 000 familles ont fui les massacres ou ont été expulsées).

Des Palestiniens cherchent des objets récupérables sous les décombres d’une maison démolie le 4 janvier 2017 par les bulldozers de l’armée israélienne à Beit Hanina, quartier palestinien de Jérusalem-Est, pour cause de construction sans obtention d’un permis de construction. AFP PHOTO

Ce fut précisément, la semaine dernière, le sort de onze familles palestiniennes résidant à Qalansawe, au nord, ville du Triangle, région où se concentrent plusieurs villes palestiniennes à l’intérieur d’Israël. Le soir du 9 janvier 2017, les autorités ont signifié à ces familles leur intention de démolir leurs maisons.

Le matin suivant, des bulldozers israéliens sont entrés en action, soutenus par des milliers d’agents de police et de gardes-frontière, chargés d’exécuter ces ordres de démolition.

Les autorités n’ont jamais donné aux propriétaires de ces logements une chance de soumettre leur cas à la justice et solliciter la suspension des ordres de démolition. On ne leur a même pas donné le temps de mettre leurs affaires en ordre et trouver un abri temporaire.

Du jour au lendemain, ces familles se sont retrouvées sans domicile, les autorités restant insensibles aux cris des enfants et à la vague froide qui sévit dans le pays ces jours-ci.

Une affaire de démolitions

Ce problème de la démolition de maisons à l’intérieur d’Israël n’a rien de nouveau. C’est une blessure ancienne, d’abord ouverte par la Nakba de 1948 elle-même, où Israël mit en action tous les bras et outils à sa disposition pour détruire plus de 500 villes palestiniennes, rasant les maisons et bannissant quelque 750 000 occupants.

À peine 150 000 Palestiniens sont restés dans le pays à cette époque. Israël les a traités en ennemis et estimé que leur longue présence – sans avoir saisi l’occasion de les déplacer quand il en était encore temps – constituait une erreur historique à « corriger » en les harcelant et en les poussant à l’exode. La démolition de maisons n’a été qu’un des outils parmi d’autres mis en œuvre pour atteindre cet objectif.

Les mesures prises sont en cohérence avec les recommandations du mémorandum de Koenig, document gouvernemental israélien interne et confidentiel, rédigé en 1976 – qui fut plus tard divulgué – qui débat des méthodes à employer par le gouvernement israélien pour traiter les populations palestiniennes indigènes encore présentes dans le pays. C’est aussi, de l’avis de certains, le fondement des politiques israéliennes actuelles mises en application à l’encontre des Palestiniens.

L’une des recommandations du mémorandum évoquait « d’appliquer la loi » en démolissant illégalement des maisons et en prélevant de lourdes amendes sur les propriétaires afin de leur occuper l’esprit et les détourner de l’idée même de défendre leurs droits civils.

De nombreux Palestiniens résidant en Israël construisent leur maison sur des terres qui leur appartiennent mais dont ils ne détiennent pas le titre de propriété – que les autorités israéliennes refusent de leur accorder. Ils n’ont donc pas d’autre alternative que de construire illégalement, s’exposant ainsi à de lourdes amendes (jusqu’à plusieurs centaines de milliers de shekels) – voire d’être jetés en prison.

Les propriétaires de ces maisons sont souvent mis plusieurs fois en examen pour la même affaire, et parfois plusieurs années après le début de la construction de leur maison – poursuites qui ne sont jamais abandonnées, même de guerre lasse longtemps après.

Logement précaire

Le droit au logement en Israël constitue un droit fondamental, en tous cas pour les Juifs. Le gouvernement et ses institutions, tant officielles qu’informelles, se consacrent à inscrire ce droit dans les faits et garantir définitivement une maison à chaque famille juive.

Mais il en va tout autrement des citoyens palestiniens d’Israël. Le citoyen palestinien en quête de mener une vie normale se préoccupe de se mettre un toit sur la tête mais ne peut jamais avoir la certitude d’y vivre en sécurité car il court toujours le risque de la voir à tout moment démolie.

C’est ainsi que le gouvernement s’efforce d’occuper l’esprit de ses citoyens palestiniens pour qu’ils défendent leurs besoins individuels les plus fondamentaux, afin de ne plus leur laisser le loisir d’exiger le respect de leurs droits collectifs nationaux.

C’est une politique aussi ancienne que la création de l’État d’Israël. Les statistiques officielles enregistrent la démolition de centaines de maisons palestiniennes chaque année en Israël : en Galilée ainsi que dans le Triangle et le Néguev. C’est pourquoi des milliers de jeunes Palestiniens en Israël remettent sans cesse à plus tard leur projet de mariage, car ils attendent d’avoir assez de ressources pour se construire une maison par leurs propres moyens. Ce qui ne manque pas de créer problèmes et tensions au sein des familles.

À l’intérieur d’Israël, des dizaines de villages et de sites bédouins dans le Néguev et en Galilée – où environ 90 000 citoyens palestiniens vivent à l’heure actuelle – existent depuis de nombreuses décennies. Pourtant, Israël refuse de les reconnaître ou de leur fournir eau et électricité, entre autres services fondamentaux, et leur envoie plutôt des avis de démolition.

Umm al-Hiran, village bédouin, en est une bonne illustration. Il a été menacé de démolition par le gouvernement israélien et ses habitants se sont vus frappés de bannissement, en vue de faire place nette pour qu’une ville juive, Hiran, soit édifiée sur ses ruines.

Moins de terres, plus d’interdictions

Depuis la Nakba, la population d’habitants palestiniens en Israël a été multipliée par huit environ mais les terres sous son contrôle n’ont fait que rétrécir, car elles leur ont été confisquées par le pouvoir aux termes de diverses lois.

Aujourd’hui, les Palestiniens constituent environ 20 % de la population d’Israël, mais contrôlent à peine 3 % des terres. Les deux tiers sont dédiées au logement et un tiers à l’agriculture. Plus de 1 000 villes nouvelles ont été construites depuis la naissance d’Israël : toutes juives. En revanche, pas une seule nouvelle ville palestinienne n’a été construite et les Palestiniens ont été interdits de séjour dans environ 70 % des villes israéliennes.

Une telle situation est rendue possible en raison de l’amendement à la loi des comités d’admissions. Votée à la Knesset, cette loi prévoit que soit assigné à chacune de ces villes un comité d’approbation dont la mission consiste à examiner les candidatures à logement. Comme par hasard, ces comités n’ont pas accepté une seule des candidatures soumises par les familles palestiniennes, au prétexte qu’aucune d’entre elles ne remplissait les critères de sélection pour résider dans ces villes. La Cour suprême israélienne a rejeté les appels qui mettent en doute la constitutionnalité et la légitimité de cet amendement à la loi.

La résurgence des démolitions d’habitations palestiniennes suit les menaces lancées par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, le mois dernier. Il a déclaré que, suite à l’ordre prononcé par une cour israélienne d’évacuer la colonie israélienne illégale d’Amona en Cisjordanie, il riposterait en démolissant les maisons de citoyens israéliens situées dans le Triangle, le Néguev et en Galilée. Netanyahou a justifié cette mesure en déclarant qu’elle garantissait une « application de la loi égale pour tous ».

De toute évidence, le Premier ministre a ignoré les différences notables entre les deux parties. Il se trouve que les citoyens palestiniens sont les premiers à avoir occupé ce pays et ils ne demandent pas mieux que d’être autorisés à construire leurs maisons sur les terres qui leur appartiennent. En revanche, les colons d’Amona ont construit leurs colonies sur des terres appartenant aux citoyens palestiniens, ils les leur ont volées en plein jour.

Qu’à cela ne tienne : le gouvernement israélien a mis tout en œuvre pour apporter de l’aide aux colons d’Amona et rendre légal le vol dont ils se sont rendus coupables.

Discrimination systématique

Pour obtenir un permis de construire, le propriétaire d’une maison a l’obligation d’obtenir l’approbation juridique de ses plans architecturaux. Ces autorisations sont délivrées par une organisation relevant du ministère de l’Intérieur et par des commissions de construction immobilière, dont la tâche est de garantir que les besoins en logements de chaque ville soient pourvus. À l’exception de cas très rares, tous les membres de ces comités sont juifs.

Normalement, les villes juives délivrent en quelques années leur approbation des plans architecturaux, mais dans les villes palestiniennes israéliennes, cela peut parfois prendre jusqu’à vingt ans. Les plans architecturaux juifs bénéficient de l’aide et du soutien financier du gouvernement ainsi que d’institutions diverses et variées, dont l’Israel Land Administration (administration des terres en Israël) et le Jewish National Fund (Fonds national juif), mais ces mêmes agences ne ménagent pas leurs efforts pour créer des obstacles destinés à répondre par une fin de non-recevoir aux plans architecturaux prévus pour les villes palestiniennes.

Par conséquent, les citoyens palestiniens n’ont pas d’autre alternative que de construire leurs maisons sur leurs propres terres – sans permis de construire. C’est ainsi que le gouvernement israélien se sent légitimé à constater l’infraction, à les poursuivre en justice, à les menacer de démolition, en les accusant d’avoir enfreint la loi ou de ne pas respecter l’État de droit.

Petit à petit, les villes palestiniennes se sont muées en ce qui ressemble à des ghettos, assaillis de tous les côtés. Le gouvernement israélien a obtenu un tel résultat après s’être emparé du contrôle d’environ 93 % des terres, dont celles appartenant aux Palestiniens déplacés et celles confisquées aux citoyens palestiniens. Ces villes sont entourées de terres administrées par l’Israel Land Adminisration.

En tant que tel, il est quasiment impossible d’étendre la zone constructible des villes palestiniennes. Les autorités palestiniennes locales sont souvent soumises à un chantage politique auquel elles doivent céder si elles veulent avoir une chance d’obtenir la permission d’accroître l’étendue des terres sous leur contrôle.

En réaction à la démolition de leurs maisons, les citoyens palestiniens d’Israël organisent manifestations et grèves de la faim. De temps en temps, ils reconstruisent leurs maisons démolies. Souvent, ils se rassemblent dans l’une des maisons dont la destruction a été programmée pour tenter de faire obstruction au processus qui applique inexorablement la volonté insistante du gouvernement israélien de mener ces démolitions à bonne fin.

La démolition de maisons palestiniennes en Israël ne pose ni un problème juridique, ni un problème de délivrance de permis. C’est un enjeu national, tournant autour du fait que les premiers occupants de ces régions subissent non seulement des discriminations raciales, mais sont, depuis la Nakba, également victimes d’une tentative de nettoyage ethnique, culturel et historique.

Par conséquent, la solution se trouve en dehors du système judiciaire israélien, dans la protection par les instances internationales des habitants palestiniens résidant en Israël.

Jihad Abu Raya | 19 janvier 2017

Jihad Abu Raya, avocat palestinien et militant basé au nord d’Israël, est l’un des fondateurs du mouvement Falastenyat.

Article original traduit par dominique@macabies.fr pour MEE

Post-scriptum: 
Un enfant pleure après la démolition de sa maison par les bulldozers israéliens, au sud d’Al-Khalil en Palestine, le 2 février 2016. ©AFP

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