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La France esclavagiste : 250 ans d’iniquités et de profits colossaux

La France esclavagiste : 250 ans d’iniquités et de profits colossaux

Retraçons en cinq questions l’histoire de la France esclavagiste (1642-1848).

1. Pourquoi la France avait-elle besoin d’autant d’esclaves aux Antilles ?
Les Français, sous l’impulsion de Richelieu, puis de Louis XIV, s’installent dans la Caraïbe dès la première partie du XVIIe siècle, près de cent cinquante ans après la découverte du Nouveau Monde. Pour le pouvoir royal, les Antilles sont d’abord une base pour attaquer les colonies de l’Espagne, sa grande rivale commerciale. Louis XIV souhaite aussi développer la culture du tabac, cette nouvelle plante exotique dont les Européens raffolent : il pousse donc ses sujets à « s’engager » dans les Antilles. En échange de leur billet pour la traversée de l’Atlantique, les Français « engagés » — des misérables qui n’ont rien à perdre — se mettent au service d’un maître, Français lui aussi, pendant trois ans. Les premiers esclaves, blancs, le sont en quelque sorte « à durée déterminée ».

« Ces engagés ont joué un grand rôle dans le défrichement des étendues naturelles, l’établissement des plantations, ainsi que dans le transfert des compétences techniques et manufacturières de l’Europe vers l’Amérique, analyse Frédéric Régent dans La France et ses esclaves. L’économie de plantation fut ainsi originellement fondée sur la servitude blanche. » A partir de 1670, la monarchie change de stratégie : elle veut développer la production de sucre, très rentable, mais qui nécessite une main d’œuvre plus importante que le tabac. Problème : les Blancs ne veulent plus trimer comme des serfs. Il faut trouver une nouvelle filière de recrutement, et vite ! La solution viendra d’Afrique, un continent où les marchands d’esclaves sévissent depuis le VIIsiècle.

esclavage

2. Un modèle économique très lucratif basé sur le « commerce triangulaire »
L’expression désigne les circuits commerciaux établis, à partir du XVIIsiècle, entre la métropole, l’Afrique et les colonies d’Amérique (qui forment les trois pointes du triangle). Première étape : les navires partent des ports français (Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Le Havre… Regardez l’infographie ci-dessous pour savoir quels étaient les plus grands ports négriers de France) chargés de marchandises de médiocre qualité destinées à payer les esclaves : ces « pacotilles » sont des armes, du vin, de l’alcool, des chapeaux ou des colliers.

Esclavage, ports, France

Deuxième étape : ils arrivent sur les côtes d’Afrique occidentale pour charger les captifs. Direction ensuite les îles d’Amérique, où les négriers vendent leurs esclaves (voir l’image ci-dessous pour connaître les principales destinations des esclaves). Avec l’argent récolté, ils achètent les productions des plantations (sucre, indigo, cacao, café, pierres précieuses) pour les rapporter en France. Ces échanges répondent au régime de « l’Exclusif » : un pacte qui interdit aux colonies de commercer entre elles ou avec les pays étrangers, et réserve aux négociants français l’intégralité des échanges.

Esclavage, Afrique,

3. Le Code Noir ou l’horreur réglementée
En théorie, l’édit de mars 1685 — ou Code Noir — doit limiter et encadrer le recours à la violence envers les esclaves. Préparé par le secrétaire d’Etat Colbert sur demande de Louis XIV, ce code de 60 articles interdit ainsi les mutilations ou la torture. Mais il considère l’esclave comme une chose, un bien meuble que son propriétaire peut vendre ou léguer. Il prévoit aussi des punitions très sévères en cas de faible cadence de travail ou de fuite : « le nègre marron (c’est-à-dire fugitif) aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur l’épaule gauche ; s’il récidive, il aura le jarret coupé et sera marqué sur l’autre épaule ; enfin, la troisième fois, il sera puni de mort. » Ce code noir restera en vigueur jusqu’à la première abolition de l’esclavage par les Révolutionnaires, en 1794.

 

« Le fouet est une partie intégrante du régime colonial, le fouet en est l’agent  principal ; le fouet en est l’âme […] le jour de la mort est le seul où le nègre goûte l’oubli de la vie sans le réveil du fouet », Victor Schœlcher, 1842.

4. Combien l’esclavage a rapporté à la France ?
Difficile de donner un chiffre global. La seule certitude, c’est que, grâce à ses colonies, le royaume de France est devenu, au XVIIIsiècle, le premier exportateur mondial de sucre, de café et de coton, les « trois pétroles » de l’époque. Grâce au travail des esclaves, elle s’est insérée dans les circuits économiques mondiaux, devenant, jusqu’à nos jours, une puissance commerciale de premier plan. Hormis la France, quelles étaient les nations qui dominaient le trafic d’esclaves ? La réponse dans l’infographie qui suit.

esclavage

Au quotidien, la traite a fait vivre des centaines de milliers de personnes en France, dans les ports comme dans les villes de l’arrière pays. Le commerce triangulaire donnait du travail non seulement aux marins et aux ouvriers des chantiers navals, mais aussi aux travailleurs des industries métallurgiques et textiles, aux employés des raffineries de sucre, des forges et des fonderies, aux personnels des manufactures d’armes… A noter toutefois que, pour les investisseurs, ce trafic était un coup de poker, car les profits oscillaient entre + 57 % et – 42 %. Découvrez la répartition des esclaves par secteur d’activité dans l’infographie ci-dessous.

esclavage,

5. Qui s’est battu pour l’abolition ?
« En France, l’abolitionnisme se heurtait à de puissants intérêts économiques et souffrait d’être confiné à un milieu intellectuel coupé d’une opinion publique indifférente au sort des Nègres », analyse Eric Saugéra dans Questions sur la traite et l’esclavage des Noirs. Ailleurs en Europe, les choses bougent : l’Angleterre vote l’interdiction de la traite (pas de l’esclavage) en 1807, les Etats-Unis en 1808, le Portugal en 1811 et la Hollande en 1814. La France, comme “forcée” de s’engager dans la même voie, promulgue trois lois dans ce sens entre 1817 et 1831. Mais cette abolition en demi-teinte rate son but : les réseaux de traite illégale explosent !

« Le prix des esclaves avait augmenté, au point que les bénéfices réalisés par certains trafiquants pouvaient atteindre jusqu’à 400 % des ressources investies », explique l’historien André Salifou. Au final, les principaux acteurs de l’abolition furent… les ex-esclaves eux-mêmes ! En 1834, le Martiniquais Cyrille Bissette, descendant de captif, est le premier à réclamer « l’abolition complète et immédiate” de la traite ET de l’esclavage. En 1840-41, l’homme politique Victor Schoelcher, blanc, lui emboîte le pas après un bouleversant voyage aux Caraïbes. En 1847, il lance en France une pétition qui sensibilise l’opinion. En 1848, Louis-Philippe abdique et la IIRépublique est proclamée. Schoelcher, devenu « sous-secrétaire d’Etat chargé des colonies », fait signer le 27 avril 1848 le décret supprimant l’esclavage. La fin d’un long combat ! « Les anciens propriétaires seront indemnisés, tandis que les esclaves affranchis ne recevront ni terre indemnisation ni terre », explique André Salifou.

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