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La détresse des Africains, devenus indésirables en Russie

Martin Mateso
La détresse des Africains, devenus indésirables en Russie

Ils vivent dans une société qui les rejette et qui ne leur accorde aucun droit. La plupart sont des étudiants africains venus en Russie pour y suivre leurs études. Diplômés ou pas, ils sont exclus de toute activité professionnelle légale et sont la cible permanente des ultranationalistes russes. Alors, ils se barricadent, la peur au ventre, dans l’indifférence générale.

Avant l’effondrement de l’URSS, les jeunes Africains affluaient à Moscou sur le campus de la célèbre Université Patrice Lumumba. Du nom du nationaliste congolais assassiné au début des années 60. Elle a été rebaptisée Université de l’amitié des peuples.

Des milliers d’étudiants étaient reçus à bras ouverts en Union soviétique. Médecins, ingénieurs, économistes, juristes... et révolutionnaires africains. Ils pouvaient poursuivre leurs études pendant des années, tous frais payés par le Kremlin, soucieux de freiner l’influence occidentale en Afrique à l’époque de la Guerre froide.

A la chute du mur de Berlin en novembre 1989, ils étaient près de 30.000 étudiants africains à fréquenter les universités soviétiques.

Avec la disparition de l'URSS, cette page a été définitivement tournée. C’est aux pays de provenance ou aux parents qu’il revient désormais de financer les études de ceux qui décrochent un visa pour la Russie.

En 2013, des étudiants venus de 42 pays africains poursuivaient leurs études dans l’ex-Union soviétique. Ils vivent dans la précarité et l’insécurité, dans une société gangrenée par le racisme anti-noir.

 «Ici c’est la Russie, on ne vous connaît pas»

Qu’ils soient détenteurs de papiers de séjour légaux ou pas, ils vivent tous dans la précarité. C’est ce qu’explique ce Camerounais qui s’est confié à RFI.

Arrivé à Moscou en 2005, il a décroché un diplôme en management d’entreprise après six ans d’études. Mais là-bas, pas de travail pour les Noirs, bardés de diplômes russes ou pas. Pour survivre, il faut travailler au noir, soupire-t-il.

Ismaël en sait quelque chose. Originaire de Côte d’Ivoire, il  passe ses journées dans la rue, à distribuer des prospectus aux passants, sous un froid glacial.

C’est «très difficile. Moins quatorze degrés, moins quinze. Tu n’as pas le choix. Tu ne peux pas rester à la maison. Qui va te donner de l’argent.»

A ses côtés, son ami congolais n’a pas fait le voyage de Moscou pour y poursuivre des études. Il y est arrivé en 2011, en fuyant son pays, avec l’espoir de rejoindre l’Europe occidentale. Son rêve s’est arrêté dans la capitale russe où il  a été surpris par le racisme anti-noir qui gangrène la société.

«J’ai des larmes aux yeux quand je dis ça. Ce n’est pas facile de vivre ici. Nous sommes au 21e siècle, mais jusqu’à maintenant, on nous injurie… j’ai même honte de prononcer ça: "Macaque, nègre, va-t-en en Afrique, ici c’est la Russie, on ne vous connaît pas"», explique-t-il à RFI.

En 2006 déjà, la violence frappe la communauté africaine de Saint-Pétersbourg. Ici des étudiants sont rassemblés sur le site du meurtre d\'un jeune Sénégalais, abattu en pleine rue par des inconnus.En 2006 déjà, la violence frappe la communauté africaine de Saint-Pétersbourg. Ici des étudiants sont rassemblés sur le site du meurtre d'un jeune Sénégalais, abattu en pleine rue par des inconnus. (Photo AFP/Sergey Kompanichenko)

Sans papiers et sans existence légale

Sans papiers, tous ces Africains qui ont suivi leurs études en Russie n’existent pas légalement. Ils ne sont donc pas autorisés à travailler.

«Je me souviens, témoigne un Malien qui vit à Moscou depuis 5 ans, c’était en 2013. On a travaillé dur sur un chantier pendant l’hiver. A moins 20 degrés. On a fait un mois là-bas. On nous a promis un salaire de 1000 euros. Après un mois, on a réclamé notre argent. Pas d’argent. On a fait du bruit. Ils ont appelé les policiers qui nous ont menacés de nous renvoyer dans nos pays.»

Leurs enfants en souffrent aussi. Ils ne peuvent pas être accueillis dans les écoles maternelles publiques. Pas de vaccination non plus pour leurs bébés qui naissent dans les hôpitaux russes. Ils n’y ont pas de droit, témoigne une Congolaise.

Dans un reportage tourné à Moscou et mis en ligne sur le site Totem-World,  plusieurs étudiants africains témoignent de leurs difficultés à vivre en Russie. Un étudiant camerounais explique qu’il doit travailler au noir pour survivre. Il vaut mieux aller chercher un petit boulot loin de la capitale, à la campagne, explique-t-il : «Avant, c’était parce que la vie était chère à Moscou que les gens allaient à la campagne. Mais maintenant, c’est beaucoup plus parce qu’il est dangereux pour les étudiants étrangers de rester à Moscou. Ils ne sont pas sûrs de revenir chez eux quand ils sortent le matin.»

Ciblés par les ultranationalistes russes

Ils sont francophones, originaires d’Afrique de l’Ouest et du Centre, mais aussi anglophones venus du Zimbabwe ou du Kenya.  A leurs conditions de vie misérables en Russie s’ajoute la violence quotidienne. Ils vivent tous la peur au ventre.

«Là-Bas, le racisme, c’est frontal», témoigne H.Baldé, un Guinéen qui a fait ses études en Russie pendant cinq ans. Il a tenu à mettre ses compatriotes en garde dans la vidéo ci-dessous, postée sur You Tube.

«Vivre en Russie en tant que noir est extrêmement difficile. Tu vas sortir dans la rue et les gens vont te traiter de singe. Tu vas rencontrer des gens bourrés qui vont t’attaquer et te massacrer. Il y a plein d’étudiants qui se sont fait tuer à cause de leur couleur de la peau seulement… Il ne faut jamais marcher seul dans la rue. Il faut être avec d’autres étudiants.»

Pour rien au monde, H. Balde ne retournerait dans l’ex-Union soviétique. Il conseille aux jeunes Africains d’éviter cette destination.

Nombreux sont ceux qui désirent rentrer dans leur pays parmi les Camerounais qui forment l’une des plus importantes communautés africaines de Russie. Mais les volontaires au départ sont démunis. Incapables de financer le billet-retour au pays natal.

 

Post-scriptum: 
Des étudiantes de l'université des télécommunications de Saint-Pétersbourg en Russie, choquées par le meurtre d'un jeune Sénégalais abattu en pleine rue en 2006. (Photo AFP/Sergey Kompanichenko)

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