De moins en moins utilisée à l'étranger, la graphologie reste l'un des outils importants des organismes de recrutement français. Pourtant, elle ne décrit ni la personnalité des candidats ni leur réussite professionnelle ultérieure.
Aujourd'hui, dans de nombreux secteurs d'activité économique, les entreprises de divers pays d'Europe fusionnent afin de mieux résister à la concurrence internationale. Les méthodes de production s'harmonisent, tout comme les méthodes d'administration. Les partenaires des divers pays unifient leurs techniques de recrutement. Certaines pratiques qui subsistent en France, telle la graphologie, sont aujourd'hui controversées par les partenaires étrangers des entreprises françaises.
Quelle est la place actuelle de la graphologie dans les processus d'évaluation de candidats à l'embauche? Quel est l'intérêt de la technique? Quelle est la qualification des graphologues? La graphologie est-elle une science humaine? L'utilisation de l'analyse graphologique au cours du recrutement est-elle justifiée d'un point de vue éthique, juridique ou économique?
Commençons l'examen de ces questions par une estimation de la place de la graphologie dans les méthodes d'évaluation des candidats employées par les organismes de recrutement. Selon le Groupement des graphologues-conseils de France (ggcf), dont le journal Le Monde a publié une lettre en 1997, les critiques formulées à l'égard de la graphologie ne prennent pas en compte «le développement de cette discipline et son utilisation dans de nombreux pays d'Europe, de même qu'aux États-Unis». Développement de la graphologie? Nous avons effectué une enquête pour juger objectivement de sa place actuelle.
En 1989-1990, nous avions consulté 102 organismes de recrutement français (60 cabinets, 42 entreprises) : 99 pour cent d'entre eux utilisaient des entretiens pour évaluer les candidats, 93 pour cent l'analyse graphologique (dont 55 pour cent systématiquement, 38 pour cent occasionnellement), 63 pour cent les tests d'aptitudes, et 61 pour cent les tests de personnalité.
Deux études plus récentes ont confirmé ces chiffres. Par exemple, en 1993, une enquête auprès de 113 organismes français (essentiellement de grosses entreprises) a montré que 66 pour cent d'entre eux recourent à la graphologie (34 pour cent toujours et 32 parfois). Et, en 1999, une enquête auprès de 62 cabinets français a établi que 95 pour cent utilisent la graphologie, dont 50 pour cent systématiquement et 45 pour cent occasionnellement. Les trois études donnent des résultats cohérents : l'analyse graphologique est systématiquement utilisée au cours des recrutements, en France, par un tiers à une moitié des organismes.
Et dans les autres pays? Heinz Schuler, de l'Université de Stuttgart, a mené en 1991 une enquête analogue auprès de 100 entreprises allemandes (représentatives des entreprises du pays) et observé une réduction considérable de l'utilisation de la graphologie depuis quelques années. L'image de la méthode est très mauvaise dans le public comme dans la communauté chargée du recrutement du personnel.
Dans les autres pays européens (sauf la France, bien sûr), les résultats sont analogues. En 1994, V. Shackelton, de l'École d'administration des affaires de Birmingham, a comparé 250 entreprises de cinq pays d'Europe : la graphologie n'est plus utilisée que par deux pour cent des or...