Les Tamouls du Sri-Lanka vivent en ce moment une tragédie qui semble laisser la communauté internationale indifférente. A Paris, une manifestation d’immigrés tamouls protestant contre les exactions commises par le gouvernement de Colombo a été violemment réprimée et 200 personnes ont été arrêtées. La Communauté Européenne est quasi-muette. Aux Etats-Unis, on s’est contenté d’appeler le Sri-Lanka à « la retenue », langage diplomatique codé qui signifie « Continuez, on ferme les yeux ! ». Il est vrai que tant l’Europe que les Etats-Unis ont classé les « Tigres Tamouls », l’organisation de résistance des Tamouls Sri-lankais, dans la liste des organisations dites « terroristes ». Les Tigres ont même été, dès les années 70, la toute première organisation à inaugurer ladite liste !
Plus curieux est le silence ou l’inactivité de l’Inde, préoccupée par ses élections qui, il est vrai, ne sont pas une mince affaire dans un pays qui compte plus d’1 milliard d’habitants. Certes, dans l’état du Tamil-Nadu, peuplé de Tamouls, on manifeste et pétitionne pour les « frères » du Sri-Lanka. On accueille dans des camps ceux qui ont réussi à traverser l’étroit bras de mer qui sépare la grande île du continent. Mais aucune action concrète n’est envisagée pour faire pression sur Colombo afin de l’obliger à cesser ce qui s’apparente à non pas un génocide, mais une tentative de génocide. Aux Antilles, à l’inverse des Syo-libanais antillais toujours prompts à manifester en faveur de la Palestine, rien, à ma connaissance, n’est prévu par les Indo-Antillais pourtant majoritairement d’ascendance tamoule.
En fait, le drame des Tamouls sri-lankais est assez semblable à celui que vit les Palestiniens. Dans les deux cas, un peuple installé sur ses terres depuis des centaines, voire des milliers d’années, est en passe d’être purement et simplement rayé de la carte. Si en effet, la majorité des Sri-lankais est de culture et de religion bouddhiste, dans le Nord de l’île a toujours existé une présence tamoule et hindouiste immémoriale. Pour compliquer les choses, existe aussi une minorité musulmane, d’origine tamoule elle aussi, qui se trouve ballottée depuis quarante ans entre bouddhistes et hindouistes, encore que ce conflit ne soit pas strictement religieux. Il est plus largement culturel et aussi politique, les divers gouvernements ayant dirigé le pays depuis l’indépendance étant plutôt pro-occidentaux alors que la résistance tamoule est plutôt anti-impérialiste. On se souvient sans doute que ce sont des instructeurs « Tigres tamouls » qui, à la fin des années 70, se sont installés dans la plaine de la Bekaa, au Liban, pour enseigner aux mouvements de résistance palestinien les techniques de l’attentat-suicide notamment.
Si les Tamouls du Sri-lanka sont arrivés à de telles extrémités, c’est, tout comme leurs frères palestiniens, en désespoir de cause, c’est parce que toute solution était bouchée. Parce que le pouvoir de Colombo refusait et refuse toujours d’entendre leurs revendications. Ce n’est pas par goût du sang et de la violence. Tamouls sri-lankais et Palestiniens aspirent à vivre en paix comme tout le monde et cela dans un pays où ils ne seront pas considérés comme des citoyens de seconde zone ou des parias. Et de fait, les « Tigres » réclament la création d’un état tamoul dans le Nord de l’île. Qu’y a-t-il d’absurde à cette demande ? On a dû mal à le comprendre. Hispaniola n’est-elle pas partagée entre Haïti et Santo-Domingo ? Le Timor entre une partie indonésienne et une partie indépendante, dite « Timor oriental » ? Autant on admet facilement les séparations s’agissant de territoires continentaux (personne n’a trouvé absurde que la Slovaquie se sépare de la Tchéquie, par exemple), autant dès qu’il s’agit d’une île, par une sorte de réflexe conditionné, on s’imagine toujours que celle-ci doit obligatoirement former un état unitaire.
Quand on pousse l’analyse plus loin, on se rend compte que finalement le vrai drame des Tamouls du Sri-lankais, comme celui des Tibétains d’ailleurs__et cela à l’inverse des Palestiniens__, c’est que leur pays ne représente aucun enjeu économique majeur pour l’Occident. Il n’y a pas, au nord du Sri-Lanka et au Tibet, de pétrole, de fer, de cuivre, d’uranium à exploiter alors que la Palestine se trouve à quelques encablures des puits de pétrole du monde arabe, puits que les Occidentaux tiennent absolument à contrôler quitte à soutenir un état qui a déjà rejeté 247 résolutions de l’ONU comme Israël ou à envahir un autre pays (l’Irak) au motif qu’il s’y trouverait des armes de destruction massive.
Tout ceci prouve une fois de plus que les fameux « Droits de l’homme » dont les Occidentaux ne cessent de nous rabâcher les oreilles sont une pure fumisterie. Quand les intérêts politiques et économiques européens et étasuniens ne sont pas menacés, les grandes consciences occidentales se taisent et si, de temps à autre, elles font mine d’avoir de la compassion pour le Dalaï-Lama et le peuple tibétain, ce n’est pas par réelle sympathie pour la cause de ces derniers, mais uniquement pour enfoncer l’épine dans le pays du géant chinois dont ellent assistent, terrifiée, à l’inexorable montée en puissance.
Nous, Antillais, qui comptons de nombreux descendants de Tamouls dans notre population, ne devons pas rester indifférents au drame que vivent les Tamouls du Sri-Lanka même si ce pays est loin et peu connu de la plupart d’entre nous. Il faut que nos parlementaires interviennent publiquement sur les medias français et fassent pression sur le gouvernement français pour que ce dernier, non seulement permette aux immigrés tamouls de France de manifester librement, mais aussi prenne ses responsabilités au niveau de l’ONU.
Il ne faut pas que les justes luttes syndicales menées en janvier et février dernier par les uns, ni les Etats-généraux auxquels s’adonnent les autres, ni le juste combat en faveur de l’article 74 auquel se sont attelés d’autres encore, nous fassent oublier notre devoir internationaliste.
{{Raphaël Confiant}}
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