Cet ouvrage collectif, dont la lecture est aisée, est un livre de référence majeur sur la problématique linguistique haïtienne qu'il traite avec rigueur et hauteur de vues. Doté d'une vaste documentation et d'un appareillage théorique et critique de premier plan, il a été rédigé par quatre linguistes, tous spécialistes des questions traitées. Ce livre, de plus, est fort à propos présenté et soutenu par des spécialistes de l'aménagement, de l'histoire et de la jurilinguistique. Les analyses et diagnostics consignés dans cet ouvrage donnent lieu à des propositions appelées à faire consensus, à l'échelle nationale, dans l'incontournable reconstruction d'Haïti.
La coexistence pacifique ou enchaînée des deux langues haïtiennes, le créole et le français, pose problème depuis fort longtemps. Qu’il s’agisse de préjugés issus de la période coloniale, qui stigmatisent et dévalorisent encore le créole, ou de clichés de survalorisation sociale du français, la fameuse «question linguistique haïtienne» est le lieu de toutes les passions nationales. Dans le système éducatif en particulier, cette «question» est présente de manière aigue, contradictoire, voire conflictuelle.
Pour la première fois depuis la promulgation de la Constitution de 1987, des linguistes abordent de front, dans un ouvrage collectif, l’épineuse problématique linguistique haïtienne de manière innovante et proposent des pistes consensuelles de solution aux problèmes analysés. Ce livre consigne et expose leur conception de l’aménagement linguistique des deux langues haïtiennes: dans l’espace public des relations entre l’État et ses administrés, dans le système éducatif depuis le primaire jusqu’à l’Université, sur le registre de l’alphabétisation comme sur celui de l’élaboration de la future première loi d’aménagement et de didactique des deux langues officielles d’Haïti.
Honorant la Francocréolophonie haïtienne réputée pour sa culture et sa littérature, ils plaident en faveur de la «convergence linguistique» en terre haïtienne, convergence qu’ils apparient à une claire et forte vision du bilinguisme de l’équité des droits linguistiques dans le contexte où, après le séisme du 12 janvier 2010, il est urgent de repenser et de refonder à la fois l’École et l’Université d’Haïti. Longtemps différée, l’entrée des 10 millions d’Haïtiens dans leur citoyenneté républicaine est d’abord, le lecteur en conviendra au fil de ces pages, l’entrée dans la plénitude des langues qui nomment cette citoyenneté et cet être-au-monde que consigne l’Acte de l’Indépendance de 1804.
Logo de l'article: Tableau de artiste-peintre Anthony Benoît, qui vit à Montréal.