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L’AGRO-ECOLOGIE AU SENEGAL, UN ENJEU MAJEUR

http://www.senegal-export.com/
L’AGRO-ECOLOGIE AU SENEGAL, UN ENJEU MAJEUR

La demande et la production en matière de produits « bio » sont croissantes au Sénégal. L’agro-écologie prône la pratique de méthodes naturelles en réponse aux problèmes sanitaires et environnementaux graves posés par l’agriculture intensive. Ceci s’inscrit dans une émergence durable et viable à long terme.

Cependant l’agriculture biologique subit encore de nombreuses contraintes à son émancipation : elle manque de visibilité (absence de statistiques propres et de communication à tous les niveaux), n’est pas couverte par la loi au Sénégal et demeure marginale.

Une émergence éparse et l’esquisse d’une collaboration entre les acteurs sont toutefois sur le point de voir le jour. Pour eux, le chantier est colossal et l’enjeu, majeur.

En agro-écologie,, les produits chimiques ou génétiquement modifiés sont formellement rejetés, au profit de méthodes comme la permaculture, qui, renouant avec une culture qui varie les espèces, évite l’appauvrissent des sols provoquée par la monoculture, et, allié au compostage (engrais naturel), participe à l’enrichissement du sol. Pour lutter contre les insectes qui attaquent les cultures, on permet à des espèces prédatrices des insectes néfastes de croître, comme les coccinelles contre les pucerons, grâce à certains choix de plantes qui les attirent.

LES MÉFAITS DES PRODUITS CHIMIQUES

Il est maintenant reconnu que les pesticides et engrais chimiques sont responsables de formes de cancer, perturbations neurologiques, malformations congénitales, entre autre, tant pour le producteur que pour le consommateur. Or, à ce jour, l’agriculture industrielle sénégalaise emploie en moyenne, annuellement, selon des estimations du ministère de la Direction de l’horticulture, 598 tonnes de pesticides solides et 1 336 560 litres de pesticides liquides, sans compter les tonnes d’engrais chimiques et les graines à semence unique génétiquement modifiées (OGM) en cours sur le marché... On est en droit de s’inquiéter.

L’utilisation d’engrais chimiques épuise la terre et appauvrit les paysans au fil des années. Pour maintenir un rendement correct, les agriculteurs se voient contraints d’augmenter les doses et en deviennent dépendants. Le cas du Bassin arachidier, où les paysans sont habitués aux intrants chimiques (engrais), et où, par conséquent, les sols sont appauvris, est éloquent précisément sur les conséquences de ces pratiques. Le sac d’engrais chimique est très cher pour les paysans (50 kg pour 11 000 F CFA (environ 19 $ EU), qui s’endettent et parviennent difficilement à rembourser leurs frais après commercialisation, comme notamment dans la filière cotonnière de la région de Tambacounda, Sénégal Oriental.

A cela s’ajoute le fait que l’utilisation de produits chimiques impacte la qualité de l’eau. Dans la région du Fleuve Sénégal, l’agriculture dite conventionnelle du riz, de la canne à sucre et de la tomate, avec l’emploi massif d’engrais chimiques, renvoie par effet de ruissellement les nitrates dans le fleuve depuis longtemps. Cela met en question la potabilité de l’eau pour les habitants de la région ainsi que l’élevage. Généralement, l’agro-écologie est exercée sur des superficies qui ne dépassent pas un hectare, des parcelles qui appartiennent le plus souvent à des groupements de femmes. Si le champs voisin est envahit de pesticides et d’engrais chimiques, par écoulement de l’eau, les cultures que l’ont croit « bio » sont aussi contaminées.

Comme les engrais chimiques, les semences de type OGM (organisme génétiquement modifié), non reproductibles, c’est-à-dire qui ne produisent qu’une fois avant de devenir stériles, entraînent les agriculteurs dans un cercle de dépendance redoutable. Elles sont pourtant entrées dans les pratiques culturales des paysans non seulement au Sénégal mais aussi plus généralement en Afrique de l’Ouest, distribuées par des multinationales porteuse de ce type d’agriculture (ex : Monsanto), alors que l’impact sanitaire des OGM pose question, et que certains pays comme l’Islande les ont interdites.

PEU DE STATISTIQUES NATIONALES

Aucune statistique nationale ne fait état de l’étendue de cette pratique. D’après un employé, qui préfère rester anonyme, du Recensement des Général des Entreprises Agricoles RGE avec l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie ANSD, « La question des intrants agricoles revient souvent, mais pas sous le volet des semences. Les semences horticoles sont le plus souvent importées, ce qui pose la question de la traçabilité. Il serait intéressant dans le cadre de ce travail d’intégrer cette variable. Ce n’est malheureusement pas l’objectif du recensement. Des investigations sur ce sujet pourraient aider à y voir plus clair…  ».

RETOUR VERS DES SEMENCES NATURELLES

Le secteur de l’agro-écologique, qui s’organise pour contrer ce raz-de-marée mondial de semences OGM, a heureusement des antennes au Sénégal. Pour se procurer des graines 100 % naturelles, on peut faire appel à l’association Kokopelli, intervenue dans les fermes de Kaydara et Samba Dia qui peuvent aujourd’hui faire des dons de semences naturelles à d’autres producteurs sénégalais. Le Mouvement des Femmes Semencières, bien développé au Sénégal, travaille aussi à faire revenir les semences anciennes préservées par les femmes. Ce mouvement a pour objectif de promouvoir la reproduction, la conservation, le don et l’échange de semences vivantes reproductibles à travers le monde. Cet organisme, né à la demande de Pierre Rabhi, qui souhaite favoriser la biodiversité, informe et facilite les transferts de compétences, les rencontres, les échanges de semences et de plantes, la création de potagers et de pépinières bio.

La conversion à l’agriculture biologique est donc favorisée par le manque de moyens des agriculteurs pour suivre la course infernale à la consommation que leur impose les importateurs d’intrants chimiques et de graines OGM, ainsi que par la prise de conscience des producteurs et consommateurs de l’impact qualitatif sur les produits.

Pour certains, c’est une question simplement de retour aux sources, de coutumes ancestrales préservées. Dans la région du Ferlo, zone par excellence de l’élevage extensif, peu de produits non admis en élevage biologique sont utilisés. L’agriculture biologique a été facilement adoptée en Casamance (Kolda et Ziguinchor), par les paysans qui généralement refusent d’utiliser les pesticides et engrais chimiques, non seulement par manque de moyens pour acheter des engrais, mais aussi car pour une majorité d’entre eux, les engrais chimiques « chassent les génies de l’eau »…

Les agriculteurs du Fleuve Sénégal comme ceux de la région des Niayes constatent unanimement la dégradation des terres et la perturbation générale de l’écosystème depuis l’utilisation d’engrais chimiques. Les agriculteurs des Niayes ont compris les premiers l’intérêt d’une conversion en agriculture biologique. Souhaitons que ce statut de premier foyer de production maraîchère au Sénégal, précurseur dans la conversion au bio, fasse office de modèle pour d’autres zones de production agricole d’envergure. 
Les techniques agricoles ancestrales et traditionnelles ont tendance à être oubliées. La formation dans le domaine de l’agro-écologie est cruciale.

Depuis les années 80, des maraîchers ont été formés par diverses ONG agissant dans ce secteur comme Enda Pronat qui milite pour une agriculture bio au Sénégal depuis bientôt 30 ans, Agrecol Afrique, PAN Afrique, ASPAB, Rodale International, les Brigades Vertes, SOL. Des fermes biologiques dans les régions de Tamba, de Kolda, de Ziguinchor, de Thiès et de Saint-Louis, propagent des pratiques efficaces. Des centres de formation en agriculture biologique existent comme la ferme de Ndiémane.

Une démarche qui s’est avérée payante, puisqu’une comparaison avec la culture du haricot vert dans la région des Niayes a montré que l’on pouvait accroître le nombre de cultures de 2 à 5 sur une même campagne de production, et que, pour ce qui est du programme de coton biologique, les prix offerts pour l’exportation du coton biologique sont supérieurs. Les résultats nets d’exploitations sont plus intéressants en agriculture biologique.

PAS DE CADRE RÉGLEMENTAIRE AU SÉNÉGAL

L’agriculture biologique dite AB ou « bio » est soumise à une série de règles à toutes les étapes de la chaîne de création de valeurs des produits agricoles, depuis la production jusqu’à la distribution en passant par la transformation et le conditionnement. Plus strictes pour l’export, ces étapes sont encadrées par des règlements et des conformités à respecter pour les acteurs.

Même s’il n’y a pas de label sénégalais où ouest-africain du bio, l’appellation AB n’est permise qu’après la certification par des organismes certificateurs (OC) privés (Ecocert, Max Havelaar, …) occidentaux. ECOCERT (France), organisme international de certification, a établit une antenne africaine « Ecocert Afrique »(au Burkina Faso) pour la délivrance du label bio aux acteurs du bio qui ont suivi la procédure de certification sur le continent. A savoir que dans le cadre de la commercialisation internationale, certaines sociétés qui font l’exportation bio, prennent en charge ces frais, fournissent des intrants censés être naturels et d’autres encadrent les producteurs. Mais le manque de coordination entre les organismes d’appui rend difficile la traçabilité du produit. Ceux qui utilisent l’appellation AB sans détenir le certificat sont coupables d’ « usage de faux ». Les commerçants et distributeurs ont aussi la responsabilité de vérifier cela auprès de leurs fournisseurs.

Actuellement, au Sénégal, l’absence de contrôles en matière de production agricole, ni d’un cadre réglementaire de l’agro-écologie au niveau national, freine son développement. La notion de « bio » est floue pour le consommateur, qui n’a de garantie que la confiance qu’il a dans le producteur, et son instinct. Une tomate biologique n’aura pas les mêmes saveurs, ni odeurs, qu’une tomate nourrie à l’engrais chimique et arrosée de pesticides. Un label national du bio permettrait de sensibiliser les consommateurs. Les OC (organismes certificateurs) doivent être « encadrés » par des lois où décrets réglementaires (si loi existe). Dans le cas contraire, ils se réfèrent aux labels existants et demandent aux acteurs pour quelle label ils souhaitent la certification (NOP) pour le marché américains et CE pour le marché européen, tout en informant les acteurs et en rassurant le consommateur sur la véracité de cette appellation contrôlée.

Certaines initiatives ont eut lieu en ce sens, comme, en 2000, le processus de réglementation de l’agriculture biologique enclenché par les organisations ASPAB3, ENDA PRONAT4, AGRINAT5, AGRECOL Afrique6, RODALE et leurs partenaires, pour mettre en place une structure d’accréditation, de certification et de commercialisation des produits bio. A cette occasion, une commission unissant des acteurs des secteurs privés et publics, le Conseil Sénégalais de l’Agriculture Biologique (COSAB) a été constituée. Une conférence nationale incluant des participants internationaux à eu lieu 23 au 25 Mars 2000 à Mbour. Le COSAB devait conduire à l’élaboration d’un cahier des charges de l’agriculture biologique conforme à la réglementation de l’IFOAM7 et enclencher un processus de formation d’inspecteurs pour la certification. Depuis, cet organisme s’est fait très discret, le projet est tombé dans les oubliettes des méandres administratifs, et rien ne semble avoir évolué.

UN SECTEUR QUI DOIT S’ORGANISER

Visiblement, le secteur de l’agro-écologie sénégalais peine à s’organiser, à se coordonner, alors que, pour le Sénégal que l’on veut émergent, il pourrait être un pas décisif, si ce n’est vers l’autosuffisance, du moins vers la libération de la dépendance envers les intrants chimiques, tout en réduisant le taux de produits agricoles importés.

Une agriculture biologique locale, forte et efficace, en garantissant une qualité supérieure des produits par-rapport à la concurrence, faciliterait la diffusion des produits locaux. Un label national bio, valorisant le produit, rassurant le consommateur, rendrait possible les conditions d’un véritable commerce équitable, « Bio Made in Sénégal », à l’export. Ce n’est pas le rôle de l’Etat de délivrer ce label bio aux acteurs, il peut s’agir de structures privées comme c’est le cas en Europe. Les Etats et l’Union Européenne encadrent, par une série de règlements à suivre pour les acteurs de la filière et les OC (organismes certificateurs), mais n’interviennent pas dans la délivrance même du certificat qui se fait par des organismes privés. Le cadre réglementaire des Etats agit donc comme une loi sur les Organismes Certificateurs qui doivent le respecter pour qu’en bout de course, ces derniers délivrent le label aux acteurs.

L’agriculture biologique est aussi victime d’un véritable manque de visibilité, de part les acteurs eux-mêmes mais aussi le consommateur, qui peut choisir de devenir un véritable actif, en préférant acheter local et naturel (bio) plutôt qu’encourager le quasi-monopole de produits importés sur le marché sénégalais de l’agro-alimentaire. L’agriculture locale, pour émerger, non seulement doit être visible dans les rayons de supermarchés, boutiques, mais doit aussi être compétitive. A cet effet, un contrôle efficace par une agence de répression des fraudes pour la production locale et les produits importés serait un pas décisif. Car à cette confusion de l’appellation « bio » s’ajoutent, dans les rayons de nos boutiques et supermarchés, faute de contrôle, de nombreux produits avariés, donc possiblement néfastes pour la santé, qui déferlent sur le marché, à bas prix.

Certains exportateurs étrangers, uniquement motivés par leur marge bénéficiaire, se sont engouffrés dans cette brèche inquiétante, bien contents de vendre aux importateurs locaux ce qui aurait dû être pour eux une perte sèche (destruction ou déclassement de leurs produits avariés du marché). Ces produits, moins chers que les produits locaux, sont une concurrence déloyale pour les producteurs locaux en plus d’être une atteinte à la santé publique.

Certes, à l’heure actuelle, les produits bios locaux, plus coûteux que les produits importés, sont plutôt accessibles aux classes sociales élevées, qui ont un rôle actif, et crucial, à jouer. En stimulant, par leurs achats de produits bios, la production locale, elles pourraient bien faire en sorte que les acteurs de cette filière, grâce à de meilleurs bénéfices, puissent réduire leurs prix de vente, ce qui mettrait à la portée d’un nombre grandissant de personne des produits sains tant pour l’humain que son environnement.

 

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