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LA MENACE D’UN NOUVEAU SEISME MAJEUR

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LA MENACE D’UN NOUVEAU SEISME MAJEUR

Nul n’a besoin d’être convaincu que le risque sismique est le risque naturel le plus meurtrier et le plus dévastateur. En Haïti, ce risque reste encore très menaçant, en témoignent les dernières mises en garde des spécialistes. En effet, l’historicité des séismes en Haïti depuis le début du 18 ème siècle montre que le pays a connu plusieurs  séismes majeurs, par exemple, celui de 1842 qui avait détruit la ville du Cap Haïtien et entrainé la mort de la moitié de la population de cette ville soit 5.000 personnes sur 10.000, sans oublier bien sur celui de 2010. La faille Enriquillo à elle seule est responsable de cinq séismes[1] majeurs depuis 1701 (1701, 1751, 1770, 1860, 2010) soit en moyenne un séisme majeur tous les 60 ans environ. Quant à l’autre grande faille importante du territoire, la faille septentrionale, elle est responsable depuis 1842, de trois séismes majeurs (1842, 1887, 1904) soit un séisme majeur tous les 56 ans en moyenne (voir carte). Aujourd’hui on dépasse très largement cette moyenne, on doit s’attendre donc, à n’importe quel moment, à un séisme de très forte magnitude dans la région du nord d’Haïti.

Le nord du pays est en sursis d’un nouveau séisme majeur. Les petites secousses sismiques que la région connait depuis quelques temps font partie des signes avant-coureurs annonçant la catastrophe à venir. Rappelons que le département du Nord d’Haïti, selon les derniers chiffres de l’IHSI (Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique)[2] datant de janvier 2012, accuse une population totale de 1 018 411 habitants, dont près de la moitié vivent en zone urbaine avec toutes les conséquences que l’on connait (bidonvilisation, très forte densité, constructions en dur inappropriées, constructions en zones instables et liquéfiables etc.) La deuxième ville du pays (le Cap-Haitien) située dans ce département est l’illustration parfaite de la gravité de la situation, elle a une densité de 12.842 hab./km2 pour une population de 163.222 habitants[3]. La ville est sans services de secours, sans voie de pénétration dans les bidonvilles, sans pompiers, sans système d’alerte à la population pour des risques de tsunami, sans un plan d’urgence à la hauteur du danger, pour ne citer que ces déficiences. Précisons rapidement que les départements du nord-est et du nord-ouest ne sont pas à l’abri de ce danger.

 

Tenant compte de cette grande menace de plus en plus imminente, le pays doit prendre des mesures structurelles dans les meilleurs délais pour limiter les dégâts à venir et éviter la répétition du drame du 12 janvier. Il est impératif pour le pays de mener une politique nationale de gestion des risques, impliquant les collectivités territoriales. Celles-ci doivent être à la base des actions de connaissance des aléas et des risques, de prévention et de réduction de la vulnérabilité et à la sensibilisation des citoyens. Il faudra aussi prendre une loi sur la sécurité civile et tenir compte des risques dans tous les projets d’aménagement du territoire et surtout élaborer une réglementation et des règles de construction parasismique en veillant à ce qu‘elles soient respectées.

 

Mais des mesures immédiates doivent être prises aussi, par exemples, entreprendre une campagne de sensibilisation massive auprès des populations sur les gestes à faire avant, pendant et après un séisme, entamer une formation au secourisme à grande échelle, former des services de secours et les pourvoir d’équipements nécessaires en cas de catastrophe, renforcer les bâtiments stratégiques de la région (Hôpitaux,  bâtiments de services publics de base, commissariats etc.), créer des voies de pénétration dans les quartiers pour permettre l’accessibilité aux services de secours et créer aussi des sorties de secours dans les lieux accueillant plusieurs dizaines de personnes et plus (écoles, universités, salles de spectacle etc.). Il faut aussi interdire les constructions dans les zones à risques et relocaliser progressivement et de façon ordonnée les populations se trouvant dans des zones susceptibles de connaitre des effets de site (glissement de terrain, liquéfaction ou autres), mettre en réserve des médicaments d’urgence, identifier et renforcer les bâtiments pouvant servir d’abri. La surveillance du littoral, la création de voies d’évacuation en cas de tsunami et la mise en place d’un système d’alerte sont aussi indispensables. Le pays doit saisir cette opportunité pour concevoir enfin un plan d’aménagement du territoire qui tiendra compte des risques existants et permettra la réduction de la vulnérabilité de la population.

 

Ces mesures ne peuvent pas attendre. Or, les ressources limitées de l’État haïtien, ses faiblesses, son incapacité à organiser la société et l’extrême pauvreté de la population représentent des obstacles majeurs à la mise en œuvre de ces mesures.  Aujourd’hui plus que jamais, Haïti a besoin de ses partenaires occidentaux pour l’accompagner et l’aider à éviter une catastrophe similaire à celle du 12 janvier 2010. Le gouvernement actuel et l’international sont face à une situation qui s’annonce plus que catastrophique pour Haïti. Il faut agir vite et bien dans l’intérêt de cette population qui ne pourra pas se relever d’un nouveau drame. Il faut qu’on accepte enfin que la décentralisation, le renforcement des collectivités territoriales, la consolidation des institutions, la relance de l’économie du pays pour le soustraire progressivement de la perfusion financière étrangère doivent représenter les axes centraux des actions du gouvernement et de toute coopération avec l’international. Car en matière de réduction des risques de catastrophe, aucune mesure de mitigation n’est viable sans la résolution des problèmes structurels.

 




 

http://www.earthmagazine.org/article/haitian-quake-no-shock-geologists

 

 Hervé Saint Preux

 Géographe, gestionnaire de risques majeurs

Chargé de projets en gestion des risques 

auprès des MRC  de Beauharnois-Salaberry 
et du Haut Saint Laurent (Québec, Canada)
Tél : 438 878 4166
 saintpreuxherve@gmail.com

 Août 2012

 

 [1] http://downloads.dadychery.org/Haiti_BSSA_in_press.pdf

[3] Ibid.

 

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