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LA NOTION DE « DEMISSION » INCONNUE DANS LE CHAMP POLITIQUE MARTINIQUAIS ?

   LA NOTION DE « DEMISSION » INCONNUE DANS LE CHAMP POLITIQUE MARTINIQUAIS ?

   Les règles de la démocratie à la française ont été lentes à s’installer dans les colonies où longtemps a régné une caste de colons farouchement opposée au suffrage universel, même après l’abolition de l’esclavage et l’instauration d’une égalité formelle entre tous les citoyens de quelque origine raciale qu’ils fussent. Dans le cas précis de la Martinique, cas particulier s’il en est, il faut se rappeler qu’au moment où éclate la Révolution française (1789), la caste békée fait passer l’île sous le contrôle de l’Angleterre, à l’époque ennemie de la France, dans le but d’éviter justement la libération des esclaves. Ce qui fait que si Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti), la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion bénéficièrent de la première abolition, celle de 1793, la Martinique n’en connut qu’une seule, celle de 1848.

   Ensuite, les Békés s’opposèrent avec une énergie farouche, durant tout le XIXè siècle en fait, à la montée de la classe mulâtre et à son accession aux postes politiques importants. Dans le Saint-Pierre d’avant l’éruption, ces deux ethnoclasses s’affrontèrent sans merci au plan électoral, notamment à travers leurs principaux organes de presse : « Les Antilles » pro-béké et « Les Colonies » pro-mulâtre. Finalement, à compter du siècle vingtième du nom, l’ancienne aristocratie blanche créole céda presque totalement l’arène politique à la nouvelle bourgeoisie de couleur laquelle occupa désormais la quasi-totalité des postes électifs avec le soutien de l’ethnoclasse noire pas encore totalement libérée des rets de l’ « Habitation » et encore passablement ligotée à la Rue Case-Nègres. Puis, après la deuxième guerre mondiale, ce fut au tour d’une petite bourgeoisie (noire et mulâtre) d’émerger et d’investir progressivement l’arène politique, rendant quelque peu obsolète l’ancienne bourgeoisie mulâtre qui s’était en réalité calquée sur la classe békée qu’elle combattait pourtant. Et maintenant, c’est au tour des « fils du peuple », des quartiers populaires et des quartiers campagnards pauvres, d’accéder au pouvoir politique.

   De nos jours, si les ethnoclasses perdurent, l’aspect « ethno » a perdu du terrain par rapport à l’aspect « classe » et, par exemple, le terme « mulâtre » ne renvoie plus qu’à un phénotype ou à une (ancienne) mentalité et plus guère à un groupe social parfaitement identifiable, aux contours bien définis. La fameuse politique d’ « assimilation » qui a suivi la loi de 1946 transformant les quatre « vieilles colonies » en départements d’Outre-mer n’y est pas pour rien. On a commencé, en effet, à assister à un processus de normalisation de la vieille société coloniale martiniquaise, c’est-à-dire de rapprochement avec celle de l’Hexagone, non seulement au plan social, linguistique et culturel, mais aussi politique. La Martinique a commencé de plus en plus à ressembler à une province française et ses hommes politiques à des notables provinciaux.

   L’arrivée de la radio dans les années 50, puis de la télévision dans les années 60, la facilité des voyages vers la « Mère-Patrie » à compter des années 80 du siècle dernier, l’installation conséquente de natifs de l’Hexagone dans l’île etc…, tout cela a peu à peu contribué au processus de « normalisation » évoqué plus haut, processus qui correspond à rien d’autre qu’à une francisation apparemment inexorable du corps social martiniquais dans tous les domaines, sauf celui de la musique. Ainsi donc, on ne trouve (ou ne devrait) plus guère trouver de différence entre un maire martiniquais et un maire bourguignon, entre un conseiller général ou régional martiniquais et un conseiller général ou général vendéen, entre un député et un sénateur martiniquais et leur alter ego mosellan ou provençal. D’autant que tout ce beau monde est régi par le même système politique et tenu d’appliquer exactement les mêmes lois d’un côté de l’Atlantique comme de l’autre.

   Il n’y à qu’un hic. Un hiatus, une différence profonde, une anomalie, une incongruité. Peu importe comment on l’appelle. L’homme (/la femme) politique martiniquais (e) ne démissionne JAMAIS. Jamais de son plein gré en tout cas. Sauf s’il vise un autre poste, politique ou pas, plus intéressant, plus important ou plus rémunérateur. Dans l’histoire moderne de la Martinique, il n’y a guère que l’exemple d’Olga Delbois (Parti socialiste), maire des Anses d’Arlets qui se soit retiré de son plein gré et cela sans obtenir ou chercher une position équivalente ou meilleure dans le champ politique ou ailleurs. Car il existe bien sûr des maires qui rendent leur écharpe pour devenir sénateur, député ou député européen. Ou plus rarement pour obtenir un poste important dans l’administration ou le secteur privé. Mais le maire, le sénateur ou le député qui dit : « J’en ai assez fait, je cède la place à d’autres, je rentre chez moi cultiver mon jardin ! » ou « Je suis trop vieux ! Je laisse la place à la génération suivante » ou beaucoup mieux « j’ai eu quelques manquements, comme en témoigne mes ennuis judiciaires et donc j’ai l’obligation morale de me retirer » est aussi rare qu’un œuf de cochon comme on dit comiquement en créole.

   L’homme (/la femme politique) martiniquais (e) s’accroche donc à son poste avec la dernière énergie et c’est souvent la vieillesse ou la mort qui l’arrache à son strapontin. Et cela quelle que soit son appartenance politique ! Toutefois, on peut comprendre que la personne se sente, à tort ou à raison, investie d’une mission et qu’elle ne souhaite pas s’en aller avant d’avoir accompli celle-ci. C’est tout à fait humain. Par contre, où ça ne l’est pas du tout, mais alors là pas du tout, c’est quand des politiques ont été convaincus, condamnés, soupçonnés d’avoir commis des infractions à la loi (qu’ils sont pourtant chargés de faire respecter !), quand des politiques sont mis en examen pour détournements de fonds publics ou délit d’abus de biens sociaux et banqueroute, quand des politiques ont fait un tour, même bref en prison, quand ils ont été contraints de payer de lourdes amendes et qu’ils s’accrochent quand même à leur petit pouvoir.

   Dans pareil cas, cela est tout simplement inadmissible ! Car tout élu a un devoir de probité, d’intégrité, de respect, y compris dans sa dimension verbale. Il représente ceux qui l’ont élu et non lui-même ! Il ne peut donc, comme un vulgaire citoyen lambada, employer des expressions comme « chien abiyé an moun » ou « vermine à karchériser ». C’est qu’en Martinique, beaucoup d’élus tendent à oublier que c’est le peuple qui les élit et que ce dernier n’a nulle obligation de le faire si le comportement de ces élus n’est pas digne de leur confiance. Il faut donc, aussi incongru que cela puisse paraître, rappeler au peuple, son pouvoir de faire et de défaire les élus et à ceux-ci qu’ils sont en permanence sur un siège éjectable.

 Des élus en délicatesse avec la probité indispensable à leur fonction,  on en a moult exemples dans l’histoire récente de la Martinique. Tel maire qui passe par la case Ducos, qui y fait à peine un mois et demi et qui en sortant ose se comparer à Nelson Mandela et d’ailleurs se fait réélire à l’élection suivante avec…77% des voix. Malgré une condamnation en bonne et due forme ! Telle autre qui est mise en examen pour délits d’abus de biens sociaux et banqueroute et qui, au lieu de démissionner franchement, pour faire toute la lumière sur son affaire et éventuellement démontrer son innocence, préfère user de stratagèmes piteux pour continuer à occuper son strapontin. En créole on dit « sé moun-tala pa ni kaka bò zié », autrement dit « ces personnes n’ont aucun sens de l’honneur ». C’est, hélas, la triste vérité dans ce bateau ivre qu’est devenu la Martinique depuis quatre ans, pays où se multiplient les « affaires », les trafics en tous genre (de drogue notamment), les magouilles, les prises d’intérêt illégales, le népotisme à un degré ahurissant, le clientélisme sans limite et le macoutisme larvé.

   Triste Martinique, oui, où les élus corrompus ou soupçonnés de corruption (ou de prévarication) ne démissionnent jamais et où le bon peuple continue à les réélire comme si de rien n’était !

   Méditons cette phrase de George Orwell : « Un peuple qui élit des corrompus…n’est pas victime, il est complice ! ».

Commentaires

GIRIER-DUFOURNI... | 23/08/2015 - 18:17 :
En effet, nous sommes complices...............
Yékrik | 24/08/2015 - 08:17 :
Vous avez oublié monsieur Arthur REGIS, ancien PPM, et qui a démissionné du conseil général, dans les années 70 pour protester de l'inanité de cette institution.

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