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La Nouvelle-Calédonie, l’archipel où la tradition kanak a force de loi

Par Aline Maume
La Nouvelle-Calédonie, l’archipel où la tradition kanak a force de loi

Chez les Kanak, la coutume, loin d’être un folklore, recouvre des règles très actuelles, traduites dans le droit local. Lorsqu’un Kanak naît, son «tonton», l’oncle maternel (appelé aussi «oncle utérin»), souffle sur son nez et ses oreilles pour lui insuffler symboliquement la vie. L’enfant recevra le nom et la terre du clan paternel, ainsi que son totem (lézard, tortue, requin, kaori, igname…). 

Dans cette société fondée sur la transmission orale, le rituel qui entoure la naissance est une des multiples composantes de la «coutume». Autrement dit, les règles qui régissent la vie des Kanak. «Elles définissent leurs devoirs et leurs obligations vis-à-vis de la communauté, mais aussi leur lien à la terre et au sacré», explique Emmanuel Tjibaou, fils de Jean-Marie Tjibaou et le directeur du centre culturel Tjibaou à Nouméa. La coutume se matérialise par des gestes d’offrande (igname, «monnaie», «manou»…) et des rites qui rythment les étapes de l’existence (naissance, mariage, deuil, alliance et pardon entre clans). Elle dicte la bienséance, la place de chacun, le respect des anciens… Ce terme est familier à tout Calédonien, puisqu’il désigne ici un «droit coutumier », réservé aux Kanak, qui cohabite avec le droit français.

Depuis l’accord de Nouméa, les Kanak disposent en effet d’un statut civil particulier (art. 75 de la Constitution de la Ve République), appelé «statut coutumier». Par conséquent, ils ne sont pas soumis au code civil (il en est de même à Mayotte et Wallis-et-Futuna). En 2015, sur 269 000 habitants, ce statut concernait 134 022 personnes, enregistrées depuis leur naissance dans un registre spécifique. Les terres coutumières attribuées aux tribus sont quant à elles, selon la loi, «inaléniables» et «incessibles». Depuis 1982, des assesseurs, nommés par le palais de justice de Nouméa, siègent aux côtés des juges assermentés afin de leur expliquer ce que prévoit la «coutume». Et, depuis 2007, des agents territoriaux sont chargés d’établir les actes coutumiers liés au mariage, à la succession… Le clan, lui, est reconnu comme personne morale depuis 2011. Peut-on «échapper» à la coutume ? Pas simple : «Un Kanak sans “coutume”, cela n’existe pas, affirme l’écrivain Catherine C. Laurent, auteure de Calédoniens (éd. Ateliers Henry Dougier, 2017). La notion d’individu n’existe pas dans leur culture.» La coutume établit aussi une hiérarchie entre les clans (non reconnue par la loi) et entre l’homme et la femme, reléguant encore souvent cette dernière à un rôle de second plan.

3 choses à savoir sur la tradition kanak

La “monnaie”, le fil de la vie : Yvonne Sahilé est l’une des seules fabricantes de «monnaie» kanak. Objet rituel sans valeur fiduciaire, ce brin de laine sur lequel sont enfilés des os de roussette (une chauve-souris), des coquillages et, parfois, des dents de baleine ou des antennes de langouste s’offre lors des naissances, des mariages et des deuils. Il symbolise le fil de la vie, la case et la famille. Cette «monnaie» kanak n’a pas de prix, mais elle s’échange. «Pas contre des billets de banque, mais un cochon sur pied, un régime de bananes ou des ignames», précise Yvonne.

La case, tout un symbole : parfois encore lieu d’habitation, elle est surtout l’espace sacré où se prennent les grandes décisions.

L’igname, le tubercule sacré : sorte de longue pomme de terre à chair rouge ou blanche, riche en amidon, l’igname est un aliment commun sous les tropiques. Mais en pays kanak, où elle serait arrivée il y a 3 000 ans dans les pirogues des navigateurs océaniens, elle est bien plus que la base de l’alimentation : son cycle végétatif – du défrichage des champs, en juin, à la récolte, en mars – sert encore de calendrier. L’igname est aussi symbole de virilité (la femme, elle, est représentée par le taro d’eau, autre tubercule). Quelque 145 variétés sont répertoriées en Nouvelle-Calédonie. Une grande partie est entreposée au Conservatoire de l’igname, à Païta, sous les auspices de Stacey Selefen, agronome qui travaille à dresser la «carte d’identité» de ces tubercules, avec leur nom et leur valeur symbolique. «Les vieux disaient : quand tu fais ton champ, n’y amène pas n’importe qui ! raconte-t-il. Car celui qui sait lire un champ d’igname connaît tes points forts et tes points faibles.»

Post-scriptum: 
La case traditionnelle mélanésienne du chef de la tribu de Hinthalo, sur l'île de Lifou. © Xavier DESMIER /Gamma-Rapho via Getty Images

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