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L'AFRICAIN

L'AFRICAIN


L'africain
 

J'accepte ... j'accepte entièrement sans réserve...

ma race qu'aucune ablution d'hysope et de lys

mêlés ne pourrait purifier.

A. Césaire

 

Noble émigrant des savanes sahéliennes

qui poussait en bou-bou safrané

dans les sables de latérite un troupeau épars de chèvres faméliques,

ou peut-être, pêcheur de crabes Haoussa sur les bords de la Volta Noire

qui palabrait sur les marchés de Ouasso,

en malinké, en dioula, en mossi, en peul,

ou encore étameur Mandingue des faubourgs miséreux de Ouagadougou,

il rêvait de mains secourables, de cités opulentes.

Il rêvait de la France éternelle, accueillante.

Vous n'avez pas voulu de lui.

Il portait dans ses yeux jaunes les blasons de sa race,

le cheveu dru, crépu, le corps noueux aux muscles longs,

une bouche à lèvres lippues estuaire d'une opaline denture,

un nez de buffle, épaté,

et la peau, chasuble funéraire, plumage héraldique,

noire, noire comme les cendres du Congo,

comme les pluies de suie des futures apocalypses,

noire comme vos âmes, antillais,

noire et belle comme une nuit sans lune sur les rives du lac Tanganyika,

belle comme l'ombre des baobabs bruissante de palabres,

noir étendard négroïde flottant au vent de l'histoire.

Vous n'avez pas voulu de lui.

Il migra par hasard vers cette Martinique française,

hespéride de ces rêves, chez ses frères,

lointains rameaux ployés d'un même tronc,

scission douloureuse des racines sous la dichotomie des négriers.

Il cherchait à survivre, passant considérable en nobles haillons,

loin de la miséreuse Afrique, dépouillée, moribonde,

il cherchait les mannes providentielles, les reliefs du festin des anciens colons.

Vous n'avez pas voulu de lui.

O peuple abâtardi, esclaves déshonorés,

diptères vibrionnant sur la charogne de votre Histoire,

vos vétilleuses logomachies sur l'antillanité,

logorrhée d'eunuques, lassent mon âme de juif errant.

Sur le delta des races, vous cherchez les bras clairs.

Honteux de vos allèles de suie,

vous grouillez sur les cuves empuanties des tanneries,

avides pour vos cuirs de sauriens,

de pigments clairs, laiteux, chaulés, opalins.

Vous n'avez pas voulu de lui.



Il est parti bien vite, triste et résigné,

doutant de vos réminiscences africaines, mémoire oublieuse.

Lui, affranchi du passé est retourné sur sa terre d'ébène.

Et moi,

bartavelle dérisoire sous le ciel tropical,

engoulevent roux aux longues migrations,

je veux chanter

ta terre craquelée de Bogandé, de Kaya, de Kourdougou,

les rives du Beli, les limons du Congo, Kongoussi au bord du lac de Bam,

les hautes herbes du plateau Mossi,

la noria de soleils sur les savanes brûlées de Wa, de Navrongo.

Et ton pelage marbré, panthère noire d'Afrique,

fier descendant des terribles guerriers massaïs,

des empereurs d'Ethiopie, des dieux animistes des hauts plateaux de Tanzanie,

ta race élue.

 

Thierry CAILLE



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