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L’AMÉNAGEMENT LINGUISTIQUE EN HAÏTI ET LE BILINGUISME FRANÇAIS-CRÉOLE

Par Fortenel THELUSMA
L’AMÉNAGEMENT LINGUISTIQUE EN HAÏTI ET LE BILINGUISME FRANÇAIS-CRÉOLE

Linguiste, didacticien du FLE, Professeur à l’Université d’État d’Haïti et à l’Université Quisqueya, Port-au-Prince, le 30 septembre 2011

Dans toute communauté où cohabitent plusieurs langues se pose le problème, à l’échelle de l’État, des choix concernant les rapports entre ces langues et les acteurs sociaux qui les utilisent. Y répondre relève de la politique linguistique et de la mise en application de cette politique linguistique (Louis-Jean Calvet, 1993: La sociolinguistique, p.111). En Haïti, la question des langues a toujours fait l’objet de débats, parfois passionnants et même dramatiques. En l’an 2000, à la demande du Ministère de l’éducation nationale de la jeunesse et des sports (MENJS), une équipe de cinq chercheurs a réalisé une étude sur «L’aménagemen linguistique dans les salles de classe», (Impression: Ateliers de Grafopub, P-au-P, Haïti). Ils avaient pour mission de répondre à des questions autour de la place du créole et du français à l’Ecole Fondamentale. Parmi les consultants, on peut citer R. Charlier Doucet, P. Vernet, A. Charles, E. Gousse et A. Gilles. Depuis onze ans que ce rapport d’enquête est disponible, aucune suite n’y a été donnée.

En juin 2011, aux Éditions de l’Université d’État d’Haïti, des linguistes ont publié, sous la direction du linguiste-terminologue Robert Berrouët-Oriol, «L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions», un ouvrage collectif d’abord édité en février 2011 à Montréal aux Éditions du Cidihca. Les auteurs ont eu le mérite  d’aborder le problème linguistique haïtien sous des angles variés mais complémentaires. Sur la question de la dénomination du créole haïtien, le linguiste Hugues St-Fort  a fait clairement le point: «Ce n’est pas le changement du nom de la langue parlée par les Haïtiens qui donnera une meilleure image de cette langue. […] Une meilleure image s’acquiert par des facteurs tels que le développement, la construction d’un état de droit, le respect de la personne humaine, etc. [..] La tentative de remplacer «kreyòl» par ayisyen» relève du strict nationalisme et équivaut purement et simplement à de l’idéologie. Il n’y a là aucune vision de la langue en tant que ressource ni en tant qu’instrument d’une politique linguistique» (pp.48-49). Quant à lui, Robert Fournier a apporté un bel éclairage sur  des situations qui, au cours de l’histoire de l’Humanité, mettaient en contact «des populations jusque là distantes et qui ignoraient le plus souvent l’existence même de l’autre ; contacts de populations ne mettant pas seulement en contact des personnes entre elles mais aussi les langues parlées par ces populations» (p.51). L’auteur, à faire l’historique des langues créoles en général (contacts, convergence, convivialité) termine ainsi sa contribution: «En conclusion, l’émergence du créole haïtien en particulier, ou si l’on veut sa genèse, n’a pas suivi de voie distincte de toutes autres langues de l’histoire humaine où des populations ont été pour diverses raisons mises en contact les unes avec les autres et où ces populations ont dû apprendre à partager leurs langues pour en créer une nouvelle. En cela, le créole ne saurait souffrir d’exceptionnalisme évolutif» (p.70).

On l’aura compris, il était important de faire toute la lumière sur la formation, le fonctionnement et les fonctions des langues en général, mais surtout d’insister sur les caractéristiques communes du créole et des autres langues compte tenu des préjugés des Haïtiens sur leur propre langue. Cette base étant posée, les questions d’aménagement linguistique, de didactique des langues française et créole pouvaient t être soulevées.

Après avoir fait le tour des concepts «aménagement linguistique», «politique linguistique», «droit linguistique» etc., Robert Berrouët-Oriol souligne à juste titre le fait que, au sens strict d’un aménagement et de la didactique du créole et du français, l’État haïtien n’a pas mis en œuvre, depuis l’adoption de la Constitution de 1987, une politique linguistique fixant le statut des langues et les modalités d’application d’une loi-cadre, notamment sur les grandes questions suivantes:

  • les langues d’enseignement, de la maternelle à l’enseignement supérieur;
  • les langues de l’Administration publique et de la communication étatique;
  • les langues de la législation et de la justice;
  • les langues nationales du travail;
  • les langues fonctionnelles de confection et de diffusion des outils pédagogiques, des manuels scolaires et académiques.

Conformément à cette approche en phase avec la réalité de la vie des langues en Haïti, Robert Berrouët-Oriol prône la «convergence linguistique dans la Francocréolophonie haïtienne». Selon lui, «la convergence linguistique doit être portée par l’Etat Haïtien à travers l’alphabétisation en créole de tous les unilingues créolophones. Dans la Francocréolophonie haïtienne, cette « convergence linguistique» est un espace de rencontre et de maillage construit et une dynamique de cohabitation novatrice entre les deux langues haïtiennes. Elle ne doit pas être vue, d’abord comme un apprentissage du créole suivi d’un «passage au français»: une nouvelle didactique de compétence du créole et du français devra enchâsser la dite convergence en un double apprentissage par la valorisation soutenue des deux langues et l’accent mis sur la maîtrise linguistique mesurable à l’oral comme à l’écrit. «La convergence linguistique» ne fonctionne pas par l’exclusion d’une langue au profit d’une autre», (p.165).

 Enrichissant avec à-propos la démarche générale du livre, la linguiste et didacticienne Darline Cothière plaide elle aussi pour une pédagogie convergente ou intégrée, c’est-à-dire la prise en compte du créole dans l’enseignement-apprentissage du français. En effet, elle défend «l’idée de l’application d’une didactique adaptée du français au contexte haïtien dans le cadre de l’aménagement linguistique» (p.202).

Elle suggère, d’autre part, d’exploiter dès  le départ les potentialités de transfert positif, c’est-à-dire le transfert d’une structure inspirée de L1 (langue maternelle), qui facilite l’apprentissage de la même structure, en L2 (langue apprise en contexte scolaire), sur la base des similitudes. Stratégiquement, cela revient à introduire des éléments (sur les plans phonétique, lexical ou morphosyntaxique) au début de l’apprentissage et d’intégrer progressivement les éléments différents» (p.209).
L’aménagement linguistique en Haïti tel qu’il a été abordé par les spécialistes cités dans ma présentation de l’ouvrage du même nom pose, au-delà de leur usage, la problématique de l’enseignement du créole et du français en Haïti, en même temps que celle du bilinguisme. On peut être légitimement tenté de procéder à un état des lieux en posant cette pertinente question:
Haïti, aujourd’hui, quel bilinguisme?

Le principe du bilinguisme dans le système éducatif haïtien est consacré et admis dans deux documents officiels d’une très grande importance. Dans le livret vert intitulé «La Réforme éducative, éléments d’information», (Département de l’Education Nationale / Institut Pédagogique National (IPN), 1982, Imprimerie des Antilles, P-au-P) on lit ceci «L’une des principales innovations dans les nouveaux programmes de l’enseignement fondamental est l’introduction du créole comme langue enseignée et langue d ‘enseignement. Cette innovation répond à la volonté de promotion de la langue créole dans la vie sociale et culturelle du pays. Le français continue d’être langue enseignée et langue d’enseignement. En ce qui concerne l’aspect linguistique de l’enseignement, l’objectif général est donc celui d’un bilinguisme fonctionnel qui devrait être atteint dans le 2ème cycle de l’enseignement  fondamental».

Par ailleurs, il est important de signaler que, selon le document de référence cité ci-dessus, le français, L2, a été considéré comme langue enseignée et langue d’enseignement bien avant le créole, L1 de la majorité des haïtiens. Le comble, c’est  que, en dépit du prestige et des considérations  particulières dont il jouit depuis environ deux  cents ans, le français n’est jusqu’à présent pas une langue de communication en Haïti. C’est qu’il est acquis en salle de classe, dans un milieu où les langues sont encore enseignées selon des normes traditionnelles dont l’essentiel se résume à des cours de grammaire (analyse grammaticale et logique, conjugaison de verbes, accords de participes passés) et de vocabulaire (apprentissage de mots isolés donc vides de sens ou vidés de leur sens).

L’autre document légalisant le bilinguisme est la Constitution du 29 mars 1987 qui reconnait en son article 5 que le créole et le français sont les deux langues officielles de la république d’Haïti. On fera également remarquer que la constitution haïtienne de 1987 est arrivée tout juste un an après les évènements politiques de 1986, période d’épanouissement, de libéralisation du créole et donc de la parole, selon certains Haïtiens. Cet aspect positif, en apparence, tend à voiler une autre vérité: il y a eu, certes, cette explosion du créole, utilisé partout y compris dans certains  milieux réservés presque exclusivement jadis au français (parlement, médias etc.), mais, au fond, on a constaté une régression dans la pratique du français, que ce soit en milieu naturel qu’en milieu institutionnel, par manque d’intérêt sur le plan social. Et le créole, de son côté, devient de plus en plus francisé, notamment dans les médias. De plus, son enseignement en général, est presque aussi désuet que celui du français (analyse et construction de  phrase, orthographe). Il convient donc de s’interroger sur l’état actuel du bilinguisme en Haïti.

En 1983, L. Cani et A. Bentolila (cités par Claude Buanic, IPN / ENS, 1985-86, in Initiation à la didactique du français) ont indiqué dans la revue Pourquoi  qu’il y avait 3% d’Haïtiens réellement bilingues et que 15% des autres haïtiens étaient diglottes. Entendez par diglottes, ici, ceux qui utiliseraient les deux langues suivant un mode hiérarchisé, l’une jouissant de prestige par rapport à l’autre. De cette date à nos jours, quelle est la marge d’évolution de ces chiffres ? On n’en sait pas grand-chose. Les auteurs de « L’Aménagement linguistique en Haïti » citent prudemment «différents acteurs du système éducatif estimant qu’entre 10% et 25% de la population haïtienne est bilingue au sens où cette portion de la population parle couramment créole et maîtrise en même temps le français à des degrés divers». Seule une nouvelle enquête scientifique pourrait faire  le jour là-dessus. Toutefois, quand  on tient compte du nombre d’analphabètes, encore élevé, et quand on sait que la majorité des jeunes qui arrivent à l’université éprouvent beaucoup de peines à communiquer en français, même avec des cours dits de mise à niveau, on peut supposer que le nombre de bilingues n’a pas beaucoup augmenté aujourd’hui et ne devrait pas trop s’éloigner du chiffre de 3 %, étant entendu que la majorité des Haïtiens sont créolophones unilingues et qu’une infime partie de la population peut utiliser le créole et le français.  Se pose alors la question de la compétence de ces locuteurs dans les deux langues.

Il n’y a jusqu’à présent pas de consensus  sur le sens de l’utilisation de deux langues. Bloomfield définit le bilinguisme comme « la possession d’une compétence de locuteur natif dans deux langues » (Bloomfield, 1935, p. 56). À l’inverse, pour Macnamara (1967a), le bilingue est celui qui possède une compétence minimale dans une des quatre habiletés linguistiques, à savoir: comprendre, parler, lire et écrire dans une langue autre que sa langue maternelle. Si le bilinguisme tel que conçu par Bloomfield est loin d’être évident, on peut attendre du bilingue qu’il valorise les deux langues sur le plan cognitif, c’est -à-dire qu’il ne manifeste de préjugé vis- à-vis d’aucune des deux. Il y  a, bien entendu, des positions  intermédiaires à ces deux définitions, mais eu égard à la situation actuelle en Haïti, nous pouvons formuler les interrogations suivantes: qui relève de la bilingualité d’enfance ? Qui relève de la bilingualité  d’adolescence ou de l’âge adulte ? En d’autres termes, dans le contexte qui est le nôtre, il serait illusoire d’exiger de l’Haïtien pour être bilingue d’afficher les mêmes  compétences communicatives en créole et en français. D’autant plus qu’on ne dispose d’aucune donnée scientifique sur ceux qui seraient bilingues dès l’enfance ou à l’âge adolescent ou encore à l’âge adulte. Cependant, nos observations empiriques en salle de cours, à l’enseignement supérieur, nous autorisent à affirmer que beaucoup d’étudiants n’ont pas acquis les compétences qu’on pourrait espérer des apprenants de la 9e année fondamentale (AF). Ils peuvent difficilement présenter un exposé de quinze minutes en français, leurs productions écrites sont extrêmement laborieuses et la correction de ces activités se révèle un exercice ennuyeux.

Le français, étant généralement appris en milieu scolaire, l’incapacité de la majorité des jeunes, apprenants et étudiants, à communiquer dans cette langue, trouve son explication dans les méthodes d’enseignement-apprentissage qui reposent sur la compétence grammaticale. Il en résulte que les cours de français sont ternes et rébarbatifs. D’autre part, mise à part l’absence de stratégies communicatives systématiques dans l’enseignement- apprentissage des langues, en général, en Haïti, du français, en particulier, il faut noter en grandes lettres l’inadéquation de la formation des enseignants et l’inexistence de documents de qualité: manuels scolaires désuets incapables de répondre aux besoins de communication des apprenants. L’introduction du créole, langue première, à l’école haïtienne, constitue l’une des innovations majeures de la réforme ; celle-ci entendait lui assigner son vrai rôle dans le système éducatif. Mais, il n’a jamais été indiqué qu’il remplacerait le français. Au contraire, on recherchait un bilinguisme fonctionnel. Les adversaires de la réforme d’alors qui voulaient garder le monopole du français ont fait circuler la rumeur  selon laquelle celui-ci devrait  être remplacé par le créole. Au niveau des couches défavorisées, les parents qui n’envoyaient leurs enfants à l’école que pour apprendre le français ont protesté contre cette soi-disant mesure et malgré eux ont participé au boycottage de la réforme.

Cet exemple témoigne de l’importance, du rôle du français dans l’imaginaire collectif de l’Haïtien. L’analphabète, créolophone unilingue, face à la caméra ou au microphone du journaliste, éprouve le besoin de s’exprimer en français et, parfois,  son discours devient presque incompréhensible avec des mots déformés et des hypercorrections par-ci par-là. S’il n’y a presque plus de frontière quant à la pratique des deux langues dans la communauté haïtienne, l’idée de  prestige, de valorisation du français est encore bien présente dans l ‘esprit de beaucoup de locuteurs haïtiens.

Qu’en est-il de la relation du créole et du français dans la pratique quotidienne?

Pour Titone (1972), le bilinguisme consiste dans la « capacité d’un individu de s’exprimer dans une seconde langue en respectant les concepts et les structures propres à cette langue, plutôt qu’en paraphrasant  sa langue maternelle ». En effet,  l’interférence de la langue première (L1) sur la langue seconde ou étrangère (L2), considérée comme un écart inconscient, individuel, peut affecter tous les aspects de la langue. Beaucoup de locuteurs haïtiens, même parmi ceux qui méprisent le créole, pensent s’exprimer correctement en français alors que le discours utilisé présente des traits, des structures et des mots de la langue créole, susceptibles parfois de compromettre le sens du message, si bien qu’un étranger aurait  du mal à s’y retrouver. En témoignent les énoncés suivants:

  • «Sur la route, j’ai pris un saut et deux des verres se sont cassés»
    Au cours de la route, j’ai fait une chute, deux des verres se sont cassés (notre  traduction).
     
  • «Merci, monsieur, j’arrive».
    Merci, monsieur, je suis arrivé à ma destination (notre traduction).
     
  • «Comme tu as deux stylos, est-ce que je peux en prêter un
    Comme tu as deux stylos, est-ce que je peux t’en en emprunter un? (notre traduction).
     
  • «Faites un petit back s.v.p ; ou encore « monsieur, avancez s.v.p…»
    «Reculez un peu, s.v.p»; ou encore «monsieur, reculez s.v.p. (notre traduction).

D’autres écarts comme ceux portant sur la phonétique sont moins graves, le message pouvant être compris.

Exemples:

  • Il y aura beaucoup de surprises dans cette coupe du «monn».
  • Les «palemantè» n’ont pas encore voté cette loi.

L’interférence s’observe également dans l’autre sens.

Beaucoup d’énoncés créoles subissent l’influence du français. Dans les exemples qui suivent, les mots utilisés se retrouvent dans les deux langues, avec des différences orthographiques et phonétiques mais la structure est française, notamment les incises.

  • «Poze keksyon sou program li, minis lan reponn konsa…»
     
  • «Refòm sa a te enpòtan, ajoute minis lan.»

Il est quand même difficile de poser la problématique du bilinguisme et de l’interférence sans prendre en compte l’anglais. Par exemple, dans certaines émissions de musique diffusées à travers la presse orale, l’anglais accompagne le français et le créole.

  • «Nou pral pwomote kanaval nasyonal la».
     
  • «Mass kompa ap pèfòm aswè a nan Regency».

Dans une communauté où deux ou plusieurs langues sont en usage, on constate, fréquemment, une sorte d’interpénétration de ces langues, des cas de mélange et d’alternance codique.

«Alternance codique» signifie que dans le discours le locuteur peut passer d’une langue à l’autre en respectant les règles de fonctionnement propres à chacune d’elles; dans le mélange de langues, on retrouve des énoncés «bilingues», c’est-à-dire dans une même phrase se combinent deux langues sans qu’il ne soit possible de les analyser séparément. L’un des lieux privilégiés du mélange de langues est la presse parlée où interviennent généralement et fréquemment des individus  bilingues (journalistes, hommes politiques, universitaires etc.). La situation la plus déconcertante est celle où à  l’écoute d’une édition de nouvelles  en créole à la radio, l’auditeur est souvent complètement perdu parce que le langage utilisé ressemble à une traduction improvisée du français au créole, quand ce ne sont pas des commentaires comme «premye minis lan gen du pain sur la planche» ou «sante yo ap deteryore de jour en jour».

Pourquoi, alors, tant d’incorrections dans l’usage du créole?

Depuis 1986, avec ce qu’il est convenu d’appeler la libéralisation de la parole, le créole est utilisé partout notamment dans les médias.  Cependant, si le discours en français dans les éditions d’information est en général très correct, très soigné, il n’en est pas de même pour les informations en créole où le langage est fortement influencé par le français. Serait-ce une façon de prouver qu’on est bilingue parce que de mauvaises langues font passer les présentateurs de nouvelles en créole pour de mauvais francophones?  Ou encore serait- ce la déformation de l’école depuis l’époque où le créole était totalement méprisé parce que non considéré comme langue à part entière? Il est évident qu’actuellement ni le créole ni le français ne remplissent la fonction qui leur est assignée par la réforme éducative de 1982. Le premier est d’avantage utilisé comme langue d’enseignement par certains enseignants pour compenser leurs lacunes en français que pour le valoriser. Le second n’est pas enseigné efficacement pour devenir un outil de communication utile.

Dans la perspective d’un bilinguisme réel et effectif, d’abord l’Haïtien devrait changer de comportement: par exemple, résoudre la  crise d’identité culturelle en s’acceptant tel qu’il est, en valorisant sa langue première. Ensuite, l’État haïtien gagnerait à assumer sa responsabilité en proposant une politique linguistique qui définisse clairement le rôle et l’usage du français et du créole en milieu scolaire. Il faudrait également procéder à une scolarisation massive, à la construction, en grand nombre, d’écoles publiques de qualité. Enfin, il est important de mettre en place une méthodologie  de l’enseignement-apprentissage du français qui tienne compte des spécificités d’Haïti et des besoins en communication des Haïtiens.

L’ouvrage collectif «L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions» interpelle l’État haïtien sur toutes les questions essentielles relatives à la question des langues en Haïti. Au terme de sa démarche, ce livre consigne une avancée inédite dans son champ d’étude en proposant au Parlement haïtien des éléments d’une proposition de projet de loi pour l’aménagement du créole et du français en Haïti. Je retiens, de surcroit, qu’il innove en proposant au Parlement et à l’État haïtien d’inscrire leur prochaine action législative dans la dynamique d’un État de droit sous l’angle novateur du «bilinguisme de l’équité des droits linguistiques».

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